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nommoit Jehan Manchefort. Et en icelle place estoient deux cents combattants Anglois, dont estoit chief et capitaine le seigneur de Robersart. Lesquels Anglois se rendirent aux Franchois, sans coups de canon ne d'engins, car toute l'artillerie estoit demourée chargée à Bayeulx, pour mener à Caen, lesquels Anglois, leurs corps et biens saufs, s'en allèrent à Chierbourg, et eurent espace de huit jours à vuider leurs biens.

CHAPITRE XXVII.

Comment les Franchois meirent le siége debvant la ville de Caen, et comme ils gaignèrent ung boullevert.

APRÈS que la ville de Saint-Sauveur fust mise ès mains du roy de Franche, les dessusdits mareschaulx se partirent d'illecq atout leur compagnie, et chevauchèrent jusques à deux lieues près de Caen, en ung villaige nommé Cheulx; et là trouvèrent logiés le connestable de Franche, le comte de Laval, le sieur de Loheach, son frère, mareschal de Franche, et le mareschal de Bretaigne. Et y trouvèrent aussi messire Jacques de Luxemborg, frère du comte de Saint-Pol, les sieurs d'Estouteville et de Malestroict, de Saint-Sévère et de Bousacq, et plusieurs autres chevalliers et escuyers; tous lesquels, le cinquiesme jour de juin, se partirent du

dit lieu de Cheulx, et s'en allèrent logier ès faulxbourgs de la ville de Caen, du costel devers Bayeulx, devers l'abbaye de saint Estienne, près la muraille de la ville. Et pareillement se logèrent les comtes de Clermont, de Chastres, messieurs de Montgascon, de Mouy, gouverneur de Beauvoisin; messire Geoffroy de Couvran, messire Charles de la Fayette, Robert de Flocque, bailly d'Evreulx, et plusieurs autres chevalliers et escuyers, jusqu'au nombre de quatorze cents lanches et de quatre mille et cinq cents archiers, coustelliers et guisarmiers à cheval, et deux mille francs archiers à pied, lesquels ce jour estoient partis de Vernoeul. Et se logèrent es faulxbourgs de ladite ville, ce jour mesme, du costel de devers Paris, avec le comte de Dunois, lieutenant général du roy de Franche, le grand maistre-d'hostel; le sieur de Jaloingnes, son frère, d'Orval et de Montenay gouverneur des gens du duc d'Allenchon, le sieur d'Ivry, prévost de Paris; le sieur de Beaumont son frère, et plusieurs autres chevalliers et escuyers, jusques au nombre de six cents lanches et deux mille cinq cents archiers, guisarmiers et coustelliers à cheval, deux mille francs archiers à pied, qui s'estoient partis de demi-lieue de là. Par la manière dessus déclarée, fust la ville assiégée de deux costels. La ville ainsi assiégée que dict est, les Franchois, incontinent, feirent faire un pont au-dessus de la ville, pour passer la rivière, pour aller d'ung costel à l'autre, et secourir l'ung l'autre si besoin

estoit ; et, le quatriesme jour après, passèrent dessus icellui pont, les comtes de Nevers et d'Eu, le sieur de Beueil, cellui de Montenay, et Joachim Rohault, à grande compagnie de gens de guerre ; lesquels s'en allèrent logier ès fauxbourg de la ville, du costel de devers la mer, en une en une abbaye de dames nommée la Trinité; et dès le premier jour que les Franchois y meirent le siége, incontinent qu'ils y feurent arrivés, assaillirent le boullevert de la porte qui va à Bayeulx; et illecques y eust fait des beaux faits d'armes, tant qu'à la fin icellui boullevert fust prins d'assaut; mais les Franchois le laissèrent depuis, pource qu'il estoit ouvert du costel devers la muraille de la ville; et semblablement demoura désemparé des Anglois, pource que, incontinent après la prinse d'icellui boullevert, ils murèrent leur porte.

CHAPITRE XXVIII.

Comme le roy de Franche se partist d'Argentan, et alla au siége debvant Caen, et comme les Franchois assaillirent le boullevert et le prindrent.

Char

La ville de Caen assiégée comme dict est, les, roy de Franche, se parteit d'Argentan pour aller tenir siége avecques ses gens, accompagnié du roy de Cécille, du duc de Calabre son fils, des

comtes du Maine, de Saint-Polet de Tancarville; du vicomte de Lymaigne, de monseigneur Ferry de Loherraine (Lorraine), de Jehan son frère, seigneur de Traynel, chancellier de Franche, des seigneurs de Blanville et de Pruilly, des baillis de Berry et de Lyon, et de plusieurs autres chevalliers, escuyers, et de gens d'armes et de traicts, jusques au nombre de six cent lanches; et alla coucher à Saint-Pierresur-Dive, et le lendemain à Jaure, et l'autre jour après alla disner avecq touts ceux de sa compagnie ès fauxbourgs de Vaucelle; puis se parteit incontinent et passa au-dessus de la ville, la rivière, pardessus le pont, à demi-lieue près de là ; et s'en alla logier atout ses gens dedans une abbaye nommée Ardaine, où il fust durant le siége, fors une nuict, en passant par les fauxbourgs, qu'il fust logié, ès fauxbourgs, en ladite abbaye de la Trinité. Illecques demeurèrent le roy de Cécille, le duc de Calabre, le duc d'Allenchon, le comte de Saint-Pol, monseigneur Ferry de Loherraine, Jehan son frère, et plusieurs autres, jusques au nombre de mille lanches, et deux mille archiers à cheval, et de deux mille francs archiers à pied, dont la pluspart estoient logiés ès villaiges allentour dudit Caen. En une chappelle, entre le chastel et l'abbaye dudit Saint-Estienne, estoient logiés les sieurs de Beauvoir et de Bourbonnois, atout trente lanches et mille cinq cent francs archiers. Assez tost après la venue du roy, le comte de Dunois feit assaillir les boulleverts de Vaucelle, qui estoient sur la rivière

d'Orne, près de la muraille de la ville de Caen, lesquels se tindrent longuement, mais en la fin feurent prins grande foison d'Anglois. A chacun logis du siége avoit mines jusques dans les fossés de la ville, et par espécial du costel devers le connestable, dont les gens minèrent la tour et la muraille de debvant Saint-Estienne, tellement que le tout cheut et trébucha à terre, en telle manière, que les Franchois de dehors pouvoient combattre les Anglois en la ville main à main. Quant les Anglois se veirent ainsi approchiés de toutes parts tout allentour de la ville, doubtants qu'ils ne feussent prins d'assaut, requirent de parlamenter pour trouver leur traictié devers le roy.

CHAPITRE XXIX.

Comment ceux de Caen eurent leur traictié devers le roy, et comme ils lui délibvrèrent les ville et chastel où estoit le comte de Sombreset, lequel, sa femme, ses enfants et touts ceux de leur compaignie, feussent Anglois ou autres, s'en allèrent, leurs corps et leurs biens saufs.

QUANT le roy de Franche sceut que ceux de la ville de Caen requéroient parlamenter pour trouver leur traictié, icelluy roy, mectant Dieu devant ses yeux, regardant la pitié que ce seroit de destruire une telle ville, et de violer et piller les églises de Dieu, pour aussi eschevir (éviter) l'effusion de

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