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A commis à mes soins ce dépôt précieux.
C'est lui qui rassembla ces colombes timides,
Éparses en cent lieux, sans secours el sans guides:
Pour elles, à sa porte, élevant ce palais,

Il leur y fit trouver l'abondance et la paix.

Grand Dieu, que cet ouvrage ait place en ta mémoire;
Que tous les soins qu'il prend pour soutenir ta gloire
Soient gravés de ta main au livre où sont écrits
Les noms prédestinés des rois que tu chéris!

Tu m'écoutes; ma voix ne t'est point étrangère :
Je suis la Piété, cette fille si chère,

Qui t'offre de ce roi les plus tendres soupirs :
Du feu de ton amour j'allume ses désirs.
Du zèle qui pour toi l'enflamme et le dévore
La chaleur se répand du couchant à l'aurore.
Tu le vois tous les jours, devant toi prosterné,
Humilier ce front de splendeur couronné;
Et, confondant l'orgueil par d'augustes exemples,
Baiser avec respect le pavé de tes temples.
De ta gloire animé, lui seul de tant de rois
S'arme pour ta querelle, et combat pour tes droits.
Le perfide intérêt, l'aveugle jalousie,

S'unissent contre toi pour l'affreuse hérésie;
La discorde en fureur frémit de toutes parts;
Tout semble abandonner tes sacrés étendards;
Et l'enfer couvrant tout de ses vapeurs funèbres,
Sur les yeux les plus saints a jeté ses ténèbres.
Lui seul, invariable et fondé sur la foi,
Ne cherche, ne regarde et n'écoute que toi;
Et bravant du démon l'impuissant artifice,
De la religion soutient tout l'édifice.

Grand Dieu, juge ta cause, et déploie aujourd'hui
Ce bras, ce même bras qui combattait pour lui,
Lorsque des nations à sa perte animées

Le Rhin vit tant de fois disperser les armées.
Des mêmes ennemis je reconnais l'orgueil;
Ils viennent se briser contre le même écueil :
Déjà, rompant partout leurs plus fermes barrières,
Du débris de leurs forts ils couvrent ses frontières.
Tu lui donnes un fils prompt à le seconder,
Qui sait combattre, plaire, obéir, commander;
Un fils qui, comme lui, suivi de la victoire,
Semble à gagner son cœur borner toute sa gloire;
Un fils à tous ses vœux avec amour soumis,

L'éternel désespoir de tous ses ennemis.

Pareil à ces esprits que la justice envoie,
Quand son roi lui dit : Pars! il s'élance avec joie;
Du tonnerre vengeur s'en va tout embraser,
Et, tranquille, à ses pieds revient le déposer.

Mais, tandis qu'un grand roi venge ainsi mes injures, Vous qui goûtez ici des délices si pures,

S'il permet à son cœur un moment de repos,
A vos jeux innocents appelez ce héros;
Retracez-lui d'Esther l'histoire glorieuse,
Et sur l'impiété la foi victorieuse.

Et vous qui vous plaisez aux folles passions
Qu'allument dans vos cœurs les vaines fictions,
Profanes amateurs de spectacles frivoles,
Dont l'oreille s'ennuie au son de mes paroles,
Fuyez de mes plaisirs la sainte austérité :
Tout respire ici Dieu, la paix, la vérité.

ACTE PREMIER

Le théâtre représente l'appartement d'Esther.

SCÈNE I

ESTHER, ÉLISE.

ESTHER.

Est-ce toi, chère Élise? ô jour trois fois heureux !
Que béni soit le ciel qui te rend à mes vœux,
Toi qui, de Benjamin comme moi descendue,
Fus de mes premiers ans la compagne assidue,
Et qui, d'un même joug souffrant l'oppression,
M'aidais à soupirer les malheurs de Sion!
Combien ce temps encore est cher à ma mémoire!
Mais toi, de ton Esther ignorais-tu la gloire?
Depuis plus de six mois que je te fais chercher,
Quel climat, quel désert a donc pu te cacher?

ÉLISE.

Au bruit de votre mort justement éplorée,
Du reste des humains je vivais séparée,

Et de mes tristes jours n'attendais que la fin, Quand tout à coup, madame, un prophète divin : « C'est pleurer trop longtemps une mort qui t'abuse: « Lève-toi, m'a-t-il dit, prends ton chemin vers Suse, « Là tu verras d'Esther la pompe et les honneurs, « Et sur le trône assis le sujet de tes pleurs. «Rassure, ajouta-t-il, tes tribus alarmées, «Sion: le jour approche où le Dieu des armées « Va de son bras puissant faire éclater l'appui; « Et le cri de son peuple est monté jusqu'à lui. » Il dit et moi, de joie et d'horreur pénétrée, Je cours. De ce palais j'ai su trouver l'entrée. O spectacle! ô triomphe admirable à mes yeux, Digne en effet du bras qui sauva nos aïeux! Le fier Assuérus couronne sa captive,

Et le Persan superbe est aux pieds d'une Juive! Par quels secrets ressorts, par quel enchaînement Le ciel a-t-il conduit ce grand événement?

ESTHER.

Peut-être on t'a conté la fameuse disgrâce
De l'altière Vasthi, dont j'occupe la place,
Lorsque le roi, contre elle enflammé de dépit,
La chassa de son trône, ainsi que de son lit.
Mais il ne put sitôt en bannir la pensée:
Vasthi régna longtemps dans son âme offensée.
Dans ses nombreux États il fallut donc chercher
Quelque nouvel objet qui l'en pût détacher.
De l'Inde à l'Hellespont ses esclaves coururent:
Les filles de l'Egypte à Suse comparurent;
Celles même du Parthe et du Scythe indompté
Y briguèrent le sceptre offert à la beauté.
On m'élevait alors, solitaire et cachée,
Sous les yeux vigilants du sage Mardochée:
Tu sais combien je dois à ses heureux secours.
La mort m'avait ravi les auteurs de mes jours;
Mais lui, voyant en moi la fille de son frère,
Me tint lieu, chère Élise, et de père et de mère.
Du triste état des Juifs jour et nuit agité,

Il me tira du sein de mon obscurité ;

Et, sur mes faibles mains fondant leur délivrance,
Il me fit d'un empire accepter l'espérance.
A ses desseins secrets, tremblante, j'obéis:
Je vins; mais je cachai ma race et mon pays.
Qui pourrait cependant t'exprimer les cabales

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