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DE LA

RÉVOLUTION FRANÇAISE

ORGANE DE LA SOCIÉTÉ DES ÉTUDES ROBESPIERRISTES

PARAISSANT SIX FOIS PAR AN

DIRECTEURS: ALBERT MATHIEZ ET GUSTAVE LAURENT

NOUVELLE SÉRIE

TOME QUATRIÈME

1927

REIMS

RÉDACTION ET ADMINISTRATION

46, Rue Libergier, 46

1927

Le Neuf Thermidor de M. Barthou

C'est un fait dont nous ne pouvons que nous réjouir. Robespierre est à la mode. Robespierre est un bon sujet pour les auteurs et les libraires. La curiosité publique est attirée par sa haute figure et son tragique destin.

Les causes de cette vogue seraient curieuses à démêler. A T'heure équivoque et incertaine où nous vivons, bien des aspirations diverses et confuses s'agitent qui cherchent à S'éclaircir et à se fixer. La crise du parlementarisme y est bien pour quelque chose. Il y a des démocrates sincères que la faillite du Cartel a désorientés et qui remontent d'instinct à la grande époque de la République pour y trouver des leçons et des remèdes. Il y a ceux qui voudraient échapper a l'étreinte de la réaction montante et ceux qui prévoient des cataclysmes financiers et des bouleversements sociaux, ceux qui se réjouissent de cette perspective et ceux qui en ont peur. Il y a ceux qui voient en Robespierre un autre Lénine et ceux qui pensent à Jaurès en prononçant son nom, il y a ceux qui haïssent le monstre et ceux qui révèrent le martyr qu'ils voudraient réveiller de sa tombe. Il y a aussi heureusement les curieux désintéressés que le problème posé depuis plus d'un siècle devant les historiens passionne et qui ne désirent qu'une chose connaître enfin la vérité, se faire une opinion fondée. Ceux-ci sont peut-être les plus nombreux. Du moins, j'aime à me le persuader.

Il est difficile, sinon impossible, de convaincre ceux qui ne cherchent dans l'histoire du passé que des arguments de parti. Ils ont des œillères. Même s'ils lisent les documents, ils ne sont plus capables d'en saisir le sens exact. Ils n'en retiennent que ce qui flatte leurs passions, que ce qui sert leurs préjugés. L'esprit scientifique n'a pas droit de cité dans leur cerveau de partisans.

Le moment est-il enfin venu où les historiens étudieron! Robespierre et la Terreur avec la même sérénité qu'ils étu

dient Périclès et l'empire athénien? On pouvait légitimement en douter quand on lisait naguère les violentes diatribes de M. Madelin, les romans diffamatoires et calomnieux de M. Lenôtre. Dernièrement encore un disciple de M. Aulard qui enseigne l'histoire moderne dans une faculté, n'étant pas d'accord avec moi sur la composition des clubs de l'an II, me gratifiait d'injures en guise d'arguments et s'écriait que je me proposais évidemment de le dénoncer comme suspect à un futur tribunal révolutionnaire car, admirant Robespierre, je ne pouvais que m'assimiler ses procédés (1)! Je sais bien qu'il y a des sots présomptueux et méchants dans toutes les écoles et que celle de M. Aulard ne fait pas exception. Mais que ces sols puissent encore distiller leur pitoyable venin dans des revues qui se disent scientifiques et qui s'adressent à des professionnels, cela montre assez que l'apaisement intellectuel, condition nécessaire du progrès scientifique, est encore loin d'être atteint.

J'ai éprouvé cependant une agréable surprise en lisant le Neuf Thermidor que M. Louis Barthou vient de faire paraître dans la collection des Récits d'autrefois (2).

Certes, M. Barthou. qui est un modéré, n'éprouve pour la personne comme pour les idées de Robespierre aucune sympathie. Il lui reproche même (p. 14) d'avoir « fait assassiner Vergniaud et Danton ». Il accepte pour argent comptant le portrait fantaisiste mais bien écrit que le royaliste Fiévée a fracé de Robespierre. Mais il faut avouer qu'en général M. Barthou a fait un effort sincère pour découvrir la vérité dans les témoignages contradictoires, qu'il est informé de première main, qu'il sait critiquer les textes, qu'il ne se laisse pas abuser par les légendes et qu'il écrit dans le ton qui convient à l'histoire. On peut différer d'opinion avec M. Barthou sur plus d'un point, on doit le louer de sa recherche objective, on est obligé de discuter avec lui.

Il a bien vu que les artisans de la chute de Robespierre furent les proconsuls corrompus et sanguinaires que Robespierre voulait punir. Il a étudié avec soin le rôle capital que Fouché a joué à cet égard. Il ne lui a pas échappé que les thermidoriens n'étaient d'accord sur aucun programme, mais

(1) On lira ces gentillesses et d'autres dans le n° 121-123 de la Revue de Synthèse historique, sous la signature de M. «Léon Lévy dit Lévy-Schneider ».

(2) Hachette, 126 p.

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