Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Qu'il soit égyptien, c'est ce qu'assez de savants ont reconnu pour qu'il semble utile d'insister encore; si l'on en voulait cependant une preuve nouvelle, rappelons que le conte de Qamar al zeman se termine par un éloge des femmes de l'Egypte : ce trait, à lui seul, pourrait suffire.

A-t-il publié une édition des Mille et une nuits en y insérant les nouvelles de sa composition ou s'est-il borné à écrire ces nouvelles? On ne le saura peut-être que quand on aura examiné de plus près encore les collections de manuscrits que recèle l'Orient.

Enfin, quand a-t-il vécu? Il ne faudra songer à l'établir d'une façon précise que quand on possédera son texte primitif on pourra en tirer des arguments valables, sans courir, comme maintenant, le risque de s'attacher à quelque détail qui pourrait fort bien n'être qu'une addition d'un éditeur postérieur. Tout ce que l'on peut, semble-t-il, affirmer avec certitude, c'est qu'il est antérieur à l'autre auteur égyptien, dont nous allons parler : ce dernier, en effet, a remanié deux contes au moins de l'autre, Abdallah, l'habitant de la mer et Delileh.

III

Le second auteur égyptien.

N'est-ce pas un juif

converti à l'islamisme?

A côté des contes dûs à l'auteur dont nous venons de nous occuper, il en est beaucoup d'autres dont l'origine égyptienne ne semble pas contestable, mais dont le caractère est absolument différent : la valeur littéraire, notamment, en est tout à fait inférieure.

Donc, il doit y avoir eu un second auteur égyptien.

Or, les romans de ce dernier présentent un contraste assez frappant; ils sont d'une orthodoxie musulmane inattaquable' et, en même temps, présentent de nombreuses traces d'influences juives.

Pour expliquer ce phénomène, il suffirait peut-être d'admettre que l'auteur est un juif converti à l'islamisme; car si un juif, imbu des idées et des contes de son peuple, a changé de religion et qu'il ait songé à faire un nouveau recueil des Mille et une nuits, rien d'étonnant à ce qu'il ait utilisé des récits qui avaient charmé son enfance.

Ce qui semble confirmer cette hypothèse, c'est qu'il y a, soit dans les anecdotes insérées dans les Mille et une nuits, soit dans les grands romans qui y figurent, de nombreuses histoires de conversions. Le fait s'explique tout naturellement si l'éditeur est lui-même un converti.

1 Cfr. OESTRUP, pp. 85-86.

Quand, et même pour des raisons qui lui paraissent absolument invincibles, un homme passe d'une religion à une autre, le seul fait de sa conversion ne peut le modifier de fond en comble et, plus d'une fois, il retombera sous l'influence des idées qui, dès son enfance, lui ont été inculquées, devenant ainsi partie intégrante de sa vie morale. Pourra-t-il n'avoir jamais de doutes ou de scrupules dans ces retours, surtout si les parents, les amis qu'il a abandonnés lui font quelque reproche ? Et alors, pour s'affermir dans sa foi nouvelle et se justifier à ses propres yeux, ne sera-t-il pas heureux de pouvoir énumérer un grand nombre de personnes qui ont fait comme lui?

Mais, à côté des grands récits, on n'ignore pas que les Mille et une nuits renferment plusieurs collections d'anecdotes. L'une de ces collections, qui se compose de dix-huit contes, est évidemment d'origine juive, comme on le verra plus loin. Et ce fait n'a pas manqué de frapper des savants israélites. Déjà en 1873, Perles a publié dans le Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judenthums un travail très érudit, où il donne sur ces contes des détails fort intéressants, sans toutefois rien en conclure pour la composition des Mille et une nuits '.

Il est assez naturel de penser que c'est notre juif converti qui a inséré cette collection dans le grand recueil.

Et s'il l'a fait, il semble permis de conjecturer en outre

Rabbinische Agada's in 1001 Nacht. Ein Beitrag zur Geschichte der Wanderung orientalischer Märchen. Von Dr J. PERLES. Dans Monatsschrift, 22, p. 14-34, 61-85 et 116-126. Cfr. aussi l'article de BACHER, ibidem, p. 332-336.

que c'est à lui aussi qu'est due l'insertion, dans les Mille et une nuits, de toutes les collections d'anecdotes dont nous venons de parler.

Cela semble probable, par ex., pour un recueil d'anecdotes relatives surtout à la générosité et à l'amour. (Hammer, 3, 344 et suiv.).

Ce qui peut le faire croire, c'est que ce recueil contient une anecdote sur une conversion (no 39, Hammer, 3, 387-392), de même que la collection juive en contient deux également (no 13 et 14, Hammer, 3, 441 et 445).

Quant aux autres collections, elles mériteraient d'être étudiées aussi de près; nous nous permettons de renvoyer à notre prochain volume de la Bibliographie arabe, où l'on trouvera des détails sur ces contes et leur diffusion dans la littérature arabe.

IV

Œuvres du second auteur égyptien.

Pour prouver que l'inventeur de certains contes est vraisemblablement un juif converti, il faut rechercher les traces d'idées juives qui s'y trouvent. En examinant d'abord l'histoire la plus remarquable à ce point de vue, nous tâcherons, en même temps, de découvrir quels sont les traits caractéristiques de l'auteur et, grâce à ces traits, nous pourrons reconnaître quelles sont ses autres œuvres. Pour cette double étude, l'histoire de Djamasp et la reine des serpents, qui comprend ainsi celle de Djanchah et de Beloukia, nous semble être tout indiquée '.

Elle contient, en effet, tant de souvenirs juifs qu'on ne peut guère, semble-t-il, douter de la nationalité de l'auteur.

Et d'abord les noms mêmes: Beloukia, roi israélite du Caire; Berakhia et Daniel, philosophe grec, il est vrai, mais philosophe dont les idées et les actions sont juives et qui n'a pu être imaginé que par un juif peu au courant de l'histoire grecque.

HAMMER, 1, 142 et suiv.

Remarquons, en passant, que l'histoire de Djanchah est une imitation de celle de Hassan de Basra, et non l'inverse, comme le pense CoSQUIN, Contes populaires de Lorraine, 2, p. 17. 2 p. 177.

[blocks in formation]
« AnteriorContinuar »