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selles n'y avoit homme demeuré, ni femmes, ni enfants, excepté cinq ou six vieilles, dont le bon duc fut moult déplaisant; car il avoit chevauché toute nuit cuidant(croyant) trouver les dits Gantois: mais ils avoient été si effrayés le jour devant de la besogne et déconfiture qu'ils avoient eue devant la ville de Hulst, que sans arrêter ils s'en fuirent jusques en la ville de Gand.

Après ces nouvelles sçues, le duc ordonna au maréchal de l'ost, qu'il prît les fourriers, et allât au lieu de Acqueselles faire les logis. Si fut ainsi fait et ordonné, et là se logea le duc et tout son ost. En après plusieurs compagnons de guerre passèrent outre cette ville d'Acqueselles, et trouvèrent tant de vaches et de bétail qu'on donnoit une belle vache pour cinq sols. Le dit jour, qui étoit le derrain (dernier) jour de juin, après ce que hommes et chevaux furent repus, le duc envoya courre le pays des Quatre Métiers du côté de la mer, tout jusques à Bouchant; et y furent ce vaillant chevalier messire Jacques et messire Simon de Lalain son oncle et plusieurs autres chevaliers et écuyers. Si ne trouvèrent personne en tout le pays, ni hommes ni femmes ni enfants, que tous ne fussent retraits (retirés) en la ville de Gand. Les deux seigneurs, messire Jacques et messire Simon de Lalain, par l'ordonnance et commandement du duc firent bouter les feux en cette ville de Bouchant et par tout le pays où ils furent, et ardirent (brûlèrent) bien trois lieues de pays, que ceux de la ville de Gand véoient à plein.

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CHAPITRE XCVI.

Comment le DUC DE BOURGOGNE FIT BOUTER LES FEUX DEDANS MORBECque et autres PLUSIEURS VILLAGES.

Le premier jour de juillet ensuivant, le duc de Bourgogne envoya messire Louis de la Viéville et messire Louis de Mamines en la ville de l'Écluse quérir des vivres: car le pain étoit failli, (manqué)et étoit très cher en l'ostdu duc; et leur fut commandé qu'ils amenassent leurs vivres à un village nommé Wacquebecque, qui est un beau village séant à deux lieues de Gand. Le duc de Bourgogne fut logé au dit lieu de Acqueselles trois jours entiers, et le quatrième jour, qui fut troisième jour de juillet, se délogea et s'en alla loger au village de Wacquebeque. Mais avant son partement il envoya courre à puissance dedans un fort village nommé Morbecque lequel étoit de fortes avenues, là où on cuidoit (croyoit) moult grand nombre de gens. Et firent la course les gens de messire Jean de Croy, et y furent le seigneur de Mingoval, messire Jean de Rubempré neveu du seigneur de Croy, et plusieurs autres chevaliers et écuyers. Au dit village de Morbecque n'avoit nul, car tous s'en étoient fuis dedans la ville de Gand ou dedans les marais du dit Morbecque lesquels sont marais où on prend tourbes: lesquels sont tant périlleux, que nuls étran

gers n'y peuvent ni ne savent comment entrer que ce ne soit en péril et danger de perdre la vie; et tels y entrèrent pour cuider (croire) gagner, qui oncques puis n'en revinrent: mais comme j'entends, ils n'y furent que deux ou trois.

Quand les deux de Rubempré et de Mingoval virent que autre chose ne se pouvoit faire èsdits marais lesquels on appelle Moures, ils firent bouter le feu au dit village de Morbecque: car on leur avoit commandé. Si fut la dite course faite le prenier jour de juillet. Et pour revenir à notre matière du délogement du bon duc, vérité est qu'il se délogea le troisième jour de Juillet de ce bel et gros village d'Acqueselles que ceux du pays ne tenoient pas pour village, mais pour bonne ville, ayant armes, loi et maison de ville, et avec ce y avoit bien de deux à trois mille maisons lesquelles au déloger furent presque toutes arses (incendiées); et peu y en demeura, fors qu'une très belle église et la maison de messire Guy de Ghitelle laquelle étoit enclose d'eau et de fossés, et fut garantie du feu, pour ce que le chevalier tenoit le parti du duc son seigneur. Ainsi comme vous oyez se délogea le duc et tout son ost; si chevaucha en la plus belle ordonnance qui pour lors faire se pouvoit: car on ne pouvoit chevaucher que par les chemins, tant étoit le pays fossoyé. Et encore étoient tous les chemins bouleverqués (fortifiés) mais ceux boulevards étoient rompus, et les chemins refaits et alla celui jour loger le duc à Wallebecque; dont dessus est faite mention, et là fut deux jours; et illec(là) lui vinrent vivres de

l'Ecluse en grand' abondance que messire Louis de la Viéville et messire Louis de Mamines conduisirent, ainsi que chargé leur avoit été, et bien le firent. En ces deux jours que le duc et son ost furent logés en celui village de Wallebecque, coururent plusieurs gens de Si furent les aucuns devant une petite place qui se tenoit, laquelle fut prise de force et tous ceux de dedans mis à la mort. Là entour du dit Wallebecque fut trouvé tant de bêtes à cornes qu'on n'en savoit que faire, et en gagnèrent si largement que celui qui avoit quatre écus avoit cent bêtes à cornes qui acheter les vouloit.

de guerre les pays d'entour le logis.

Entour le dit village de Wallebecque avoit grands marécages, et si y passoit la rivière de Drosne, et étoient les dits marais de très mauvais fond. Et pourtant iceux marais furent avisés par messire Daviot de Poix et par le seigneur de Contay, et fit on refaire aucuns passages, espérant que tout l'ost du duc y passeroit; et de fait fut l'entreprise faite pour y passer, et y passèrent plusieurs, tant à pied comme à cheval: mais les dits marais s'effondrèrent tellement, qu'il fallut cesser le passage; et qui pis fat, il convint repasser ceux qui étoient allés outre les dits marais, car si Gantois fussent venus sur eux, on ne les eût pu aider ni secourir. Si furent ceux qui étoient passés, au repasser tellement mouillés et brouillés, que c'étoit grand' pitié à les voir; et pour cette cause fallut demeurer tout le jour à Wallebecque, et convint aller refaire les passages et ponts de Morbecque. Puis se délogea le

duc le sixième jour du mois de juillet lui et tout son ost, et au déloger on bouta les feux partout; et si avoient êtés boutés le jour de devant en plusieurs villages, tant à Artevelle comme ailleurs. Ce sixième jour de juillet, le duc de Bourgogne passa la rivière de Drosne, à un passage à guet nommé Draghenen, et auprès d'icelui passage se logea le duc et tout son ost.

CHAPITRE XCVII.

DE LA COURSE QUI SE FIT DEVANT LA VILLE DE GAND, DE LAQUELLE COURSE ÉTOIT CHEF LE DUC DE CLÈVES, ET DE CE QUI S'Y FIT,

QUAND ce vint le lendemain, le duc se délogea

de Draghenen, et s'en alla loger aux champs sur la rivière de l'Escaut au plus près d'un village nommé Westre, séant sur icelle rivière, entre Gand et Tenremonde qui est à une lieue et demie de Gand ou environ; et là le duc et tout son ost furent logés en tentes, pavillons et logis faits pareillement qu'on feroit en un siége. A icelui logis de Westre revinrent les ambassadeurs du roi, lesquels s'étoient tenus à Tenremonde pendant le temps que le duc avoit été au pays des Quatre Métiers et de Wast. Et illec (là) de rechef requirent au duc, qu'il lui plût à entendre à traité de paix, laquelle paix ne se pouyoit bonnement faire sans trèves. A laquelle chose

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