Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Il n'entendent, ne rien ne dotent,
De tant vilain morsel englotent,
En povres mesons qu'ils destruient,
Quant de lor des pense se fuient.
Il n'ont contenance meure,
Il ne vivent selon droiture;
Moult menjuent et pou se blecent,
A bien faire petit se drecent;

Il font molt pou de ce qu'ils doivent,
Il sormenjuent, il sorboivent (1),
Par foi durement i escotent,

Qu'il enveillissent et radotent, etc. (2).

Dans les cent nouvelles nouvelles, les meilleurs tours sont ceux des moines et des prêtres. Un fabliau traduit par Legrand d'Aussy, contient une fiction assez ingénieuse et qui sert de complément à ce que dit Guyot de Provins: «< Dieu, quand il eut créé le monde, y plaça trois espèces d'hommes, les nobles, les ecclésiastiques et les vilains. Il donna les terres aux premiers, les décimes et les aumônes aux seconds, et condamna les derniers à travailler toute leur vie pour les uns et les autres. Les lots ainsi faits, il se trouva néanmoins encore deux sortes de gens qui n'étaient pas pourvus; c'étaient les ménétriers et les catins. Ils vinrent présenter leur requête à Dieu et le prièrent de leur assigner de quoi vivre; Dieu alors donna les ménétriers à nourrir aux nobles, et les catins aux prêtres. Ceux-ci ont obéi à Dieu, et rempli avec zèle la loi qu'il leur a imposée; aussi seront-ils sauvés incontestablement. Mais quant aux nobles qui n'ont eu nul soin de ceux qu'on leur avait confiés, ils ne doivent attendre aucun salut (3). »

(1) Ils boivent et mangent avec excès, ils surmangent, ils surboivent. (2) Recueil de. Mr Méon, T. II, pp. 330, 334.

(3) Fabliaux ou Contes, T. II, p. 117.

Nous parlerons ailleurs de Jacques de Croy, évêque de Cambrai, qui fixait des legs pour ses bâtards existans, et tenait une somme en réserve pour ceux qu'il pourrait avoir par la suite (1). En ce temps, dit Du Clercq, c'est-à-dire en 1460, au pays de Liége, en la ville de Dynan, queyerent si grandes eauwes, qu'une partie d'une abbaye estant en icelle ville et plusieurs edifices furent abbatus, et mesme l'abbé d'icelle abbaye, estant en sa chambre avec une femme qu'il tenait en concubinage, furent tous deux emportés et noyés en l'eauwe, et avec eulx plusieurs moisnes et aultres hommes et femmes (2). Ailleurs c'est un jeune prêtre, exerçant les fonctions saintes de pasteur et qui, trop dissolu, tant en luxure que aultrement, se dérobe longtemps à la justice de son évêque, célèbre les mystères malgré la sentence d'excommunication dont il était atteint; et quant il disoit la messe, mectoit assez près de l'autel emprès lui, ung bon espieu de fer trenchant, qui estoit baston de guerre, pour se deffendre, si aulcuns le fuissent venus querre, et avoit garni et boulloverquié sa maison (3). Ce ne sont là que des faits particuliers. Du Clercq va faire une observation générale, et notez que ce n'est pas un esprit fort qui triomphe des désordres de l'Église, mais un écrivain religieux qui s'en afflige.

« Le xvo jour d'aoust, l'an dessus dit mil iiijc lxiiij, » cloist son dernier jour le pape Pius, et disoit-on que » a l'heure de sa mort, autour de Rome et ailleurs, les » vignes, les arbres et aultres biens de terre feurent

(1) T. IV, p. 316.
(2) T. III, p. 35.
(3) T. III, p. 28.

> fouldroyés par tempeste d'orage, et mourut icelluy » pape, comme on disoit, de mort diverse et en grand » dangier pour son ame, et en parloit-on en mauvaise >> maniere; et aussy, au vrai dire, au temps dudit pape >> Pius et devant, tout alloit très mal en l'Eglise, car » les benefices estoient donnés à la requette des princes >> et sieurs ou par forche d'argent, et avoit ung cardinal » ou ung evesque plusieurs benefices; par especial les » cardinaulx tenoient en commanderie (1) vingt ou >> trente que evesquiés, que abbayes, que priorés con» ventuculx, et n'y avoit nul preslat esleu par les » colleges ou couvents; plusieurs fils de princes on fai>> soit archevesques ou evesques sans estre prestres, et » tenoient abbayes en commanderie, et en ce temps le » plus de gens d'Eglise, les grands jusques aux moindres » mendians et aultres, estoient sy abbandonnés et sy » oultrageulx en orgueil, luxure et convoitise, qu'on > ne polroit plus dire: en ce passoient oultre mesure » toutes gens seculiers (2). »

Ailleurs reviennent les mêmes doléances: << Lors c'es» toit grande pitié que le pechié de luxure regnoit moult » fort, et par especial es princes et gens marriés; et » estoit le plus gentil compagnon qui plus de femmes >> sçavoit tromper et avoir au moment, qui plus luxu>> rieulx estoit; et mesme regnoit encore plus icelluy » pechié de luxure es preslats de l'Eglise et en touts » gens d'Eglise (3). »

Il eût été raisonnable que ces ministres du ciel, si enclins aux faiblesses de la terre, eussent montré pour

(1) Commande.

(2) T. IV, p. 65.
(3) T. II, p. 204.

les autres une indulgence dont ils avaient besoin euxmêmes. Mais ils n'en étaient que plus ardens à la persécution. Les barbaries exercées contre les vaudois le sont en vertu de sentences rendues par des juges ecclésiastiques. Des malheureux, à force de tortures ou de séductions, sont conduits à s'avouer coupables ou à désigner de nouvelles victimes. Ils se retractent sur l'échafaud, mais c'est là un des caractères de la sorcellerie: on ne fournit pas de preuves solides, mais elles sont inutiles; les principaux témoins sont des filles perdues, des gens infames il ne faut rien dédaigner quand il s'agit d'une sainte cause. Ici s'offrent trois sortes d'accusés : des citoyens riches qu'on veut dépouiller, des magistrats incorruptibles dont on a à se venger, des misérables dont on arrachera de nouvelles accusations et qu'on fera parler comme on le trouvera convenable. A la tête de cette horrible procédure paraissent plusieurs docteurs en théologie avec un jacobin inquisiteur de la foi (1). Cela contrarie l'opinion commune d'après laquelle on s'imagine que l'inquisition était ignorée aux Pays-Bas avant la révolution du seizième siècle. Nous consignerons ici d'autres preuves du contraire. La première est tirée d'un ouvrage intitulé Excellente chronique de Flandre, imprimé en flamand, à Anvers, chez Guillaume Vorsterman, en 1531, in-folio. On y lit qu'il y avait, l'an 1477, à Bruges, un dominicain nommé Eustache Leenwercke, qui était inquisiteur de la foi catholique. Il admonesta un jour, en présence du peuple, un nommé Jean, qui avait été clerc de la paroisse de Beyselare, près d'Ypres. Ce clerc fut condamné à une prison per

(1) Voy. T. III, pp. 10 et suiv.

pétuelle par des juges ecclésiastiques, quoiqu'il eût mé– rité, ajouta l'inquisiteur dominicain, d'être livré au bras séculier. Il dit en outre que le criminel aurait dû être brûlé, mais que l'Église lui avait fait grace de ses fautes (1).

Les lettres d'Érasme sont remplies de plaintes sur la rigueur de l'inquisition des Pays-Bas. Nous les avons rapportées dans un mémoire inséré parmi ceux de notre Académie royale des sciences et belles-lettres. L'homme dont Érasme blâme le plus fortement la cruelle sévérité, est François de Hulst, conseiller laïque de Brabant, dont Antoine Llorente n'a pas négligé de faire mention (2).

Il s'ensuit que ce fut seulement contre l'établissement régulier de l'inquisition que les Pays-Bas se soulevèrent sous Philippe II. Une bulle de Paul IV et une autre postérieure de Pie IV, y créaient trois provinces ecclésiastiques dont tous les évêchés étaient soumis à la juridiction des archevêchés de Malines, Cambrai et Utrecht: en outre on établissait pour chaque cathédrale douze chanoines, dont trois devaient être inquisiteurs à vie. Cette mesure fut la première étincelle qui embrasa les Pays-Bas en 1562. Llorente remarque que ces peuples soutenaient avec raison qu'ils n'avaient toléré des inquisiteurs depuis 1522, que parce qu'ils les considéraient comme de simples agens temporaires. On a pu se convaincre qu'il devait remonter plus haut.

Mon honorable ami M. de Potter, qui semble avoir tout lu, tout examiné et n'avoir rien oublié dans son bel ouvrage sur l'Esprit de l'Église, a consacré en passant quelques lignes aux Vaudois d'Arras, d'après Monstrelet,

(1) Fol. 198 verso.

(2) Hist. critique de l'Inquisition d'Espagne. T. II, p. 188. Cet ouvrage porte le nom de de Hult, il faut lire de Hulst.

« AnteriorContinuar »