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retourna en son hôtel, où il ne demeura guères qu'il envoyât à celui Jacques de Lalain les chapitres de ses armes, qui sont tels que ci-dessus s'eusuivent.

CHAPIRE XXVI.

LES CHAPITRES DES ARMES A CHEVAL DE MESSIRE JEAN DE BONIFACE.

A L'HONNEUR et louange de notre Seigneur JésusChrist et de sa très glorieuse Vierge mère, et de monsieur Saint Georges, Je, Jean de Boniface, chevalier, natif du royaume de Sicile, fais sçavoir à tous princes, barons, chevaliers et gentils-hommes sans reproche, que pour servir ma belle dame et pour parvenir au titre de prouesse, du bon congé et licence de très excellent, très puissant, et très victorieux prince le roi d'Arragon et de Sicile, deçà et delà le Phare,'de Valence, de Jérusalem, de Hongrie, de Maïorque, de Minorque, de Corsego (Corse) et de Sardaigne, comte de Barcelonne, duc d'Athènes, comte de Roussillon et de Pulsardin; je porte une emprise, sous laquelle se contient faire armes à telle condition que cheval et à pied; par ainsi et par celui qui premier touchera à ma dite emprise fera armes avec moi, selon le contenu de mes chapitres ci-dessous écrits.

Le premier, que nous ferons armes à cheval; et celui qui premier de nous deux aura rompu six lan

ces par le fust (fois), de droite encontre sur son compagnon,acquerra un joyel tel et de tel prix que bon semblera à celui qui n'aura point rompu les dites six lances; lequel joyel sera porté et présenté par celui même qui l'aura perdu, à une dame ou damoiselle, que celui qui l'aura acquis lui ordonnera et nommera en la cour de très haute et très redoutée princesse la duchesse de Bourgogne et de Brabant: toutes fois, si aucunes des dites lances se rompoient par le fer, elles ne seroient point tenues pour rompues.

Le second chapitre est, que s'il venoit que l'un de nous deux fût porté par terre de coup de lance et de droite atteinte sur le harnas, celui à qui le cas en adviendra, sera tenu de soi rendre prisonnier à celui qui l'aura porté par terre; et pour son acquit et délivrance, sera tenu de donner à la dame ou damoiselle, devers laquelle il sera envoyé, l'armure de tête qu'il portera à faire les dites armes.

Le troisième chapitre est, que nous serons armés de tels harnas qu'il nous plaira, à faire armes à cheval, doubles ou saingles (seuls), et tout sans mal engin; et n'y aura avantage en l'arrêt, que ainsi le porte qu'on en la guerre.

Le quatrième chapitre est, que chacun de nous deux portera lances de telle grosseur qu'il lui plaira; sauf qu'elles seront de mesure et de longueur, et à mesurer depuis l'arrêt jusques au bout de la pointe de la lance; desquelles lances je baillerai la mesure: et pourra chacun porter garnison de fer et de rondelles (écus) telles que bon lui semblera.

Le cinquième chapitre est, que nous ferons les dites armes à la toile, laquelle sera de cinq pieds de hauteur et non plus.

Le sixième chapitre est, que s'il avenoit que les dites armes de cheval ne se pussent accomplir à la première journée, nous serons tenus de les parfaire au jour après ensuivant; au cas toutes fois que nous, ou l'un de nous deux, n'ait essoine (empêchement) de son corps par maladie ou blessure, tellement qu'il ne put chevauver ou porter harnas.

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CHAPITRE XXVII.

S'EN SUIVENT LES CHAPITRES DES ARMES A PIED DE MESSIRE JEAN DE Boniface.

Le premier chapitre est, que nous serons armés de harnas à combattre en lices, ainsi que bon nous semblera; sans crochet et sans quelque mal engin, et sans porter chose qui soit défendue de porter de par notre mère sainte église.

Le second chapitre est, que chacun de nous deux pourra porter lances ou épées de jet, pour jeter ainsi que bon lui semblera; et incontinent après le jet fait, combattrons de haches, d'épées et de dagues accoutumées de porter en batailles de lices, jusques à tant que l'un de nous deux soit chu de main, de genouil, ou de tout le corps à terre, ou rendu à sou compagnon: et celui à qui Dieu don

nera la victoire, quittera le vaincu, pour l'épée dont il aura fait les dites armes, ou qu'il aura portée en la lice pour combattre.

Le troisième chapitre est, que celui qui touchera à ma dite emprise, sera tenu de moi délivrer, en accomplissant le contenu de mes chapitres, par devant très excellent et très puissant prince le due de Bourgogue et de Brabant, en dedans un mois ou six semaines après qu'il aura touché à ma dite emprisc.

Le quatrième et dernier chapitre est; afin qu'il apperre à tous, que les choses dessus écrites procèdent de ma propre volonté et que je les veux de point en point faire et accomplir, Je, Jean dessus nommé, ai scellé ces présents chapitres du scel de mes armes, et signé de ma main, le premier jour du mois d'Avril, l'an mil quatre cent quarante-cinq.

Iceux chapitres baillés par le dit chevalier et montrés à Jacques de Lalain, furent par lui, et par ceux qui le conseillèrent, visites tout au long; lesquels de point en point il accepta et conclut; et moyennant la grâce de notre Seigneur et de sa très digne mère, sans y rien ajouter de nouvel ni faire refus, promit de les entretenir.

CHAPITRE XXVIII.

CY DEVISE COMMENT JACQUES DE LALAIN FIT SES ARMES A CHIVAL A L'ENCONTRE DU CHEVALIER SICILIEN.

Le duc de Bourgogne voyant les choses ainsi avancées, et le désir et intention que les deux parties avoient d'accomplir leur emprise, ordonna le lieu et la place en sa bonne ville de Gand: et là furent les lices faites et ordonnées à faire les armes à cheval et à pied, bien et honorablement préparées et mises à point; et leur fut baillé jour pour les faire et accomplir en cette ville de Gand, le quinzième jour du mois de Décembre, l'an dessus dit. En laquelle ville celui messire Jean de Boniface fut l'espace d'un mois durant, avant que les armes se fissent. Et d'autre part Jacques de Lalain, sachant le jour qui leur étoit assigné, arriva en la ville de Gand, où il entra bien atout (avec) cinq cents che vaux en sa compagnie, où étoit le comte de SaintPol, le seigneur de Fiennes son frère et plusieurs autres grands seigneurs, tant de la cour du duc, comme de ceux du sang et lignage de celui Jacques de Lalain. Si s'en vint descendre en son hôtel qu'il trouva préparé et ordonné, où en ce jour il fit grands dîners et soupers. Puis après, quand ce vint le lendemain, chacun d'eux se prépara et ordonna, pour accomplir et mettre à fin leur emprise. Si furent ordonnés par le duc deux chevaliers notables

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