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sang de hommes, de femmes et de enfants, qui dedans euissent pu estre tués, se consentist de parlamenter à eux ; et la ville fust receupte à composition, jà-soit-que à la vérité il n'y avoit nulle apparence que s'il eust pleu au roy, que la ville n'euist esté prinse d'assaut sans nul remède; et euist eu après le chastel et le donjon; mais non pas sitost ; car icelluy chastel est l'ung des forts de Normandie, garni de haye et grand boullevert de moult dure pierre, assis sur une roche, laquelle contient autant que la ville de Corbeil ou celle de Montferrant; et y a dedans un donjon très fort, fait d'une large et haute tour carrée de la fachon de celle de Londres ou du chastel d'Amboise, et environné tout autour de quatre grosses tours maçonnées depuis le pied des fossés jusques au haut à l'esgal de la terre, lesquelles tours sont moult hautes; puis est fermé de fortes murailles et hautes tout autour, selon la quantité des tours dessusdites. Dedans icelluy chastel se tenoient le duc de Sombreset, ses femme et enfants, et dedans la ville, messire Robert Vere, frère du comte de Melfort, messire Henry Reddefort, messire Enpausier (Despenser), Henry Seandre, Guillaume Carne, Henry lordClogiet, Toucquet, Hocton, et plusieurs autres, lesquels estoient conduiseurs, pour le duc de Sombreset, de quatre mille Anglois pour la garde de la ville de Caen. Lesquels Anglois durant le siége s'assemblèrent par plusieurs fois et coururent sus aux Franchois; et ce feirent pareillement les Franchois sur les Anglois :

c'est à sçavoir, pour le roy de Franche, le comte de Dunois, le séneschal de Poitou et plusieurs autres. Quant les Anglois sceurent que le roy estoit content de tenir parlement à eux et ceux de la ville, sy ordonnèrent, par l'octroy du roy de Franche, certain lieu pour parlamenter. Auquel lieu, pour le roy de Franche, feurent députés le comte de Dunois, le séneschal de Poitou, et messire Jean Bureau, thrésorier de Franche; et, pour les Anglois, messire Richard Ireton, bailly de Caen, Foucques Hecon, et Jehan Gages; et pour ceux de la ville, Eustasse Canivet, lieutenant du bailly, et l'abbé de Saint-Estienne de Caen. Lesquels, ensemble assemblés, parlamentèrent tant que le lendemain du jour de Saint-Jehan-Baptiste, fust le traictié faict par la manière que s'ensuit; c'est à sçavoir que les dessusdits Anglois promeirent de mectre les ville, chastel et donjon en la main et obéissance du roy de Franche, en dedans le premier jour de juillet, au cas que le roy de Franche et sa puissance ne seroient combattus des Anglois; et moyennant ce, le duc de Sombreset, sa femme, ses enfants, et tous les autres Anglois qui s'en voudroient aller, s'en iroient, eux, leurs femmes et enfants, chevaux, harnois et autres biens meubles; et avecques ce, pour les porter et mener, on leur bailleroit vaissaux et charroy pour les passer en Angleterre, et non ailleurs, à leurs despens, à telle condition que les Anglois délibvreroient touts prisonniers. Sy délibvreroient et laisse

roient bourgeois, touts scellés; et sy quicteroient touts ceux de la ville, tant gens d'église, marchands et autres, qui leur debvoient, sans rien leur en faire payer, et sans encoires que pour ce ils leur ostassent rien du leur, quant ils se partiroient de la ville; et avecques ce, laisseroient toute artillerie, grosse et menue, réservés arcqs et arbalestres et coullevrines en main. Et pour entretenir les choses dessusdites sans faillir, bailleroient les Anglois pour hostaiges, douze Anglois d'Angleterre, deux chevalliers de Normandie, et quatre bourgeois de la ville de Caen. Et le premier jour de juillet ensuivant, mil quatre cent cinquante, rendirent les ville, chastel et donjon de Caen, pource qu'ils ne feurent point secourus. Et en apporta les clefs aux champs pour le dessusdit donjon, le dessus nommé bailly, et les meit ès mains du connestable de Franche, en présence du comte de Dunois, lieutenant général du roy de Franche, auquel incontinent les livra icelluy connestable, comme le capitaine et gouverneur d'icelle ville et chastel pour le roy de Franche. Et demeura le connestable aux champs, pour faire vuider les Anglois et leur faire tenir chemin droit à Caen; et au plus tost après, le comte de Dunois, accompagnié du mareschal de Franche, seigneur de Jalloingnes, debvant lui deux cents archiers à pied, et entre deux les héraux et trompettes du roy de Franche, après lui joignant trois escuyers d'escurie, portants les bannières du roy de Franche, et derrière cent hommes d'armes à

pied, entra par le donjon à pied dedans la ville et chastel, et feit mectre les bannières du roy sur le donjon et sur les portes d'icelle ville.

CHAPITRE XXX.

Comment le roy de Franche se partist de l'abbaye d'Ardaine et entra en la ville de Caen.

Le sixiesme jour de juillet, l'an mil quatre cent cinquante, se partist le roy de Franche de l'abbaye d'Ardaine pour entrer en la ville de Caen; et monta à cheval accompagné du roy de Cécille, du duc de Calabre son fils, du duc d'Allenchon, des comtes du Maine, de Clermont, de Dunois, de Nevers, de Saint-Pol et de Tancarville; des sieurs de Roy, de Coetivy, admiral de Franche; des mareschaux de Franche et de Bretaigne, et de plusieurs autres grands seigneurs, chevalliers, escuyers, très grandement et richement habilliés et vestus; et chevaucha jusques auprès de la ville, atout deux cents archiers devant lui, avecques ses héraux et trompettes, et derrière lui cent lanches. Et là vindrent au-debvant de lui hors dela.ville, avecques le comte de Dunois, les bourgeois de la ville, avecques grande multitude de gens; lesquels, après qu'ils eurent fait la révérence au roy, lui présentèrent les clefs de la ville de Caen, et il les receut bénignement.

Après, vindrent les gens d'église revestus, à grandes processions, ainsy qu'il est accoutumé de faire; puis entra le roy en ladite cité de Caen; et portèrent le ciel sur lui quatre gentilshommes, chevalliers et escuyers demourants en icelle ville. Les rues où le roy passoit estoient tendues et couvertes à ciel bravement, et y avoit foison de peuple criant Noël !

CHAPITRE XXXI.

Du siége qui fust mis devant Fallaise, et des assauts que les Anglois feirent, mais enfin feurent rebouttés.

LE Le propre jour que le roy entra dedans la ville de Caen, fust mis le siége devant Falaise, de touts costés, et s'y trouva premier, Poton de Saint-Treille, bailly de Berry, et le lundi après y arriva sire Jehan Bureau, thrésorier de Franche, avec lui les francs archiers et artillerie. Quant les Anglois de la place les apperceurent, ils allèrent au-devant d'eux, et les assaillirent très asprement; mais en la fin feurent rebouttés jusques aux portes de leur forteresse ; et s'y gouverna le thrésorier grandement, et aussi feit icelui Poton.

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