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de Bourgogne que ce vice était alors général, car avec des forces peu nombreuses mais régulières, il eût été facile d'exterminer ces bandes éparses. Charles VII avait dû néanmoins ses succès contre les Anglais à l'établissement d'un corps entretenu sous les armes, ou des francs archers. «Icelluy roy Charles ordonna en son royaume » xve hommes d'armes et v a vjm archiers, lesquels il >> meit es frontieres du royaume par especial du costé » des Anglois, lesquels gens d'armes estoient payés aux » despens de ses pays, et y avoit certaines tailles et im» positions, que touts ceulx de ses pays payoient, s'ils >> n'estoient clercqs, nobles ou privilégiés, dont on payoit » les gages des gens d'armes, et avoit chacun homme .» d'armes a trois chevaux, pour le mois quinze francs, » xvj sous monnoye royale pour le franc, qui valloient » onze couronnes et demi d'or ou environ; et pour cha>> cun archier vij francs et demi pour le mois, monnoye >> dite, et estoient très bien payés (1). »

Les gens d'armes dont chacun, avec les archers, le coustillier et le page formait une lance fournie, étaient convoqués à jour fixe, personnellement ou sous la bannière et le pennon de leurs seigneurs, à peine de la hart, de la confiscation de corps et de biens ou du bannissement. Dès qu'ils étaient réunis on faisait une montre ou revue générale et l'on entrait en campagne.

L'armée assemblée en 1464 était de 1400 lances, 8000 archers et «<le demourant crannequiniers, coulevriniers, >>coustilliers et aultres gens de guerre, sans les compa

» gnons qui gardoient le carroy, qui estoit grand nom->> bre; chacun portoit un maillet de plomb (2). » Les

(1) T. III, p. 140. HENAULT, Abr. chr. à l'an 1445.

(2) T. IV, p. 139.

ordonnances militaires du duc Charles qui parurent plus tard, nous apprennent au juste l'équipement et la discipline de ses troupes, que l'on peut voir aussi dans le père Daniel. Les hommes d'armes, de traits, ou portant piques, obéissaient à l'homme d'armes sous qui ils étaient ordonnés, et les hommes d'armes ensemble et leurs gens de traits et piquenaires obéissaient aux chefs de chambre, dizeniers et conductiers sous qui ils étaient distribués par les commissaires du duc.

Les conductiers ou capitaines devaient veiller à ce que tous les gens de guerre de leur compagnie logeassent avec leurs chefs de chambre, et à ce que l'ordre se maintînt dans la distribution des vivres ainsi que durant la marche, sans que les dizaines et leurs subdivisions se confondissent. Telle était la hiérarchie observée dans la milice permanente du duc Charles, qui se composait de 1250 hommes d'armes, dont chacun avait sous lui trois archers à cheval, un arbalétrier, un coulevrinier et un piquenaire à pied, tous gens choisis. L'homme d'armes devait avoir un harnais complet et être monté de trois chevaux, dont le moindre valût trente écus. Il était tenu d'avoir au moins une selle de guerre et un chanfrein (1) orné de plumes blanches et bleues comme la salade ou le casque, ce qui tenait lieu d'uniforme et d'autres signes de reconnaissance. « Le coustillier, dit l'ordonnance de 1471, » sera armé par devant de placquart blanc à tout arrest, » et le derrière sera de brigandine (2), et s'il ne peut >> trouver le dit habillement, se pourvoye de corset

(1) Le chanfrein qui était ou de métal ou de cuir, servait d'arme défensive au cheval, il lui couvrait la tête par-devant, et c'était comme une espèce de masque qu'on y ajustait.

(2) Voy. plus bas.

» blanc à tout arrest: et s'il ne peut recouvrer que » brigandines pour la première monstre, soit fourni » d'un placquart dessus à tout arrest, et sera l'un des >> trois habillements souffisant pour ledit coustillier. » Son habillement de tête sera d'une bonne salade et » d'un gorgerin ou houscou, aura petit garde-bras, » avant-bras, gantelets ou mitons (1), selon l'habille>> ment du corps qu'il pourra recouvrer, et aura aussi » bonne javeline a façon de demy lance qui aura poi» gnée et arrest de lance, avec une bonne espée de » moyenne longueur, qui soit destre et de taille pour » soy en aider à une main, et bonne dague à deux tail»lans d'un pied d'alemelle.

» L'archer sera monté sur un cheval de dix escus du » moins, habillié d'un jacque (2) a hault collet en lieu de » gorgerin (3) a tout bonnes manches, haubergerie (4) >> dedans ledit jacque, qui sera de douze toiles du moins, » dont les trois seront de toile cirée, et les autres neuf >> d'autres toiles communes; aura bonne salade sans » visière, bon arc et bonne trousse de deux douzaines

(1) Gants, mitons, mitaines.

(2) T. IV, p. 386.

(3) Hausse-col en fer qui garantissait la gorge.

(4) Mailles légères.- Le hauber (auber, haubert) était une chemise de mailles, longue jusqu'aux dessous des genoux, du mot albus, parce que les mailles de fer bien polies, fourbies et reluisantes en semblaient plus blanches. Cette chemise n'avait pas toujours la longueur que lui assigne Faucher, et à l'époque dont nous parlons, elle l'avait, je crois, entièrement perdue. On appelait aussi le hauber, brugne. Du Clercq dit, T. IV, p. 304, qu'aux obsèques de Philippe, à Bruges, il y avoit quatre rois d'armes embrungnes, et le Glossaire explique embrungnes, par de couleur sombre, de deuil, p. 384. N'est-il pas plus naturel de lire en brugnes, c'est-à-dire, revêtus de leurs brugnes ou hauberts?

» et demie de fleches, une bonne longue espée a deux » mains, avec une dague a deux taillans, de pied et demi » d'alemelle (1) et s'il advient que a la premiere monstre » qui se fera, il y ait aulcuns archiers qui, pour la briefté » du temps ou autrement, ne puissent recouvrer l'ha>> billement tel que dit est, viennent à la premiere mons>> tre habilliés de brigandines (2) ou de jacques, au mieux » et le plus honnêtement qu'ils pourront, et pour cette >> fois mondit seigneur s'en contentera, pourveu qu'ils >> promettront et se obligeront que a la seconde revue ils >> seront tous habilliés de la manière dessus ditte.

» Les coulevriniers, arbalestriers et picquenaires seront » de pied et auront les habillements tels qui s'en suivent: >> à savoir, le coulevrinier un haubergeon (3), l'arba» leștrier un haubergeon et le cret (4), et le picquenaire » un jacque ou haubergeon, lequel qu'il voudra, et s'il » choisit le haubergeon, il aura avec un glaçon (5); et >> auront habillement de teste chascun selon son cas.

» L'homme d'armes a trois chevaux, habillié comme » dessus, aura pour mois de gages quinze francs de >> trente-deux gros le franc, et les trois archers à cheval >> habillies, comme dit est, feront une paye, et auront » semblablement quinze francs par mois, qui est a

(1) Alumelle, lame. V. plus baut.

(2) Armure légère, faite de lames de fer jointes et qui servait de cuirasse. Originairement, dit M. Roquefort, on nommait brigands les soldats qui portaient cette armure; et comme ceux que la ville de Paris sou oya en 1356, pendant la captivité du roi Jean, commirent une infinté de vols, on désigne ainsi depuis, les voleurs et les coquins. (3) Haubert plus léger.

(4) Peut-être de crista; ce serait le capuchon de mailles attaché au hanbert.

(5) Sorte de casaque.

>> chascun cinq francs, ditte monnoye : le coulevrinier » et l'arbalestrier auront chascun quatre francs par mois, >> et le picquenaire deux patars par jour.»

La paie du conductier était de cent francs de trentedeux gros par mois, avec la paie de sa lance (1). Le dizenier recevait neuf francs outre sa paie qui lui était faite en pietres de 18 sols pièce, au lieu de francs de 32 gros, et le chef de chambre était payé de la même manière, moyennant quoi les conductiers, dizeniers et chefs de chambre n'avaient pas le droit de rien prélever sur les compagnons (2). Le duc Charles avait un armurier en titre qui se faisait appeler noble homme. C'était Alexandre du Pol, natif de Milan. Il avait 120 écus de pension, s'était établi à Dole et obligé à fournir par an, cent cuirasses de guerre complètes, au prix de 15 écus, pièce, et cent corselets, au prix de 4 écus (3),

Du Clercq observe quelque part que les bons archers étaient rares en Bourgogne (4). Mais les coustilliers et les hommes d'armes y étaient en réputation. On ne redoutait. pas moins les piques de Flandre, appelées goedendag, parce qu'elles donnaient un terrible bonjour.

A grand bastons pesans ferrés,
Avec leur fer agu devant

Vont ceux de Flandre recevant,
Tiex baston qu'ils portent en guerre
Ont nom Godendac en la terre ;
Godendac c'est bon jour à dire,
Qui en françois le veut descrire:

Cils bastons sont longs et traitis

Pour ferir à deux mains faitis, etc.

(1) V. plus bas ce qui est dit des monnaies.

(2) Mém. pour servir à l'histoire de France et de Bourgogne, p. 286.

(3) Ibid. 277.

(4) T. IV, p. 181.

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