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au couvent de Marienthal leur droit de patronage de S. Croix; ils prient l'archidiacre et l'official de Trèves d'y appendre leurs sceaux et remettent au couvent le document ainsi scellé. Or, ce n'est que dix-huit mois plus tard, le 17 février 1267, qu'ils envoient aux deux personnages indiqués cette charte du 2 août 1265, pour qu'ils y appendent leurs sceaux; et comme bien certainement cet envoi fut fait par le couvent de Marienthal même, ils font sceller la lettre d'envoi par les doyens de Mersch et d'Arlon. Nous trouvons un autre document où le sceau annoncé comme étant appendu, ne l'était pas encore quatorze ans plus tard. Le 11 juillet 1295, il y eut accord entre l'abbaye de Munster et le couvent de Marienthal au sujet du droit de présentation à l'église de Waldbredimus; les parties contractantes promettent de s'y conformer, et Robert, archidiacre de Trèves, en approuvant cet accord, déclare qu'il y a fait appendre son sceau. Et cependant il n'en fut rien; les contestations recommencèrent au contraire, parce que cet accord ne portait pas le sceau de l'archidiacre, de sorte que, lorsque le 28 avril 1309, il y eut un accord définitif, les parties contractantes prièrent l'archidiacre de l'appendre alors. Je ne sais s'il fut appendu; du moins le document ne l'a pas.

Il y a d'autres documents où les sceaux annoncés ne furent jamais appendus; tel est le n° 24, du 14 mai 1238, qui devait porter le sceau de Conon, chantre de Trèves; le sceau n'y est pas appendu et il n'y a pas même l'entaille nécessaire, quoique ce même Conon figure parmi les témoins de la charte. Aussi ne saurais-je m'expliquer, pourquoi on a négligé d'y faire mettre ce sceau. Dans un second cas l'explication est facile : il s'agit du droit de patronage de Waldbillig, donné au couvent par Arnold, seigneur de Larochette; le document devait recevoir le sceau du comte Jean de Spanheim et du dit Arnold; celui-ci y fut appendu, celui du comte Jean ne le fut pas, bien qu'on lui eût réservé la place d'honneur; ici non plus il n'y a de trou ou d'entaille. Mais dans ce cas on a peut-être reculé devant la dépense que l'envoi du document au comte de Spanheim devait entraîner, et on a préféré le garder tel quel.

Un dernier document enfin nous donne aussi, à propos du sceau, un renseignement précieux. Le 12 février 1290 Henri VII, comte de Luxembourg, assisté de Béatrice, sa mère, et de Louis, comte de Chiny, fait un échange de biens avec le couvent de Marienthal. Cet échange, nous le possédons en double

expédition; l'une est en latin, l'autre en langue vulgaire. Or, quoiqu'identiques pour le reste, l'expédition française ajoute encore les mots suivants qui certes ne sont pas sans intérêt : Et promech ke, s'il avient par proches de tens que je mue saiel, je ferai ces convenanches renoveler de celui saiel. Ces mots se rapportent sans doute à l'époque où Henri VII allait devenir majeur ou avoir l'âge de 16 ans; il n'aurait donc eu, en 1290, à l'époque de cet échange, pas encore 16 ans. Albertus Mussatus rapporte, il est vrai, que Henri VII, à l'époque de sa mort, avait 51 ans; mais, comme M. Wurth-Paquet l'a déjà prouvé (dans sa préface aux régestes d'Henri III (VI) et Henri IV (VII), cette date ne saurait être exacte; quand son père périt à la bataille de Woeringen, Henri VII n'était qu'un parvulus pupillus; quand en 1292 il épousa Marguerite de Brabant, sa femme, adolescentem, il était imberbis et ipse; jusqu'au mois de juin 1290, il est encore toujours nommé damoiseau et se trouve sous la tutelle de sa mère. Après cette date, il ne l'est plus. Aussi crois-je que la date donnée par Albertus Mussatus (uno et quinquagesimo anno) pourrait être une méprise pour undequadragesimo, qu'Henri VII en mourant n'avait que 39 ans, et qu'il était né en 1274.")

III. Aperçu de l'histoire de Marienthal.

La fondation du prieuré de Marienthal comme celle de l'abbaye de Clairfontaine, est entourée de pieuses légendes. Théoderic, seigneur de Mersch, dit Bertholet, avait dans >les environs une maison de campagne où il se retirait de -temps en temps. Un jour qu'il en était sorti pour la promenade, "il aperçut dans le creux d'un arbre une statue de la Vierge. Après l'avoir honorée avec respect, il l'enleva et l'emporta »en sa maison, dans le dessein d'y faire bâtir un oratoire. Mais >il fut bien surpris le lendemain, de ne la trouver plus et d'apprendre qu'elle était dérechef à la première place. Il -considéra d'abord cet événement comme un vol ou comme une pieuse tromperie, et il alla la reprendre, résolu de la garder de près. Malgré ces précautions, il ne réussit pas; la Vierge fut de nouveau remise au creux du même arbre, et >Thierri la fit transporter pour la troisième fois. Mais il n'en "demeura point le maître, la statue se retrouva encore le jour

a) Jessayerai dans les premiers temps de prouver ma manière de voir par les autres documents d'Henri VII.

suivant en sa niche. Ces différents transports qu'il prit pour »miraculeux, le frappèrent; alors il en conjectura que la sainte »Vierge avait choisi cette vallée, afin d'y recevoir les hommages »de ses plus fidèles serviteurs, et il se détermina, de concert »avec sa femme, d'y fonder un monastère de filles nobles.<<

Je n'ai pas l'intention d'écrire ici l'histoire de Marienthal. Je me bornerai donc à en indiquer en peu de mots les principaux épisodes. Thierri de Mersch acquit de l'abbaye de S. Maximin le terrain sur lequel il voulait fonder le nouveau monastère; en même temps plusieurs seigneurs des environs ajoutèrent par de nouvelles largesses aux biens-fonds dont Thierri l'avait doté. Il est à présumer que pendant plusieurs années des filles nobles y vivaient en religieuses, sans cependant appartenir à un ordre quelconque, jusqu'à ce qu'en 1236 Volenand, prieur des frères prêcheurs à Strasbourg, commit sœur Marguerite, appartenant jusque-là au couvent de S. Marc de Strasbourg, au gouvernement du prieuré de Marienthal. Elle fut donc la première prieure et resta à la tête de cet établissement jusqu'en 1258, époque à laquelle la bienheureuse Yolande de Vianden obtint le prieuré; celle-ci y resta jusqu'au 13 décembre 1283, date de sa mort.

Ce fut l'époque de la plus grande prospérité de Marienthal; les religieuses affluèrent en tel nombre que bientôt il y en eut cent-vingt; les familles les plus illustres du pays s'empressèrent comme à l'envi d'apporter leurs offrandes et de donner au couvent des biens-fonds et des rentes en telle quantité que le couvent de Marienthal fut bientôt un des plus riches du pays. Nous remarquons parmi les donateurs les personnages les plus élevés; je ne veux point énumérer les personnages de rang inférieur, je me contenterai de nommer ceux qui étaient issus de sang princier. Nos comtes y figurent naturellement au premier rang: Ermesinde, Henri Va) et Marguerite de Bar, sa femme; Henri VI") et Béatrice), Henri VII) et Marguerite de Brabant), Walram') et Baudouin"), archevêque de Luxembourg, frères d'Henri VII, Marguerite") et Félicité'), leurs sœurs, celle-là prieure de Marienthal, celle-ci femme d'Henri de Louvain, Marie), fille d'Henri VII, épouse de Charles IV, roi de France. Les comtes de Vianden y figurent naturellement aussi; tels sont Henri et Marguerite de Courtenay, sa femme, morte religieuse à Marienthal; Henri,

c) l. c. 156.

") Wiltheim, l. c. 141. - b) l. c. 156.
d) l. c. 163.
f) l. c. 163. 8) l. c. 172. 1) l. c. 169. — i) l. c. 169.

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- e) l. c. 163. k) l. c. 157.

évêque d'Utrecht), et Pierre'), prévôt de Liège, leurs fils, frères de la bienheureuse Yolande. Philippe III le Hardi), roi de France, donna au couvent de Marienthal une épine de la couronne de N. S. et une particule de la S. Croix; Blanche"), reine de France, donna 40 livres tournois pour le repos de l'âme de Marguerite, sœur du roi Philippe; le 6 des calendes de février était l'anniversaire de la mort d'Isabelle"), femme du même roi.

Malheureusement nous ne possédons plus l'obituaire de Marienthal') qui, sans doute, nous donnerait encore d'autres détails précieux, obituaire remontant sans aucun doute aux temps de la prieure Yolande. Car le premier siècle de son existence fut pour Marienthal non-seulement celui de sa plus grande prospérité matérielle, il fut aussi celui où les sciences et la littérature y furent cultivées le plus. C'est au treizième siècle que doit remonter le premier obituaire, perdu depuis bien longtemps, puisqu'Alexandre Wiltheim, alors qu'à la fin du XVIIe siècle il écrivit son histoire de la bienheureuse Yolande, n'en avait qu'une copie plus moderne, perdue également; nous ne possédons plus que les extraits de Wiltheim. C'est aux derniers temps du gouvernement de la pieuse comtesse de Vianden que remonte aussi la confection du premier cartulaire dont j'ai parlé plus haut; quarante ans plus tard nous avons vu frère Thilmann faire le grand relevé des biens de l'année 1317. Mais on s'essayait aussi à des œuvres poétiques: En 1276, Yolande fit traduire en vers allemands la règle de l'ordre de S. Dominique; peu de temps après sa mort fut faite, également en vers allemands, sa propre biographie. Le premier de ces ouvrages semble perdu; Alexandre Wiltheim cependant le connaissait

156.

--

b) l. c. 224. e) l. c. 147.

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d) l. c. 141.

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a) l. c. 223. e) l. c. f) Cet obituaire n'existait plus qu'en copie déjà du temps d'Alexandre Wiltheim qui en fit plusieurs extraits insérés en partie dans son histoire de la bienheureuse Yolande; ces extraits se trouvent encore au manuscrit 6907 de la bibliothèque royale de Bruxelles; ils ont été imprimés par le R. P. H. Goffinet dans les publications de notre sociélé, XXIX, p. 373 ss. La copie employée par Alex. Wiltheim se trouvait encore à Marienthal vers 1760; elle fut alors utilisée par ur de Blanchard, seigneur du Châtelet, pour ses notes généalogiques sur les familles de Luxembourg; en 1804 encore Cyprien Merjai l'a eue en main, comme il le dit lui-même dans sa description de Marienthal. Aujourd'hui elle est perdue; mais comme Merjai pendant le temps du son séjour aux environs de Marienthal, paraît avoir logé au château d'Ansenbourg, je soupçonne que c'est à Ansenbourg qu'elle s'est trouvé, et qu'elle s'y trouve encore. Inutile de dire que mainte démarche a été faite pour l'y trouver; on n'a eu que des réponses évasives,

encore: Codicem ipse vidi, dit-il, en ajoutant ces mots tirés de la préface: Anno Domini 1276, aetatis meae 26 anno, ab ingressu meo in ordinem 6, anno sacerdotis primo ego frater H. ordinis predicatorum, minimum hunc libellum de latino in theutonicum transtuli, sororis Yolandis priorissae Vallis S. Marie ac aliarum sororum precibus devictus et fraternae instructionis nihilominus zelo ductus. Iesus Chistus. Alex. Wiltheim croit pouvoir rapporter ces mots à frère Henri de Luxembourg, prêtre, confesseur du couvent, dont l'obituaire fixait l'obit au 15 des calendes de septembre; cependant cette attribution me paraît un peu hasardée, d'autant plus que nous ne connaissons pas l'époque où frère, Henri de Luxembourg fut confesseur à Marienthal. Nous avons, du reste, un autre personnage, du nom commençant par H., qui a, lui aussi, écrit en vers allemands. C'est frère Hermann, le même qui a écrit l'histoire de la bienheureuse Yolande.

Frère Hermann appartenait sans doute à l'ordre des dominicains; nous pouvons le conjecturer du moins, si nous voyons que dans un passage de sa biographie il dit de soi-même: Nu saget, bruder Hereman, Wo lit der gude wille dan, Den si bi jungen dagen drug, Da sig dat kind bit ruden slug Und da si nunne wolde sin?

Nous le voyons en même temps connaître si à fond les plus petites péripéties de la vie d'Yolande que nous devons être persuadés qu'il a été longtemps à Marienthal, qu'il a connu personnellement la vierge dont il décrit la vie et entendu de sa propre bouche le récit de ses aventures. Or, c'étaient des frères dominicains qui étaient à Marienthal.

Ce manuscrit est perdu également; du temps d'Alexandre Wiltheim il était encore à Marienthal, puisque le travail du savant jésuite n'en est que la traduction; mais alors déjà il était incomplet, il y manquait à la fin un certain nombre de feuillets. Cependant la copie faite par Alex. Wiltheim existe encore; elle est à la bibliothèque archiepiscopale de Prague; j'espère pouvoir en donner la copie dans le second volume de ce recueil.

Le travail de frère Hermann est plein de redites et de longueurs, mais il n'est pas pour cela dépourvu de tout charme. L'auteur connaissait les poésies de Walther von der Vogelweide

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