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de Genevoys et aussi manda messire Hugue son oncle, le signeur de Faucigny et le signeur de Gex lesquels s'assemblèrent dans la ville d'Annessye d'où ils chevauchèrent jusqu'à Rumillyer et firent deux parts de leurs gens, l'une pour courre vers Ballon et l'autré vers Gaillard et autres places perdues.

Le comte Edouard sceut cette armée, manda toutes ses garnisons et dist à messire Galloys de la Baume: »Il nous faut aller à l'encontre de mon nepveu et sy me griève, mais à cette fois je suis deslibéré de montrer à messire Hugue de Genève sa folie et son petit gouvernement. Or ça il ne faut plus séjourner.« Sy partirent à la minuit de Genève et furent au point du jour à Salanove. Le Conte Amé sachant que le conte Edouard le venait combattre gagna le sommet du mont du Mortier. Et à ce cop le conte Edouard étoit deja au bas de ce mont. Chacun des deux côtés fit de ses gens deux batailles. Le comte Edouard fut longuement attendant que les Genevois descendissent, mais ils se tenoient sans desrangier. Quand le comte Edouard vit ce, il fit signe à cent hommes de cheval qui tous les lances sur la cuisse férirent en la première bataille du comte Amé de Genève. Là commença escarmouche moult aspre des Genevois et des Savoisiens, et en tant qu'elle duroit, le conte Edouard monta par ung à pied le mont de Mortier avec les gens de sa bataille. Les Genevois moult vaillamment rebouttèrent les Savoisiens et les fisrent dévaller. Mais le conte Edouard ralliait ses gens et la meslée fut dure des deux côtés. Les deux parties avoient leurs bannières ruées par terre, si qu'il n'y avait plus de cognoissance d'enseignes. Lors un chivallier d'Allemaigne nommé monseigneur Frichz des comtes de Letz se mit à redresser la bannière du conte de Genève; mais monseigneur Guillaume de Mons, vaillant et notable chivallier du Pays de Vaudz le vint heurter si fièrement que le rua à revers sur la terre et fut fort blessé. Et puis monseigneur Guillaume de Mons le brant d'acier en main frappant à destre et à sénestre fit tant qu'il releva la bannière de Savoie. Et quand se virent les seigneurs de Savoie, ils se rallièrent tous et mirent les ennemis en fuite. Et se retirèrent en grand

tristesse à Annessye le comte Amé, son oncle et les seigneurs de Faucignye et de Geix. Et quand Dame Agnès de Savoie les vit, elle dit: »Vous n'avez voullu croyre; or çà il n'y a plus que de quérir à luy et à son pays les remèdes honorables et proufitables. a

8. Comment le Comte Edouard alla assiéger le chateau de Varey appartenant à messire Hugue de Genève.

Le comte Edouard fut moult joyeux de la victoire du mont de Mortier. Il envoya lettres partout pour pousser la guerre plus loin et manda à tous ses signeurs, parens et alliés qu'ils soyent à un jour nommé à Bourg en Bresse. Son nepveu le comte d'Auxerre, son cousin Robert fils du comte de Bourgogne, le comte de Beaujeu et le comte de Quibourg "), le signeur

et

69) Cette participation de Seigneurs de l'Helvétie allemanique dans les guerres des comtes de Savoie et des comtes de Genève n'est pas justifiée par l'histoire. Le Chroniqueur est fidèle à son plan qui consiste à donner à la maison de Savoie le plus grand nombre possible de tenans et de vassaux. Ces guerres, du reste, pour les détails, ont été assez fidèlement racontées par Spon, par ses successeurs, par les historiens du Pays de Gex et des contrées voisines. Mais ces récits, qui tous ont la Chronique pour base, avaient fini par s'en éloigner tellement qu'il importait de revenir à la source originale, au texte pur de la Chronique que Champier et Paradin après lui avaient déjà rendu méconnaissable dans leurs Chroniques imprimées. Pour les détails topographiques qui concernent les divers faits de guerre narrés par le Chroniqueur, on n'a qu'à comparer notre texte avec les récits des historiens de Savoie et de Genève. Ces événemens ont acquis dans l'histoire locale une sorte de popularité qui dispense de plus amples éclaircissemens.

Quand on sait comment la féodalité avait disposé irrégulièrement dans nos contrées alpestres et Jurassiennes, si accidentées, les domaiDes de chaque seigneur, quand on se figure leurs possessions enchevêtrées les unes dans les autres, on a aussitôt la clé de toutes ces petites guerres privées qu'ils se faisaient incessamment. Ainsi les comtes de Genève, ceux de Savoie avaient des terres dans le Dauphiné, et de leur côté les Dauphins, par le mariage de Guigues VII avec Béatrix, héritière de Faucigny, étaient venus à posséder dans nos contrées de châteaux et des territoires disséminés. De tous ces

d'Arberg et le comte de Neufchastel et plusieurs autres de contrées lointaines vinrent volontiers là servir pour la vaillance et largesse. Il manda aussi le comte de Gruyère, le signeur de la Tour, le signeur d'Avanche et finalement tous les chevaliers du pays de Vaudz. L'ordonnance faite, ils vinrent devant Varey où ils mirent le siège.

Le signeur de Tournon, qui cappitaine de Varey étoit durant les trèves, manda à messire Hugue de Genève que s'il ne venoit le secourre dedans quinze jours, il fallait qu'il se rendit. Messire Hugue était déja tout prêt et son neveu le conte de Genève avec luy. Il avait à son aide le dauphin Jean de Chalon et un capitaine de compagnie, qui s'appeloit le grand Chanoine, et d'autres seigneurs du pays un grand tas, tellement qu'il se sentit puissant. Et aussi s'assemblèrent les Genevois et Dauphinois sur la plaine et sur le port d'Aloettes jusqu'à la mire d'Ambrunays. Le conte Edouard et ses signeurs se mirent à aller à l'encontre. A celle pugnée les gens du conte Amé de Genève repoulsèrent les Savoysiens jusqu'au pavillon du conte Edouard. Or avoit en la compagnie du comte Edouard ung homme appelé le Brabançon lequel estoit monté sur un destrier legier, lequel rompit par trois fois l'echelle de l'avantgarde du Dauphin. Or dit un capitaine du Dauphin, qui étoit le seigneur de Vaux du Royaume, au grand Chanoine qui portait une grande barre de fer: »Je suis marry de celuy homme qui

points de contact, de toutes ces juridictions bigarrées résultaient d'incessantes occasions de guerre.

Remarquons encore que les actes législatifs de Saint Louis, qui avait usé de l'autorité de son nom vénéré pour interdire les guerres particulières entre les seigneurs, n'avaient point eu de prise dans les pays reculés qui servaient de théâtre à ces querelles armées des comtes de Savoie, de Genève et des Dauphins. C'était en vain que monarques et pontifes cherchaient à intervenir pour arrêter cette humeur belligérante. Le mal était inhérent au sol et il était plus fort que tous les palliatifs. Cela dura jusqu'au règne du comte Amé V qui sut habilement tirer parti de ces luttes intestines qui étaient devenues un besoin, pour affaiblir et ruiner ses adversaires l'un par l'autre et pour réunir en une seule ces petites suzerainetés ennemies au sein de nos montagnes.

» tant de maux nous fait. Il seroit bon pour toy et pour moy » qu'il fut occis.« Adhonc vint le Brabançon passer par devers eux, et alors le grand chanoyne le voyant haulça la barre de ferre et frappa si durement sur la teste du destrier que rien ny valut le chanfrein d'acier que mort ne cheust à terre. Adhonc le seigneur de Vaux descendit hativement de son cheval et alla tuer le brabançon sous son destrier dont après il fut fort blåmé parcequ'il ne le print pas prisonnier.

9. De la prinse du Conte de Savoie et de la bataille
obtenue par le Dauphin.

Durant cette bataille un homme d'armes nommé Haulberlon de Maillier pressa si fort le comte Edouard qu'il le print prisonnier et le mena hors de l'estour de la bataille. Mais le seigneur d'Entremont et messire Hugues de Bozesel tant surent faire qu'ils remontèrent leur seigneur à cheval et lui firent passer le pont d'Ains, et retournèrent à la bataille, après avoir leur seigneur sauvé, mais furent prins avec plusieurs autres, car la bataille fut moult cruelle et y demeurèrent plus des Savoisiens que des autres. Après ce fut fait le buttin et le chastel de Varey fut renforcé et là demora monseigneur Hugue de Genève, et le dauphin en son pays, et le comte Amé de Genève vint à Anessye où il conta sa venture à sa mère qui ne s'en esjoyt ni dollut.

10. Comment le comte Edouard alla pour avoir secours en Bour

gogne, en Bretagne et en France et mourut à Paris 70).

Le conte Edouard étant vaincu devant Varey fit voeu à Dieu qu'il se mettroit en peine et travail pour soy venger. Pour laquelle occasion alla vers le roy de Françe. Mais quand il fut arrivé à Paris il ne peust parler à luy à cause de la destresse angoysseuse qu'il portoit en son coeur, tellement qu'il en mourut. Ses gens l'embausmèrent et confirent en espices et le firent porter en une tombe de plomb à Hautecombe. Et pour ce qu'il

70) Charles IV, le Bel, était mort en 1328. Philippe VI de Valois était roi de France en 1329.

Hist. Archiv X.

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mourut sans enfans måles fut baillé l'anneau de St. Maurice aux seigneurs et barons du pays lesquels l'eurent en garde jusqu'au renouvellement de l'autre conte qui fut son frère le conte Aimon.

Le dit conte Edouard mourut l'an mil CCCXXIX sous Loys de Bavière eleu empereur et soubs Charles roy de France.

XIV. Chronique de Aimon 71).

1. Comme le duc de Bretaigne voulut avoir la comté de Savoie.

Or i avint que estant mort le conte de Savoie Edoard, sans mâles héritiers, Dame Marguerite sa fille, femme du duc de Bretaigne, transmit en Savoie ses ambassadeurs pour prendre possession de la Conté. Les ambassadeurs chevauchèrent à Chambéry où se tenoient alors les trois Etats lesquels prinrent avis et conseil et répondirent par l'archevêque de Tharentaise que la coutume du Conté de Savoye n'a pas usance de cheoir en quenouille tant qu'on puisse trouver aucun hoir mâle quelqu'il soit. » Et là, Dieu merci, dit l'archevesque, nous avons Messire Aimon, frère du feu conte Edouard, et après lui messire Philippe, prince de la Morée, et encore messire Loys de Savoie, seigneur de Vauldz. A cette reponse retournèrent les ambassadeurs en Bretaigne dont le duc et sa femme ne furent mye bien contens.

Les trois états envoyèrent ensuite querre messire Aimon en Avignon où ils le trouvèrent menant grand deuil et vestu de noir, et le menèrent à Chambéry où par le commun conseil fut deslibéré qu'il auroit l'anneau de St. Maurice. Et enfin

71) La Chronique ne raconte guère d'Aimon que ses prises d'armes contre le Dauphin Guy VIII, tué sous le château de la Perriere, et la paix ménagée par le roi de France entre lui et le successeur de ce Dauphin. Les autres faits du règne de ce prince, sa combourgeoisie avec Berne en 1330, sa médiation entre cette ville et celle de Fribourg, et d'autres faits importans sont omis par le Chroniqueur. Aimon ne mourut pas en 1342, mais en 1349, durant la vacance de l'empire.

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