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hastivement retourner audit Louvier, quérir des denrées; et après ce passa oultre, comme à heure de minuit, accompagnié de ceux de l'embuche de pied. Il se retourna logier en une hostellerie aux champs, près du chastel, du costel de SaintHouin, là où il trouva en son lit la femme, laquelle eust grande poeur à sa venue; car son mari estoit hors allé à ses affaires. Lequel marchand fust là jusqu'au poinct du jour ; et lors alla tout seul appeller le portier, lequel vint ouvrir la porte, ainsi que lui avoit le jour de debvant promis; et au plutost saillirent deux compagnons du costel pour entrer au chastel avecques le marchand, atout sa charette qu'il laissa sur le pont, au lez du boullovert, jusques à ce qu'il tira trois pièces d'argent pour le vin d'icellui portier, lesquelles il jetta à terre; et soy baissant pour les lever, le marchand le tua d'une dague. Ceux du chastel ouirent le bruict; et en descendit ung en sa chemise, Anglois, bel homme, josne, et fort entre les autres, qui cuida lever le pont du chastel, quand il apperçut le boullovert prins; mais le marchand se hasta et le tua, et ainsi fust conquis le chastel. Tous ceulx de pied passèrent là et vindrent au long du pont, faisants grand cri pour entrer en la ville. Un Anglois gar⚫doit la porte adfin qu'ils n'y entrassent, et la garda longuement et valliamment; mais enfin fust tué et la ville prinse; et là feurent morts et prins cent à six vingts Anglois; et entre autres fust prins le sieur de Falquembercq (Fauconbridge), qui d'adventure

y

estoit entré la nuit de devant. Quand ceux de pied feurent dans la ville, feirent ouvrir la porte de devers Louviers, par où entrèrent le bailly d'Evreux, le sieur de Maugny et tous les gens de cheval, criants saint Yves et Bretaigne. Ainsi fust la ville prinse, qui estoit moult bonne place et moult fort chastel, et beau pont sur la rivière de Saine.

CHAPITRE IV.

Comment Conacq et Saint Marguerin, au pays et sur les marches de Bourdelois, furent prins, et Gerberoy en Beauvoisin.

INCONTINENT ung peu après la prinse du Pont-àl'Arche, ung gentilhomme nommé Verdun, du pays de Gascoingne, du consentement du duc de Bretaigne, prit d'eschelles les places de Conacq et SaintMarguerin (Maigrin), au pays et sur les marches de Bourdelois, desquelles estoit capitaine pour le roy d'Angleterre, ung escuyer nommé Mondot de Lansac, lequel fust prins près dudit Conacq, en venant de Bourdeaux ; car il cuydoit que la place fust encoires en l'obeissance du roy d'Angleterre. Et en ce temps fust aussi prinse la place de Gerberoy, en Beauvoisin, par le sieur de Mouy, gouverneur du pays; et là feurent tués touts les Anglois qui estoient dedans, nombrés à trente personnes, dont estoit chief et capitaine ung nommé Jehan Harpe, qui ce jour là estoit à Gournay.

CHAPITRE V.

Comment la ville de Conches fust prinse; et des ambassades de par les Anglois qui vinrent devers le roy.

ASSEZ tost après ces choses, fust prinse la ville de Conches, par le bailly d'Evreux. Donc quand les Anglois sceurent ces nouvelles, l'archevesque de Bourdeaux et ceux de la cité envoyèrent ung poursuivant vers le roy à Chynon, lui requérir qu'il feit rendre les places de Conacq et Saint-Marguerin, et qu'il leur donnast saulf-conduite, faignant voulloir venir vers lui, dont de tout on ne feit riens; et s'en retourna ledit poursuivant. Et pareillement envoyèrent le duc de Sombresset et le sire de Tallebot, devers le roy à Chynon, maistre Jehan Lenffant, et ung aultre d'Angleterre, pour requérir que l'on rendist lesdites places de Pont-de-l'Arche, Conches et Gerberoy. Auxquels le roy respondit

que

s'ils voulloient rendre Fougières à son nepveu le duc de Bretaigne, et restituer les biens qui y avoient esté prins dedans, il se faisoit fort de leur faire rendre par icelluy duc, ou ceulx qui par son adveu les avoient prinses, lesdites places; à quoi les ambassadeurs respondirent qu'ils n'avoient nulle puissance de toucher au fait de Fougières. Et pour ce s'en retournèrent à Rouan, sans autres choses faire devers le duc de Sombresset.

CHAPITRE VI.

Comment la guerre recommencha entre les roys de Franche et d'Angleterre, et feurent toutes tresves rompues.

CHARLES, roy de Franche, duement informé que les Anglois faisoient la guerre au royaume d'Escosse et au roy d'Espagne, ses alliés, qui estoient comprins és tresves qu'il avoit aux Anglois, et pareillement à ses subjets de la Rochelle, de Dieppe et d'ailleurs, continuellement, sans rendre ne réparer choses qu'ils aient faites contre icelles tresves, ne par mer ne par terre, combien que par plusieurs et diverses fois, espécialement pour la ville de Fougières, il les avoit fait sommer et requérir par ses ambassadeurs et ceulx du duc de Bretagne, tant au roy mesme, en son pays d'Angleterre, comme à ceulx qui, de par lui, avoient le gouvernement de Normandie; et mesmement quand les tresves avoient duré, les Anglois de Mante et Vernoeul et Loingny alloient sur les chemins de Orléans et de Paris, desrobber et copper les gorges aulx bonnes gens et marchands qui passoient leur chemin ; et le semblable faisoient les Anglois de Noeufchastel, de Gournay, de Gerberoy, sur les chemins de Paris et Amiens; et avecques ce alloient de nuict par le plat pays, prendre, copper les

gorges et mourdrir les gentilshommes de l'obéissance du roy, en leurs licts; et ceux qui faisoient cela se faisoient appeller les faulx visages, et se vestoient et desguisoient de habits dissolus et espouvantables, adfin qu'on ne les recognust; lesquelles choses estoient refusants de réparer; pour lesquelles causes et aultres le roy délibéra par conseil, de leur faire la guerre par mer et par terre. Et feirent, lui et le duc de Bretaigne, assembler leurs gens de toutes parts. Durant lequel temps les Anglois feirent une saillie sur les gens du duc de Bretagne, lesquels les rebouttèrent très asprement, sy qu'ils feurent que prins que morts, six vingts Anglois.

CHAPITRE VII.

Comment la ville de Vernoeul fust prinse par ung molnier, et le chas tel assiégé.

EN ce temps, un molnier de la ville de Vernoeul, qui avoit son moulin contre les murs d'icelle ville, fust battu d'ung Anglois faisant le guet, pour ce qu'il dormoit, lequel alla de dépit vers le bailly d'Evreux, et lui promeict, moyennant certaines convenances faites entre eux, de le boutter dedans la ville. Et s'assemblèrent messire Pierre de Bersay, séneschal de Poitou, ledit bailly d'Evreux, Jacques de Clermont et aultres, et chevaucherent

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