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moyennant certaines finances qu'il reçut, le duc Jehan de Bretagne fit quitter à madame Marguerite les droits qu'elle prétendoit avoir.

Après que le comte Amé eut accordé avec sa nièce de Bretaigne, il espousa Yollande, fille de Messire Théodore, second fils de l'Empereur Manuel de Constantinople, lequel avoit été receu marquis de Montferrat. Cette Yolande, qui venoit du légitime lignage de l'Empire de Grèce, fut moult aymée de ses sujets, car elle leur donnait moult volontiers leurs nécessités comme de boire, de manger, et vestir et chausser et plusieurs autres douceurs. Advint une fois que la bonne dame enfanta un dernier fils duquel elle mourut et le fils aussi après son baptême.

2. Comment le comte Aimon fit alliance avecques le comte

de Genève.

Cependant Gygne, dauphin du Viennois, se glorifioit beaucoup pour la victoire devant Varray, et malmenoit fort les gens des frontières de Savoye qui étoient misérables et n'étoient vestus les plus riches que de drap de bureau et de gros poil de chèvre. Et le comte leur dit qu'avant peu il les vengerait. Lors manda messire Philippe de Savoie, prince de la Morée, messire Loys, seigneur de Vaulx, et tant fit le comte Amé qu'il eut devers lui le comte de Genève son neveu lequel lui fit hommage de la dite conté. Quand il eut fait ainsi son amas de gendarmes, il alla mettre le siège devant le chastel de Monthouz, et avait avec lui beaucoup d'Allemands et de Bourguignons ").

72) Par Allemands il faut entendre essentiellement des Bernois. Les princes de Savoie, depuis qu'ils avaient établi dans le Pays de Vand une branche cadette de leur famille, celle des Barons de Vaud, qui étaient pour eux comme une sentinelle avancée du côté de la Suisse, avaient changé leurs rapports avec les villes de l'Helvétie. Indirectement et par crainte des Habsbourg-Autriche ils poussaient à l'émancipation des villes. Edouard se fit recevoir Bourgeois de Fribourg; Aimon recut la bourgeoisie de Berne en 1330 (Anshelms Bern-Chronik T. 1.) afin que l'affection que ses ancêtres portaient à cette ville et »à ses bourgeois ne périt pas." Ainsi les rapports avaient changé et

Ce chasteau était échu au Dauphin avec la baronnie de Faucigny par la mort du seigneur de Faucigny lequel estoit décédé sans enfans, et le dauphin l'avoit donné à son frère messire Humbert de Viennois. Ce dit chastel grevoit fort au pays et à ceulx de Genève. L'assault fut moult âpre, et quand ceux du dedans virent qu'ils n'étoient pas les plus forts, ils se rendirent au dit conte qui de là retourna à Genève.

Le dauphin Guygne fut moult courroucé de la prinse du chasteau de Monthouz, et le fit reprendre par un sien parent, messire Hugue de Genève. Le comte Aymé étoit pour lors en la ville de Seyssel où lui vint la nouvelle de la reprise de ce chastel. Puis manda messire Amé de Genève qui lui amena grande multitude de gens d'armes de quoi le comte Aimon de Savoie fut moult content et mit ses gens en belle ordonnance pour batailler. Messire Hugues de Genève étoit au chateau qui regardait le conte mettre en ordre ses gens. Sy ordonna ses gens sur le Molart de Monthoux. Quand le conte Aimon vit ce, il dist: » Or ça, il faut essayer si nous pourrons mêler » à nos ennemis sur cette motte.« Et ce il fut fait et se mirent à entrer sur eux valleureusement, mais ils furent reçus de leurs ennemis, qui l'avantage avoit du haut et les rebouttèrent bien le trait d'un arc et là fut prins messire Jehan de Savoie et

les comtes de Savoie commençaient à traiter d'égaux ceux dont ils avaient été les seigneurs. Ce mouvement est curieux à étudier de bonne heure, car il sert plus tard à introduire Berne au coeur des Etats de Savoie. En attendant, les Bernois commençaient leur apprentissage de guerriers héroiques dans les armées de Savoie. Peu avant Laupen on les trouve mêlés à toutes les entreprises des comtes de Savoie. Guichenon dit en parlant d'Edouard : >> Ce prince fit une faute contre la véritable politique des Souverains en ce qu'il avait reçu assistance des Bernois dans la guerre contre le Dauphin Viennois. Il leur donna, la liberté et de seigneur qu'il étoit à cette ville se contenta d'en être l'allié."

Plus tard les Bernois servirent encore d'une manière plus efficace les successeurs du comte Edouard surtout dans leurs guerres d'Italie et pour les entreprises sur Milan. (Voyez Lettres du pape Felix V à Louis de Savoie publiées par nous d'après les archives de Genève.)

plusieurs autres. Ce véant les comtes de Savoie et de Genève, ils délibérèrent ou de morir ou de les secorir. Et recommença la mêlée si dure que les Dauphineus furent déconfits et resta le champ aux Savoisiens. Messire Hugue de Genève prit le parti de soy retraire avec un page et s'enfuit à Saint Iore.

Ne demeura guère après la déconfiture de Monthoux que le dauphin se vanta qu'il viendroit mettre le feu aux bourgs de Chambéry, pourquoi le comte Aimon considérant qu'il ne saurait venir à Chambéry que par deux côtés, c'est assavoir entre Montmélian et Aspremont, il ordonna être édifiés deux forts chasteaux, l'un les Marches et l'autre les Mottes. Quand le dauphin sceut ces forteresses il n'osa plus venir à Chambéry accomplir ce qu'il s'étoit vanté.

5. Comment messire Hugue de Genère prit Ville grand.

Messire Hugue de Genève, moult despité de la honte qu'il avoit eue à Monthouz, se partit de Faucigny et s'en vint devant le chastel de Ville-grand qu'il prit à force, puis le brûsla et se partit avec ses gens si que les contes de Savoie et de Genève ne le purent avoir pour lors. Mais firent reffaire la ville et le chasteau..

4. De la venue du Dauphin à la Pierrière.

D'autre côté ceulx du Dauphiné en grand despit des forteresses que le conte de Savoie avoit fait bâtir, vinrent pour prendre une forteresse nommée la Perryère et dressèrent leurs engins car le Dauphin y vint à toute sa puissance. Et subitement ayant mis un ermet en tête, il alloit avisant la forteresse et devisant comme il la pourroit avoir. Mais partit du chastel par une fenestre un trait d'arballete lequel férit le dauphin au milieu du front et tomba mort à terre. Et ainsi mourut le dauphin Guygne. Là dedans la forteresse étoit capitaine Jean de Verbon avec le chatelain Aymo de la Motta, Perceval de Villars, les deux bastard de Seyssel et d'Aigremont et jusqu'à cent et trente gens de bien et nobles hommes qui mirent un des leurs dehors la nuit pour avoir secours du conte de Savoie,

mais las il fut prins des ennemys. La presse des Dauphinois fut si grande, après la mort du Dauphin, que ceux du chasteau durent se retraire au donjon et sur le plus haut étage de la tour. Quand ils furent retraits les Dauphinois bouttèrent le feu aux trois étages dessoubs, mais au quatrième ne purent venir. Au troisième jour les gens de siège ordonnèrent miner la tour pour la faire sauter tout en un tas, et ceux du chastel voyant qu'ils n'avaient nul secours parlementèrent et se rendoient leurs vies sauves. Mais quand ils furent tous avallés (descendus) en la basse cour, et étoient devant le seigneur d'Albannoys, lors s'esmeurent les communes et comme chiens enragiés les vinrent tuer et copper par pièces, tellement que un seul n'en échappa, voulsissent ou non la gentilesse. Et puis de là se partirent et allèrent querre en Faucigny le signeur Humbert, frère du dauphin Guygne et le menèrent au Dauphiné où fut fait Dauphin.

Devant ce temps règnoit encore pape Benoit XII en Avignon, lequel fit savoir au roy de France Philippe les grands maux qui étoient à tous ces pays à cause de la division du comte Aimon et du Dauphin. Le roy pourpensa d'y mettre paix et accord, et les fit venir à Lyon en un jour donné, ordonnant que chacun eut deux arbitres et après plusieurs allégations, demandes, répliques, dupliques et repliques, la paix fut apointée et prononcée et fut la feste grande. Dès lors le comte Aimon se mit å mener en son pays bonne et sainte vie, restaurant églises et chasteaux. Or après ces choses il ly print une griève maladie dont mourut laissant son héritier Amé monseigneur son fils et fit ses tuteurs Loys de Savoie, seigneur de Vauldz, son cousin germain et le comte Amé de Genève son nepveu, en l'an de grâce mil C.C.C. XLII.

XV. Chronique

du Comte Amé (VI) dit le Comte Verd").

Peu après print une griève maladie à monseigneur Loys de Vauldz dont mourut, et le conte de Genève voulut avoir seul

73) Amé VI, dont le règne est l'un des plus importants de cette

la tutele tout à part soy. Mais les barons et les nobles et les trois états se mirent contre, considérant les anciennes inimitiés d'entre les signeuries de Savoye et de Genevaix. Et ainsi fut avisé que monseigneur Guillaume de la Baume fut principal gouverneur, de quoi le conte de Genève fut mal content.

Quand le nouvel conte de Savoie eut vingt ans, il fut un beau prince, haut et droit, bien formé de membres. Cestui jeune conte avoit une seur nommée Blanche laquelle fut mariée à messire Galeache, viconte et seigneur de Millan et de Pavie ""). Et en ces entrefaites messire Guillaume de la Baume se pensa aussi de marier le conte avec noble dame Marguerite, fille au duc Philippe de Bourgogne qui à cause de sa femme étoit conte

histoire, naquit en 1334, devint comte en 1343 et mourut en 1383, après avoir vécu 50 ans et règné 40 ans. Le Chroniqueur commence son récit par la manière dont le comte de Genève fut éloigné de la tatèle d'Amé VI, et les conflits qui résultérent de ce fait, qui est révoqué en doute par Guichenon. Cet historien donne des preuves du maintien du comte de Genève à cette tutèle; mais il fut quelquefois en désaccord avec le conseil de régence.

Les dissensions du Vallais, qui donnèrent lieu à l'intervention armée d'Amé VI dans cette contrée, eurent lieu en 1350. Le chroniqueur confond cette campagne avec celle de 1376 pour le rétablissement d'Edouard, évêque de Sion. En 1350 le comte Verd se plaignait de ce que les Vallaisans avaient maltraité quelques uns de ses sujets et entravé les relations commerciales entre la Savoie et l'Italie par le Simplon. Mais le vrai motif était l'ambition.

Les autres faits de cette chronique, l'acquisition de Gex, la guerre avec le Dauphin et Hugue de Genève, les faits d'armes de 1354, la vente du Dauphiné faite par Humbert II à la France en 1343 et les tentatives que fit Amé VI pour l'empêcher, sont en général d'accord avec l'histoire, de même que la célèbre expédition de Grèce en 1366. Nous avons passé rapidement sur cette dernière partie de la Chronique d'Amé VI qui n'entre pas dans notre plan, ainsi que sur l'aide qu'il douna à Naples à Louis d'Anjou qui avait été investi de ce royaume par Urbain VI. On sait qu'il y mourut de la peste en 1383 au milieu de ses succès.

74) C'est ce mariage qui ouvrit la porte aux prétentions des comtes de Savoie à la souveraineté de Milan.

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