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On serait tenté de croire que, pour suffire à des charges qui paraissent si nombreuses et si lourdes, le personnel des hôpitaux dût être très nombreux dans notre ordre, comme dans beaucoup d'autres fondations du même temps. Il n'en est rien; au contraire, il a toujours été dans l'esprit de l'Ordre de restreindre le plus possible le nombre des religieux dans chaque hôpital, et cela dans un double but fort sage et louable: les frères évitaient ainsi le reproche d'employer à leur entretien la meilleure partie des revenus destinés aux pauvres ; et puis, leur petit nombre les tenant sans cesse en haleine, il leur était plus difficile de se laisser aller à la négligence et à la paresse. Dijon, dans le cours des XIV et XV° siècles, n'eut jamais que de six à douze religieux; Besançon ne paraît pas non plus avoir dépassé ce nombre'. Les sœurs se trouvaient dans des proportions habituellement un peu supérieures; la présence des enfants et des orphelins à demeure leur donnait des occupations plus nombreuses.

La charité du prochain ne va pas sans l'amour de Dieu; celui-ci en est la source et le mobile. Il n'est donc pas étonnant que nos frères aient été des hospitaliers pleins de dévouement, alors qu'ils se montraient des religieux zélés pour la régularité monastique. « L'office divin et les heures canoniques, tant diurnes que nocturnes, y sont célébrés chaque jour d'une manière très louable '. » Les frères de Dijon s'acquittaient avec tant d'exactitude de cette importante fonction, que le duc de Bourgogne Philippele-Bon se plut à en rendre témoignage au grand maître 3. Ces témoignages abondent pour toutes les maisons et il nous serait facile de les multiplier.

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Voy. D. Calmelet, Histoire ms, passim;

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A. Castan, II, p. 194.

Divinum officium et hore canonice, tam diurne quam nocturne, singulis diebus laudabiliter exsolvuntur.... (Mandatum Amedei de Talaru, A. Castan, loc. cit.)

"Lettre de Philippe-le-Bon, 1453; D. Calmelet, chap, IV.

La sainteté dut fleurir abondamment chez ces humbles religieux et religieuses, dont la vie était ainsi partagée entre la prière et la charité. Si Dieu a jugé à propos de laisser un grand nombre de ces saintes âmes dans l'obscurité et l'humilité qu'elles avaient choisies par amour pour lui, il a pourtant favorisé de grâces extérieures éclatantes plusieurs des enfants de Gui de Montpellier.

Déjà, au XIII° siècle, saint Face ou Fazzio s'était distingué au nombre des saints personnages qui donnèrent à cette époque un éclat et une physionomie uniques dans l'histoire.

Il naquit à Vérone, au milieu des troubles civils du commencement du siècle. Des persécutions longues et acharnées le forcèrent à aller exercer sa profession d'orfèvre à Crémone, vers 1226. Là-comme dans son pays natal, la charité occupait la plus grande partie de son temps, si bien qu'on finit par lui confier le soin de la distribution des aumônes de la ville. Pendant qu'il était tout entier adonné à ses œuvres de miséricorde, il apprit que Vérone était plongée à nouveau dans toutes les horreurs des dissensions civiles; il y alla aussitôt, et se fit l'ange de la paix au milieu de ses concitoyens. Mais, comme il arrive trop souvent, son zèle était trop désintéressé pour être regardé comme sincère; des calomnies se répandirent, qui dénaturaient perfidement toutes ses démarches; on finit par le jeter en prison. C'est là que Dieu se réservait de faire éclater sa vertu ; les cachots étaient remplis ; plusieurs des prisonniers, minés par les privations de la captivité, se mouraient. La prière du saint les guérit. Le bruit de ces prodiges se répandit bientôt et on se hâta de le remettre en liberté. Voyant cependant que tout son zèle était impuissant devant l'obstination de ses concitoyens, il reprit le chemin de Crémone, y construisit un oratoire et un hôpital du Saint-Esprit, et s'y livra, avec de pieux émules, à toutes les œuvres de miséricorde. Plus tard, il fit le pèlerinage

de Rome et de S. Jacques, et, de retour dans sa seconde patrie, fut nommé par l'évêque Visiteur Général des monastères de son diocèse. Il mourut en 1272, dans son hôpital, auquel il avait donné tous ses biens. De nombreux miracles, opérés pendant sa vie et après sa mort, attestèrent sa haute sainteté '.

L'hôpital de Foligno, donné à l'Ordre par Clément V, en 1311, fut le théâtre sur lequel brilla la sainteté d'un autre serviteur de Dieu. Le jubilé de 1350, proclamé par Clėment VI, avait attiré à Rome des multitudes infinies, venues de tous les pays d'Europe. Au nombre des pèlerins se trouvait un jeune homme que n'avait pas effrayé le voyage de la Hongrie à Rome. Il se nommait Antoine ; comme on ignorait son nom de famille, le peuple l'appelait Antoine le Hongrois. La piété l'avait fait entrer dans les rangs du Tiers-Ordre de S. François. Ayant achevé ses dévotions à la ville éternelle, il se mit, suivant le pieux usage des pèlerins, à parcourir les principaux sanctuaires de l'Italie. Arrivé à Foligno, une fièvre maligne le saisit. On le reçut à l'hôpital du Saint-Esprit, où les soins empressés des frères le ramenèrent à la santé. Mais il fut si touché de la charité de ces bons religieux, qu'il résolut de passer sa vie dans leur maison, au service des pauvres, en qualité de frère oblat. Pendant vingt-sept ans, il y donna de tels exemples de charité, de douceur et de patience dans le soin des pauvres, des malades et des orphelins, qu'il faisait l'admiration de tout le peuple. Ses avis étaient écoutés comme les oracles de Dieu même. Sa bienheureuse mort, arrivée le 13 mai 1398, fut un deuil public, et bientôt, à la suite des miracles opérés sur son tombeau, on le regarda comme un saint, et l'on réclama de toutes parts sa canonisation.

Pour honorer la pureté et la charité de son humble

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Acta SS. Bolland. (1643), jan. II, 210-211 (ed. 3a, 574-575).

serviteur, Dieu ne permit pas que la corruption eût prise sur son corps. On le voyait, absolument intact, reposant dans une châsse magnifique, donnée par le prieur Melchior de la Vallée, en 1608, et placée sur l'autel majeur de l'église de l'hôpital, à Foligno'.

On le voit par ces exemples, la sainteté n'était pas rare dans l'Ordre; témoin encore la vénérable Sœur Angèle Romaine, célèbre entre toutes les autres religieuses moniales du Saint-Esprit et dont le commandeur de Dijon, frère Guillaume Sacquenier, étant à Rome, avait envoyé un portrait à ses religieuses, afin de les encourager, par ses exemples, à se sanctifier dans les exercices de leur vocation. Accepter une vocation si humble, si pénible, si opposée aux goûts de la nature; la suivre pendant toute sa vie avec zèle et piété : n'est-ce point là déjà, dans les frères et les sœurs du Saint-Esprit, le signe d'une éminente vertu? L'histoire nous autorise à étendre à l'ordre entier cet éloge que M. Castan adresse aux recteurs de Besançon: « En général, ces recteurs furent d'une piété sincère et profondément dévoués à leur mission charitable 3. » Piété et dévouement sans bornes, c'est là le plus bel éloge que l'on puisse faire de notre institut.

Aussi voyons-nous partout les populations répondre par leur reconnaissance et leur confiance aux bienfaits de l'ordre du Saint-Esprit.

La maison conventuelle de Besançon, à cette époque comme au XIII° siècle, brille entre toutes par sa longue fécondité. Les nombreux novices ou frères oblats qu'elle

'Le B. Antoine le Hongrois est honoré spécialement dans l'ordre Franciscain. (Voy. Acta SS. Bolland. (1680), maii III, p. 251; ed. 3a, p. 250-251; [Prileszki], Acta SS. Ungar. (1743), t. I, p. 284-285.; Wading, Annal. Fratr. Minor., t. IV, p. 251;- P. Saulnier, p. 09; - Ms de la Visite générale de Melchior de la Vallée, Arch. hôp. de Besançon, B. 14, chap. II, no 1). D. Calmelet, Histoire ms, chap. IV.

$ Notice, II, p. 194.

forma à la vie religieuse et hospitalière, lui permirent de satisfaire à toutes les fondations que les seigneurs de Franche-Comté semaient à profusion dans cette province. Les princes de la Maison de Châlon se faisaient remarquer dans ce temps par l'affection sincère qu'ils portaient à leurs sujets. Non contents de leur octroyer des chartes de franchises très libérales, ils prenaient à cœur de venir en aide aux pauvres, en dotant les maladreries et hôp..aux déjà existants, et en élevant de nouvelles maisons charitables dans tous leurs domaines. Jean de Châlon-Auxerre avait fait bâtir, en quelques années, cinq hôpitaux dans ses bourgs de Rochefort, Monnet, Orgelet, Saint-Julien et Arinthod. Une pareille générosité mérite bien que nous nous y arrêtions un instant, en rapportant les termes de l'acte de fondation:

<< Nous, Jean de Châlon, comte d'Auxerre et seigneur de Rochefort, faisons savoir à tous présents et futurs, que nous avons fait édifier et construire, en nos villes de Rochefort, Monnet, Orgelet, Saint-Julien et Arinthod un hôpital avec un autel en l'honneur de la glorieuse Vierge. Marie, à nos propres frais et dépens, afin que les pauvres, les infirmes et les malheureux qui sont dans le besoin y soient admis et hébergés ; qu'ils y trouvent, pour le remède de notre âme, de celle de nos parents, ancêtres et successeurs, le nécessaire selon les exigences de leurs besoins et les ressources de ces maisons, et que les divins offices y soient célébrés par leurs maîtres ou recteurs. Nous voulons et ordonnons que ces cinq hôpitaux soient soumis, pour le spirituel comme pour le temporel, au recteur et gouverneur de l'hôpital de Besançon. Voulons aussi que ledit recteur institue et place, en chacune des maisons susdites, pour les gouverner, des maîtres ou recteurs dignes et fidèles, élevés au sacerdoce, et qui portent l'habit de l'Ordre. Ils célébreront les saints offices auxdits autels pour notre âme, comme il est ordonné ci-dessus, et rece

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