Imágenes de páginas
PDF
EPUB

C'est ainsi que s'exprime Guillaume Guiart à propos de la bataille de Courtrai, en 1302, où les Flamands repoussèrent les Français, principalement avec cette arme (1). Du Clercq décrit également «< la pique qui est un bas»ton (arme) de la longueur d'une lanche d'homme d'ar>> mes; mais elle est plus menue ferrée et acherrée au >> debout, et sont très dangereux bastons (2). »

Après la bataille de Mont-le-Hery, le duc de Calabre amena aux princes ligués, dont le comte de Charollois était l'ame, <«< une maniere de gens non armés, que on ap>> pelloit SIMPLES, lesquels estoient moult hardys gens(3). »

L'armure des hommes d'armes fut long-temps d'un poids énorme; on l'avait reprise sous Charles IX et Henri III, et Lanoue se plaint qu'un jeune gentilhomme a trente cinq ans estoit tout estropié des épaules, d'un tel fardeau (4). Olivier de la Marche nous fournit de cette pesanteur un exemple que nous rapporterons d'autant plus volontiers, qu'il appartient aux vingt années des Mémoires de Du Clercq. Dans une rencontre durant la guerre contre les Gantois, Adolphe de Clèves et Corneille, bâtard de Bourgogne, poursuivirent trop vive¬

(1) DANIEL, Histoire de la Milice française. Paris, 1721. T. I, P. 435.

(2) T. II, p. 25.

(3) T. IV, p. 181,

(4) XVe Disc. Milit. Montaigne lui-même a fait un chapitre sur ce sujet, c'est le ge du livre II. Il y cite ces vers de Claudien in Ruff. Livre II, v. 358 et seqq., qui peignent merveilleusement un ancien homme d'armes à tout ses bardes:

Flexilis inductis animatur lamina membris,
Horribilis visu ; credas simulacra moveri
Ferrea, cognatoque viros spirare metallo :
Par vestitus equis, ferrata fronte minantur,
Ferratosque movent, securi vulneris, armōs.

ment l'ennemi. Le gouverneur du bâtard courut après lui et l'arrêtant : « Comment, monsieur, voulez-vous » par votre verdeur et jeunesse, mettre ceste noblesse en » danger, qui vous suit a pié, a pesantes armes et par » telle chaleur, qu'il faut les plusieurs porter et sou

tenir par les bras? vous devez être le chastel et le » fort où tous les autres se doivent rassembler et forti» fier, et l'on ne vous peut consuyr ne ratteindre : et >> certes si les ennemis retournoyent et vous trouvoyent >> en tel travail et desroy, cette vaillance vous seroit » tournée a honțe, par le dommage qu'a vostre cause » pourroit avoir la campaignie (1). »

Toutes les précautions étaient prises pour les hommes d'armes en qui reposait l'espoir du succès. C'était avec la cavalerie qu'on faisait la guerre ; on n'en savait pas assez pour sentir que l'infanterie la fait.L'épaisse encolure des chevaux de Flandre convenait parfaitement à cette pesante gendarmerie, aussi étaient-ils très - recherchés. Equorum robore, dit Marchantius, ad ferendam panopliam agilitate et forma præstantium adeo ut pulli aliundè adducti, ex tenui origine grandescant et deformi enitescant (2). La Hollande et la Frise disputaient cet avantage à la Flandre; les foires de Valkenburg sont encore renommées.

Quant à la tactique, Du Clercq ne rappelle jamais que l'ordre en trois batailles. Les manoeuvres et évolutions n'étaient cependant pas négligées, car les mêmes ordonnances militaires de Charles de Bourgogne prescrivent aux conductiers (ou capitaines) chefs d'escadre (d'escouade) et de chambre, étant en garnison, d'exercer

(1) Liv. I, ch. 25. (2) Fland., p. 14.

[ocr errors]

leurs gens quelquefois tout armés, quelquefois seulement du haut de la pièce, c'est-à-dire de la cuirasse et de l'armet, à combattre avec la lance en se tenant serrés, à s'éparpiller, puis à se rallier ensuite. On voit par cette ordonnance que les archers mettaient souvent pied à terre, qu'alors leurs chevaux s'abridaient trois à trois, que les chevaux des archers les suivaient dans le combat, lorsqu'ils en descendaient, que l'office des pages des gens d'armes était de conduire les chevaux ainsi abridez, et enfin que les pages, les chevaux des archers, et les archers mêmes étaient derrière les picquiers ou enfermés dans les bataillons ronds ou carrés des picquiers. On ne peut douter qu'il n'y eût aussi quelque exercice pour l'infanterie, car on en formait des bataillons, comme on le voit par la bataille de Bouvines, et en d'autres occa→ sions (1).

Le tableau de la maison du duc Philippe qui fait suite à cette dissertation, instruira de l'état de l'artillerie et du génie sous son règne. On sait que les canons furent d'abord de fer; Louis XI en fit faire douze de fonte, auxquels il donna les noms des douze pairs, et dont un fut pris à Mont-le-Hery. Le plus gros dont il soit fait mention dans l'histoire de France, était de 500 livres de balles; il fut fondu à Thours, sous Louis XI, et portait depuis la bastille jusqu'à Charenton. Du reste, il est probable qu'on donna d'abord le nom de canon, non-seule→ ment aux grandes pièces d'artillerie, mais encore aux armes à feu d'un très-petit calibre, que l'on pouvait porter et remuer avec la main, telles que les crapaudaux, coulevrines (2), dont au rapport de Juvenal

(1) DANIEL, ubi supr. p. 378.
(2) T. IV, p. 382.

des Ursins, il y avait 4000 dans l'armée du duc d'Orléans, sous Charles VI. Quant aux canons proprement dits, ils étaient fort mal entendus. Dans nos anciennes villes de Flandre, on en rencontre fréquemment qui servent de bornes le long des rues; ils sont longs et minces presque sans culasse, et garnis de cercles, Dans un MS d'Othéa, déesse de prudence, avec des gloses par J. Mielot, et qui est à la bibliothèque de Bourgogne, une miniature représente un canon très-long et qui va en s'élargissant à partir de la culasse, qui par conséquent manquait de résistance; il est cerclé et couché immédiatement sur une planche presqu'horizontale, traînée par deux roues. Des boulets qui semblent être de gré sont figurés auprès (1). La chambre étant creusée en cône, ces boulets devaient flotter en partant, et n'avoir qu'une très-petite portée. Un autre canon, de la même forme, également de fer et dessiné dans le II° vol. de la traduction MS des Chroniques de J. de Guise, s'appuie sur une planche qu'on lève ou qu'on abaisse à l'aide d'une cremaillère qui en forme le train et permettait de mirer. Il est dit dans l'histoire de Charles VI, sous l'an 1385, que les pièces de canon du fort de Dam en Flandre, assiégé par ce prince, venaient jusqu'à ses tentes, mais cela doit s'entendre de mortiers, car les canons véritables n'auraient pu porter si loin.

L'exagération du calibre était un effet de l'ignorance. Du Clercq rapporte que Mahomet II avait, au siége de Constantinople, une grosse bombarde de métail tout d'une pièce, tenant pierre de douze poulces et quatre

(1) « Et treuverent les Gantois en ordonnance a toute artillerie et pavais (boulets) devant eulx. » CHASTELAIN, Hist, de J. de Lalain, ch. XCI.

doigts de tour, et pesant mille ou huit cents livres (1). Le nombre des coulevrines des infidèles est porté à 40,000, ce qui est sans doute très-exagéré, mais n'en confirme pas moins ce que nous avons avancé plus haut.

Dans un autre endroit notre auteur donne aux Turcs six bombardes de trente-trois quartiers de long sur sept quartiers de hauteur (2); de telles armes, si elles existaient, étaient plus embarrassantes qu'utiles.

Louis XI ne fut pas le seul qui fit fondre un canon gigantesque. Antoine de Lalain qui a laissé une relation manuscrite du voyage fait par Philippe-le-Beau en 1501 et 1503(3), rapporte au 30° chapitre, que le roi des Romains donna à l'archiduc une grosse bombarde qu'il fallut atteler de 38 chevaux, afin de la transporter; les autres pièces d'artillerie dont il parle en cet endroit sont nommées hacquebutes, serpentines, mortiers et cour

tauts.

Qu'on nous passe une conjecture. L'Arioste donne la première arme à feu connue, à un roi de Frise. Cette fiction ne reposerait-elle pas sur une croyance populaire qui attribuait aux Belges l'invention de l'artillerie? Birène fait ainsi la description de cette merveille :

Porta alcún' arme, che l'antica gente

Non vide mai, nè, fuor ch' a lui, la nova ;
Un ferro bugio, lungo da due braccia,
Dentro a cui polve ed una palla caccia.
Col foco dietro, ove la canna è chiusa,
Tocca un spiraglio che si vede appena ;
A guisa che toccare il médico usa

(1) T. II, p. 168.

(2) T. II, p. 221.

(3) MS sur papier, 96 feuill. in-4°. L». L.

T

« AnteriorContinuar »