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rolles dictes entre eux pour le bien de la ville, y entra premier messire Pierre de Bresay, séneschal de Poitou, atout cent lanches et les archiers du comte de Dunois; et les autres batailles s'en allerent ce soir logier aux villaiges d'allentour la ville. Et estoit belle chose de veoir les compagnies des roys de Franche et de Cécile et des autres seigneurs, chevalliers et escuyers. Ce jour mesme, au soir, rendirent les Anglois le pont; et fust baillié en garde au sieur de Harenville, et le lendemain feurent ouvertes toutes les portes de la ville et cité, et y entra tout homme qui voullut y entrer.

Le duc de Sombreset, qui estoit au palais, voyant la puissance du roy de Franche, requist qu'il parlast auroy, dont le roy fust content. Adoncques se partist du palais, accompagnié d'un certain nombre de ses gens et des hérauts du roy, lesquels l'accompagnèrent jusques à Saincte-Catherine-du-Mont de Rouan, où le roy estoit et son grand conseil, et en sa compagnie le roy de Cécile, le comte de Maine, et plusieurs autres seigneurs de son sang, le patriarche d'Antioche, l'archevesque de Rouan, et plusieurs autres preslats. Après que le duc eust salué et fait la révérence au roy de Franche, il le pria qu'il lui plust que lui, le sieur Tallebot, et autres Anglois, s'en peussent aller seurement, jouissants de l'absolution, ainsi que ceux de Rouan l'avoient fait, et avoit esté ordonné et accepté par ceux de son grand conseil. Le roy de Franche respondit que la requeste n'estoit point raisonnable, et qu'il n'en

feroit rien; car ils n'avoient voullu tenir le traictié, appoinctement et absolution dictes, ne rendre le palais et le chastel; ains les avoient tenus, et encoires tenoient contre sa puissance, son gré et vollonté; et si n'avoient voullu consentir que ceux de Rouan lui rendissent sa ville; mais résisté à leur pouvoir. Et pour ces causes, devant qu'il partist du palais, lui rendroient Honfleur, Harfleur, et toutes les places du camp estants ès mains du roy d'Angleterre. Sur ces parolles, le duc s'en retourna au palais, regardant parmi les rues tout le peuple portant la croix blanche, dont il n'estoit pas joyeux; et fust convoyé par les comtes de Clermont et d'Eu.

CHAPITRE XIX.

Comment le roy feit mectre le siége devant le palais de Rouan, et comment le palais lui fust rendu.

APRÈS que le duc de Sombreset se fust parti du Foy, le roy commanda mectre le siége devant le palais; lequel y fust mis du costel devers les champs, où le roy envoya grand nombre de gens de guerre, hommes d'armes et de traict; puis feit faire de grandes trenchis tout autour d'icellui palais, tant aux champs comme en la ville; et feurent assis

touts les bombardes et canons au-devant de la porte du palais qui ouvre sur la ville, et pareillement de celle qui ouvre sur les champs. Quant le duc de Sombreset apperceut les approches, il fut moult esbahy, voyant qu'il avoit peu de vivres au palais et beaucoup de gens; au contraire, considérant aussi qu'il ne pouvoit estre nullement secouru, il requist à parlamenter aux gens du roy de Franche; et, pour ceste raison, furent faictes tresves des deux costés, lesquelles feurent prolongées de jour à autre, par l'espace de douze jours, pour ce que les Anglois ne voulloient consentir de laisser en hostaige le sieur de Tallebot. Si parlèrent par plusieurs fois et si longuement, le comte de Dunois et ceux du grand conseil du roy, avecques les Anglois, qu'en la fin furent d'accord ensemble, le sieur de Sombreset, gouverneur pour le roy d'Angleterre, sa femme et enfants, et touts les autres Anglois du palais et chastel, s'en iroient où bon leur sembleroit en leurs pays, leurs biens saufs, réservés les prisonniers et grosse artillerie, parmi ce qu'ils payeroient au roy de Franche cinquante mille escus d'or; et si payeroient tout ce qu'ils debvoient loyallement à ceux de la ville,bourgeois, marchands et autres; et, avecques ce, feroit le gouverneur rendre les places d'Arques, de Caudebecq, de Moustiervillier, de Lislebonne, Tancarville et Honfleur. Et, pour seureté de ce, bailleroit son scel et lettres-patentes, et demoureroit en hostaige, le sieur de Tallebot, jusques à

que

ce qu'icelles places fuissent rendues, et les cinquante mille escus payés; et avecques ce pour les deniers deubs à ceux de la ville, demoureroient hostaiges le fils du comte d'Ormont d'Irlande, et le fils Thomas Govel, capitaine de Chierbourg, le sieur de Berquegny, le fils du sire de Ros fils de la duchesse de Sombreset; et ainsi fust faict. Puis feurent livrés les hostaiges aux commis du roy; et puis s'en partist le duc de Sombreset et autres Anglois; et s'en allèrent à Harfleur, et de là à Caen. Lequel duc commit, pour faire rendre les places, messire Thomas Hou et Foucques (Hoston); lesquels firent mectre les places en l'obéissance du roy de Franche, réservé Honfleur, dont estoit capitaine ung nommé Courson, qui ne le voullut rendre; et, pour ce, demoura ledit Tallebot prisonnier du roy de Franche.

CHAPITRE XX.

Comment le roy feit son entrée en la cité de Rouan, et comme il y fust receu.

APRÈS Ce que dict est, en moult grande joie et liesse, feit le roy de Franche sa feste de Toussaints audit lieu de Saincte-Catherine, près de Rouan; puis se parteit le lundy ensuivant, vingtiesme jour du mois de novembre, veille de SainctMartin d'hyver, pour entrer en la ville de Rouan,

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accompagnié du roy de Cécille et aultres seigneurs de son sang cy-après nommés, en moult grands et riches habillements, les aucuns eux et leurs chevaulx couverts de drap de damas et de satin en maintes guises, les autres à grandes croix blanches, et les autres autrement. Entre lesquels, après le roy de Franche, estoient en plus grands habillements, les comtes de Sainct-Pol et de Nevers. Le comte de Sainet-Pol estoit armé tout au blancq, monté sur un destrier enharnaché de satin noir, semé d'orfévrerie; après lui ses pages vestus et leurs chevaux harnachés de mesme comme celui de leur seigneur, dont l'ung portoit une lanche couverte de velours vermeil; le second, couvert de drap d'or; le tiers, ung armet en la teste tout de fin or richement ouvré; après estoit le palfrenier richement vestu et harnaché comme les aultres pages, lequel menoit ung grand destrier en main, tout couvert de drap d'or jusqu'aux pieds. Le comte de Nevers avoit douze gentilshommes après lui, leurs chevaulx couverts de satin vermeil à grandes croix blanches. Le roy de Franche estoit monté et armé de toutes pièces sur ung coursier, couvert jusques aux pieds de velour d'azur, semé de fleur de lys d'or de brodure; en sa teste avoit un chappel de velours, vermeil où avoit au bout une houppe de fil d'or; après lui ses pages vestus de vermeil, les manches toutes couvertes d'orfèvrerie, lesquels portoient ses harnois de teste couverts de fin or de diverses façons et plumes d'autruche, de diverses cou

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