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tienté, le tremblement et effroi des marches (pays) infidèles, qui par son très grand et haut courage a entre les hommes vivants gagné nom immortel, avoit alors en Hainaut un baron nommé messire Othe seigneur de Lalain; lequel en son temps eut trois beaux chevaliers à fils, de dame Yoland de Barbançon (1), nés et procréés en loyal mariage; c'est à voir, messire Guillaume son premier et aîné fils; le second messire Sanche; et le tiers messire Simon. Icelui messire Othe seigneur de Lalain suivit et fréquenta les armes et fit de moult beaux voyages outre mer et autre part, en servant son souverain seigneur le duc Guillaume comte de Hainaut, et depuis le bon duc Philippe ci-dessus nommé.

Or advint qu'icelui seigneur de Lalain voyant et connoissant messire Guillaume son fils aîné être en âge compétent, il l'appela un jour et lui dit: « Guillaume, vous sçavez et avez jà pieçà ouï dire, qu'en cette maison et seigneurie de Lalain, a toujours eu seigneur héritier et légitime, noble, venant de toutes lignes, et procréé de droite lignée, comme de père à

(1) Suivant Chifflet, on trouve à Lalain, dans l'église de Sainte Aldegonde, chapelle de Saint Jean, à droite du cœur, le tombeau d'Otte et de sa femme. Voici leurs deux épitaphes:

Chy gist hault et nobles homes. monseigneur Otte, seigneur de Lalain, chevalier, qui trespassa en l'an de grâce M. CCCC et XLI, ou mois de janvier le XIII. jour: priez à Dieu pour son âme.

Chy gist haulte et noble dame, dame Yollens de Barbenchon, dame de Lalain, sa compaigne et espouse, qui trespassa en l'an de grâce M. IIII cens et XXIIII, IX jours du mois de janvier. Priez à Dieu pour son âme.

Et vesqui le dit seigneur cent et trois ans. J. A. B.

fils. Et pour cette cause, moi qui suis votre père, voudrois voir, ainçois (avant) que je terminasse vie par mort, que en vous ne prit fin, jaçoit-ce-que (quoique) ayez encore deux frères, c'est à sçavoir Sanche et Simon, mais toutes fois vous êtes l'aîné; si est raison que vous soyez le premier marié. Et pour ce, je veux et vous commande, qu'avisez et enquérez et mettez peine,sur autant que vous m'aimez et désirez complaire à moi, de trouver femme à vous propice et de bon lignage, laquelle vous prendrez à femme: et je vous promets aider et tant donner du mien, que raison devrez être content: car de tout mon cœur je désire qu'avant mon trépas je voie qu'ayez enfants légitimes, qui après vous succédent en cette seigneurie de Lalain. »

par

Messire Guillaume oyant la volonté et le commandement de son père le seigneur de Lalain, moult humblement répondit et dit: « Mon très cher et redouté père, je suis prêt de faire et obéir à tous vos bons commandements, sans vouloir aller au contraire: mais toutefois, si votre bon plaisir étoit, je suis assez jeune, et voudrois bien que ce fut votre volonté que je demeurasse ainsi une espace, jusques à ce que j'eusse plus vu et fréquenté les armes, et allé outre mer, ou en aucun bon voyage, pour acquérir los et bonne renommée, comme jadis ont fait nos anciens prédécesseurs, comme fit monseigneur mon grand-père et vous: mais nonobstant ce, monseigneur, je veux faire et obéir à tous vos bons commandements. >>

Lors le seigneur de Lalain très content de la ré

ponse de son fils, lui dit: « Guillaume, la réponse que vous m'avez faite vous sera valable, car je mettrai peine de vous allier en lieu, dont moi, votre mère, et vous, serez content. » Et atant (alors) le seigneur de Lalain et son fils cessèrent de plus avant parler de cette matière.

Le seigneur de Lalain non ayant mis en oubli l'humble réponse que lui avoit faite messire Guillaume son fils, laquelle lui avoit été moult agréable, fit de tout son pouvoir partout enquerre pour honorablement allier son dit fils: et lui-même demanda à aucuns de ses plus prochains parents et amis, en eux racontant son intention qu'il avoit de faire: et avec ce, en leur priant aussi qu'ils voulsissent (voulussent)chercher et enquerre aucune jeune dame,ou damoiselle de bonne extraction, qui à leur semblant fut telle comme il appartenoit d'être pour Guillaume de Lalain son aîné fils, pour le prendre en mariage. Adoncques y eut aucuns de ses dessus dits amis qui répondirent; et entre les autres, y en eut un qui dit: «Monseigneur de Lalain, jà a bonne espace que moi, et autres vos parens, avons avisé et fort enquis à notre pouvoir, de trouver dame, ou damoiselle, qui fut telle comme vous désirez. Je sçais une dame de haute et noble extraction, et belle par dessus toutes autres; laquelle est sage, courtoise, débonnaire, bien morigénée et remplie de toutes bonnes vertus: certes, à mon avis, elle est digne d'être louée. Si d'elle on pouvoit finer, comme j'espère qu'on n'y faulra (manquera) point, vous en pourrez faire sentir par aucun, avant qu'on voise (aille) plus

avant et si sitôt on la voudroit remarier, car n'a guère que son mari fut mort à la piteuse bataille d'Azincourt. Si n'avoit été mariée ladite dame, ni été avec son mari, plus haut de six semaines.

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CHAPITRE I.

CY FAIT MENTION DU MARIAGE DE LA FILLE AU SEIGNEUR DE CRÉQUY AVEC MESSIRE GUILLAUME DE LALAIN.

QUAND le seigneur de Lalain entendit le gentilhomme, il pensa un peu, puis répondit et lui dit:

Je vous prie, que me veuilliez dire qui est cette dame que tant me louez, et de quelles gens elle est ; et aussi que me dites qui fut son mari.» Alors le gentilhomme répondit et dit au seigneur de Lalain: « Que la damoiselle étoit fille au seigneur de Créquy, et avoit été mariée au seul fils du seigneur de Waurin; lequel lui et son père aussi, étoient morts en icelle journée de la bataille d'Azincourt. Et est icelle dame âgée de quinze ou seize ans, ou environ, grande, bien faite et formée de tous membres; plus belle d'elle on ne sçauroit souhaiter. » Le seigneur de Lalain très joyeux du bon avertissement de l'écuyer, l'en remercia moult, et dit qu'il y penseroit, et qu'au plus brief qu'il pourroit il sçauroit la volonté des amis et parents de la dame, comme il fit.

En telle manière le seigneur de Lalain exploita et fit telle diligence, que la jeune dame lui fut accordée

pour messire Guillaume son fils: et fut la dame par messire Guillaume de Lalain fiancée et épousée; puis moult notablement accompagnée de ses deux frères Jean et Raoul de Créquy, jeunes écuyers, ensemble avec leur mère la dame de Créquy, et grand' foison de chevaliers et écuyers, fut amenée et conduite jusques au châtel de Lalain où elle fut reçue du seigneur et de la dame de Lalain, accompagnés de grand nombre de chevaliers écuyers, dames et damoiselles, leurs parents et voisins, qui à grand' joie et liesse reçurent la noble dame et la menèrent amont en la grand' salle, et puis en la chambre qui pour elle étoit préparée; puis quand heure fut de souper, la jeune dame fut amenée en la salle, moult richement parée et vêtue, adextrée de ses deux beaux frères Sanche et Simon de Lalain, pour lors jeunes écuyers, grands, beaux et bien formés de tous membres. Alors la fête et joie encommença en la grand' salle du château de Lalain. Puis quand vint heure de souper, et que les tables furent mises et couvertes, l'eau fut apportée; si lavèrent et s'assirent à table. De leur assise, ni des mets, ni entremets, dont ils furent servis, ne vous en veux faire long conte, car assez est à croire qu'à celui jour furent moult richement servis de ce que pour lors on pouvoit ni sçavoit finer. Puis quand ce vint après souper, et que les tables furent levées, danses et carolles encommencèrent par la grand' salle du château de Lalain; trompettes et ménestrels commencèrent à jouer de leur métier. Là y avoit qui jouoient de plusieurs instruments mélodieux ; cha

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