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vance. Le roy, lequel estoit en sa chayère couverte de riche drap d'or, assis en la salle de l'archevesque, les oyt bénignement et volontiers, puis feit faire la response par son chancellier, tellement qu'ils en feurent très contents.

CHAPITRE XXI.

Comment le duc de Bretaigne print Gournay, Reneville, le pont d'Oire, la Haye du Puis et Valoingnes, et autres villes, en la Basse-Normandie et en Constantin et Fougières.

EN ce temps, le duc de Bretaigne, lequel avoit en sa compagnie huict mille combattants, print Gournay, Thorigny, Reneville, la Haye-du-Puis et Valoingnes, et plusieurs autres places en la Basse-Normandie, et où pays de Constantin (Cotentin); et si print la ville et chastel de Fougieres, où il avoit tenu le siége l'espace d'un mois pendant lequel il feit faire telles approches, et tellement battre la muraille de canons et bombardes qu'on les debvoit assaillir, quant les Anglois, qui dedans estoient. se rendirent environ de quatre à cinq cents, dont estoit capitaine un nommé messire Franchois de Surienne, dit l'Arragonois. Es quels s'en allèrent, leurs chevaux et harnois saufs, et ung petit fardelet devant eux tant seulement. Lequel messire Franchois laissa depuis le parti des

Anglois, et demoura au serviche du roy. Après celle prinse, le duc de Bretaigne et ceux de sa compagnie s'en retournèrent touts en leurs maisons pour la mortalité, laquelle estoit frappée en l'ost; laquelle feit mourir grand nombre de gens, et entre autres le fils du comte Jehan; dont ce fust dommaige. Et en ce temps, se rendit le chastel de Toucques, au sieur de Blanville, qui estoit devant. Et en ce temps, se rendit aussi le susdit Chastel Gaillard, lequel fust assiégé par l'espace de cinq semaines; et estoient dedans cent vingts Anglois ; lesquels s'en allèrent à Harfleur, leurs corps et biens saufs.

CHAPITRE XXII.

Du siége qui fust mis devant Harfleur, et comment la ville fust rendue; puis parle de l'armée que feit le comte de Foix; et comme il assigna le Chastel Guisant; et comme il défeit les Anglois, et en y eut que morts que prins environ douze cents.

APRÈS les choses dessusdites faites, le roy de Franche se parteit de la ville de Rouen, armé d'une brigandine, et dessus une jacquette de drap, accompagnié du de Cécille et des autres seigneurs de roy son sang, en grands habillements, et par espécial, le comte de Saint-Pol, lequel avoit un chanfrain à son cheval, prisé de vingt mille escus; et chevau

cha jusques en la ville de Moustiervillier, à demilieue près de Harfleur, où il fust logié; et incontinent feit mectre le siége devant Harfleur, par les comtes de Dunois, d'Eu, de Clermont et de Nevers, le sieur de Cullant, grand maistre d'hostel, le sieur de Blanville, maistre des arbalestriers, et plusieurs autres, qui touts y feirent grandement leur debvoir, et y eurent grandement à souffrir, tant pour les gelées, pluies et autres froidures, comme pour la mer, qui souvent sourdoit en plusieurs logis, pour ce qu'ils estoient tout entrecouverts de paillas et de genestre (genets); car autour d'icelle ville de Harfleur, n'y avoit arbres ni maisons où ils se peussent héberger ne loger. Ce nonobstant ils feirent de si grandes approches de trenchis, de fossés et de mines, et battirent tellement la muraille des bombardes et canons, que les Anglois qui estoient dedans, environ quinze cents, rendirent la ville de Harfleur au roy de France, et s'en allèrent, leurs corps et biens saufs, les ungs en Angleterre, les autres en Normandie, ès places tenantes leur parti.

Assez tost après icelle reddition, qui fust environ le quatre de janvier an dessusdit, mil quatre cent quarante-neuf, le roy parteist de Moustier et retourna sur la rivière de Seine, à une abbaye nommée Jumièges, à cinq lieues au-dessous de Rouan. En ce temps, le comte de Foix feist assembler une grosse-armée, et feist mectre le siége par le sieur de Lautrec, son frère, bastard de Foix, devant le

chastel de Guisant, qui est très fort chastel, assis à quatre lieues près de Bayonne. Quant les Anglois le sceurent, ils se meirent par les champs jusques environ quatre mille combattants, dont estoient chiefs, le connestable de Navarre, le maire de Bayonne, George Soliton, et plusieurs autres, lesquels se bouttèrent en vaisseaux sur une rivière qui passe parmi ledit lieu de Bayonne, et vindrent descendre près du chastel; et quant ceux qui tenoient le siége en feurent advertis, se partirent secrètement, et vindrent au-debvant des Anglois, lesquels estoient jà descendus de leurs navires, et férirent si asprement et durement dessus eux, qu'ils les desconfeirent, et meirent en fuite jusques à leurs basteaux; et là feurent que morts que prins douze cens Anglois. Georges Soliton, quant il veit celle destrousse, se doubia qu'il ne peult recouvrer ses navires; et par ce passa parmi le siége, atout soixante lanches, et se sauva pour ceste heure dedans le boullevert; puis regarda qu'il ne povoit estre secouru. Si se partist de nuict, atout ses gens, cuidant retourner au lieu de Bayonne; mais le bastard de Foix le sceut, et le poursuivit tellement, qu'icelui George fust là prins, et la pluspart de ses gens; et le lendemain se rendit le chastel et quinze ou seize entre Menet, Haye et Bayonne; puis s'en retournèrent les gens du comte de Foix en leur pays.

CHAPITRE XXIII.

Du siége de Honfleur, et comme elle fust rendue; et des ville et chastel de Ballesmes, que le duc d'Allenchon assiégea et print; et de la ville de Fresnay qui se rendit par composition.

DURANT le temps que Charles, roy de Franche, estoit en l'abbaye de Jumièges, le dix-septiesme jour de janvier, l'an quarante-neuf, fust fait le siége de Honfleur par le comte de Dunois et les aultres seigneurs dessus nommés de sa compagnie, lesquels feirent grandes approches de fossés, trenchis et mines, et feirent battre la muraille de bombardes, canons et engins volans, tellement que les Anglois qui dedans estoient de trois à quatre cens, dont estoit chief et maistre le susdit Courson, composèrent à rendre icelle ville de Honfleur aulx Franchois, le dix-huistiesme jour de febvrier ensuivant, en cas qu'ils ne seroient secourus, et de ce bailler hostaiges. Pour lesquels combattre les Franchois feirent ordonner de clorre les camps, mais les Anglois n'y vindrent point, pour ce que le duc de Sombreset ne les secourut point, lequel estoit dedans la ville de Caen, laquelle ville il n'osoit désemparer, et aussi ils n'estoient assez forts, s'il ne leur fust venu secours d'Angleterre. Et pour

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