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artillerie fut prête, c'est à sçavoir hommes d'armes, archers et arbalétriers, et artillerie grosse et menue. Son ordonnance pour la garde de son corps et de sa bannière, fut faite par la manière que l'année devant, excepté que le seigneur de Ternant qui avoit la charge de la bannière du duc, étoit pour lors en Bourgogne, et fut commis en son lieu messire Jean bâtard de Saint-Pol: et au regard de l'avant-garde au lieu du comte de Saint-Pol, qui pour lors étoit allé par devers le roi de France, le maréchal de Bourgogne y fut ordonné; et messire Jean de Croy, lequel durant les guerres, en fut toujours l'un des chefs; et avec eux messire Simon de Lalain et messire Jacques son neveu. Et le comte d'Étampes menoit et conduisoit l'arrière garde; et quant au seigneur de Croy comte de Porcien et gouverneur de Luxembourg, lui fut ordonné et expressément commandé de par le duc de Bourgogne à aller au pays de Luxembourg, pour cause de ce que plusieurs chevaliers écuyers, villes et forteresses s'étoient rebellés à l'encontre du duc.

Or est vérité que le duc de Bourgogne se partit de la ville de Courtray le vingt-quatrième jour ensuivant du dit mois, et alla au gìte à Audenarde: puis se partit d'Audenarde, et s'en alla mettre le siége devant Scanderbecque, une forteresse ainsi nommée, que les Gaulois occupoient et tenoient, où il y avcit gens qui moult de maux faisoient au pays de Hainant et ailleurs ès marches et pays du duc. L'artillerie fut appointée pour tirer de canons et de bombardes: mais iceux Gantois eurent les

cœurs faillis, tellement qu'ils se rendirent à la volonté du duc, laquelle fut telle qu'ils furent tous pendus et étranglés. Et fut cette reddition faite le vingt-septième jour de juin et séjourna le duc; et demeura trois jours en son logis depuis la place rendue, et le troisième jours après, qui fut le dernier jour du mois de juin, se délogea le duc de devant la place de Scanderbecque, et se tira à Audenarde où il ne demeura qu'une nuit. Et le lendemain, qui fut le premier jour de juillet au dit an cinquante trois, le duc alla au gîte à Courtray, jusques au troisième jour après qu'il se délogea et s'en alla mettre le siége devant la forteresse de Poucques où les Gantois avoient mis de leurs gens de guerre, qui moult de maux faisoient par le pays d'environ, et couroient tout jusques à Bruges et à Roullers et en plusieurs autres lieux du pays. Au département que fit le duc de devant la place de Scanderbecque, il ordonna à messire Jacques de Lalain, qu'il allât devant la forteresse de Audenone, que les Gantois tenoient; et aussi tenoient un fort moûtier au lieu nommé Wellesicq. Cette place de Audenone étoit enclose d'eau, de fossés, de muraille et de ponts levis et barrières: mais des plus fortes n'étoit pas.

Toutes fois les Gantois la tenoient et faisoient des maux assez au pays d'environ. Si fut avisé que le vaillant chevalier messire Jacques de Lalain, atout (avec) sa charge de cent lances et ses archers iroit devant icelle place, pour y enclore les dits Gantois, et garder qu'ils n'ississent (sortissent) de la forte

que

resse, tant que plus grand' puissance de gens du duc y fussent arrivés pour les prendre d'assaut ou autrement. Messire Jacques de Lalain emprit la charge le duc lui avoit ordonné à faire, et pour la mettre à exécution, se mit en chemin lui et ses gens, et y alla de nuit. Et assez loin de la place, messire Jacques fit descendre de ses gens à pied, et illec (là) laisser leurs chevaux, afin que ceux de la place n'ouïssent le bruit. Et environ le point du jour il se trouva droit devant la place; et lui voyant qu'il étoit jour, fit par l'un de ses gens crier après le guet; mais nul ne répondit, dont messire Jacques et ses gens s'ébahirent assez, et cuidoient (croyant) que les Gantois le fissent par malice, et qu'ils eussent sçu leur venue, parquoi ils eussent préparé leur artillerie pour les grever: mais autrement étoit; car les Gantois s'en étoient fuis et avoient fermé portes et barrières, et levé le pont; et à le voir, il sembloit qu'il y eut gens dedans la place. Lors messire Jacques de Lalain fit dépouiller de ses gens qui passèrent l'eau des fossés et allèrent avaler le pont et ouvrir la porte et barrières, et si entra dedans messire Jacques de Lalain et ses gens, et y trouvèrent la plupart des meubles des Gantois, lesquels, de hâte qu'ils eurent de fuir, ils laissèrent. Quand messire Jacques de Lalain eut la place par la manière que vous avez ouï, il envoya devers le duc pour le faire sçavoir quelle chose il lui plairoit qu'il en fit. Le duc fut conseillé de la faire ardoir (brûler) et démolir, et ainsi le manda à messire Jacques, qui très enuis (avec peine) et à grand regret accomplit le commandement du duc: car`jamais de feu bouter ne vouloit-il être consentant.

CHAPITRE C.

COMMENT MESSIRE JACQUES DE LALAIN, APRÈS CE QU'IL EUT PRIS LA PLACE D'AUDENONE, ALLA DEVERS LE DUC AU SIÉGE DEVANT POUCQUES, OU PITEUSEMENT IL FINA

SES JOURS PAR LE JET D'UN CANON.

APRÈS ce qu'icelle place fut arse et démolie, messire Jacques de Lalain s'en retourna devers le duc son souverain seigneur qui tenoit le siége devant la forteresse de Poucques; et fut le troisième jour de juillet au soir que le bon chevalier arriva au siége de Poucques, et le lendemain matin il alla ouïr trois messes sans bouger, en la tente du duc, et parla à un notable docteur de l'ordre des Frères prêcheurs nommé maître Guy de Donzy en confession: car il faisoit conscience du feu qu'il avoit par l'ordonnance du duc fait bouter en la forteresse de Audenone.

Après icelles messes dites et célébrées, messire Jacques monta à cheval, pour ce qu'il étoit un peu blessé en une jambe, et alla voir une bombarde que le duc faisoit jeter pour abattre et démolir la muraille d'icelui châtel de Poucques, c'est à sçavoir entre la porte et une tour qui étoit très forte, et aussi l'autres engins à poudre, et autres veuglaires (armes à feu) comme de petits canons. Le seigneur de Saveuses et autres seigneurs avoient fait faire des tranchées et approches en plusieurs lieux, et étoit la place fort approchée et battue: messire Jacques de

Lalain regardant ces besognes, choisit Toison-d'Or duquel il étoit très fort accointé, et dit tout en souriant à Toison-d'Or, ainsi comme par farce et ébattement, la manière et comment il avoit pris la forte resse de Audenone; et puis quand messire Jacques ent vu les approch es, et bonne espace soi dévisé à Toison-d'Or, celui Toison lui dit: «Messire Jacques, il est temps d'aller reposer votre jambe: car maître Jean Caudet le chirurgien de monseigneur leduc, dit qu'elle veut le repos. » Lors messire Jacques répondit qu'il s'en alloit dîner, et à l'après dîner ne se bougeroit de son logis pour le repos de sa jambe, en laquelle comme dessus est dit avoit été un peu blessé. Mais la perverse et maudite fortune ne le voulut souffrir, car quand ce vint environ quatre heures après midi, le dit messire Jacques monta à cheval et s'en retourna voir les approches, où il trouva de rechef Toison-d'Or au lieu et place où le matin il l'avoit trouvé. Et s'étoit mis celui messire Jacques tout à cheval à couvert d'un gros arbre, et là regardoit l'abatture qu'avoit fait la bombarde dedans la muraille de la dite forteresse de Poucques. Lors Toison-d'Or s'approcha d'icelui messire Jacques, et se prità deviser à lui et lui dit: « Monseigneur comment vous vous deviez reposer votre jambe, et ne deviez point partir de votre logis cet après diner. >> Le bon chevalier regarda Toison-d'Or en souriant, et lui dit qu'il lui commençoit à cunuyer d'avoir été en son logis si grand espace.

Or advint,ainsi comme messire Jacques de Lalain faisoit devises à Toison-d'Or, alla venir messire Adol

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