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fractionnée et subordonnée aux immunités dont jouissaient quelques grands monastères.

Ne pouvant exercer personnellement son ministère sur l'ensemble de ses sujets et de ses ouailles, il confiait l'administration des premiers à de châtelains et celle des secondes à des vicaires qui l'exerçaient chacun dans des arrondissements limités et déterminés, comme l'étendue même de leur juridiction.

Mr. Rheinwald, professeur à l'université de Berne, a publié en 1845 un mémoire sur le liber marcarum de l'Evêché de Bale, dans lequel on voit qu'elle était l'ancienne division spirituelle de ce diocèse. Chacune de ces divisions avait un rôle ou constitution qui était plus ou moins différente, qu'on rapportait ou qu'on lisait à des époques déterminées, lorsque le vicaire ou le délégué de l'évêque faisait la visite des paroisses, et chaque paroisse avait encore un autre rôle ou constitution particulière qu'on rapportait annuellement dans l'assemblée tenue par le curé 3).

Dans les prévôtés de Moutier-Grand-Val et de Saint-Ursanne c'étaient les prévôts de ces chapitres qui présidaient les assemblées et faisaient les visites paroissiales. Dans le chapitre rural de Salignon, le décanat du Salsgau, ce démembrement de l'ancien comté ou gau de Sornegau, la présidence et le droit de visite appartenait à l'archidiacre de Moutier. D'où lui venait ce droit? nous l'ignorons; mais il semble par les termes des actes qu'il le tenait plutôt d'une ancienne prérogative de l'abbaye de Grand-Val que du bon vouloir de l'évêque 4). Dans les autres décanats il y avait également des vicaires délégués par l'évêque pour la visite des églises et la tenue des plaids.

3) A la même époque on tenait le plaid général ou devaient assister les habitans d'une province, et les plaids particuliers propres seulement à quelques villages. Le premier était le champ de Mai, les grandes assises, les débris du mallus primitif.

Dans les Statuts du chapitre de Moutier-Grand-Val confirmés en 1765, mais rappelant avec soin les plus anciens documens, usages, conventions etc., il est dit au chapitre les attributions de l'archidiacre: Cum de tempore immemoriali archidiaconus Eccl. Colleg. Monasterii Grandis Vallis visitator fuerit Capituli ruralis Salisgaudiæ.

Il est probable que dans les anciens tems ces fonctions s'exerçaient sans ostentation et en toute simplicité, comme il appartenait aux successeurs des pauvres disciples de Jésus-Christ. Mais au moyen-âge les dignités ecclesiastiques étant le plus souvent le partage de la noblesse, qui en tirait de gros revenus, les prélats revêtus de hautes fonctions et jouissant des grandes. richesses, auraient cru déroger s'ils n'eussent pas eu une suite proportionnée à leur naissance et à leur fortune. C'est pourquoi les anciens rôles nous font voir le prévôt et l'archidiacre de Moutier-Grand-Val faisant leurs visites pastorales accompagnés de nombreux chanoines, de chapelains, de valets, de chevaux, de chiens et d'oiseaux de chasse et occasionnant dans les paroisses des frais considérables et fort onéreux 5).

La tenue des plaids paroissiaux se faisait naturellement avec plus de simplicité. Le curé annonçait trois dimanches à l'avance quel serait le jour de l'assemblée. L'une, qui était obligatoire, avait lieu vers les fêtes de Noël et les autres quand il survenait des cas pressants. Sous peine d'amende chaque paroissien devait assister au plaid. Cette obligation était la même pour les plaids civils et l'on sait qu'aux tems celtiques le dernier arrivé aux grandes assemblées était puni de mort.

A l'ouverture des assises paroissiales on rapportait les us et coutumes du lieu, puis le curé interrogeait les paroissiens, appelés quelques fois les fils de l'église, sur les infractions commises contre ses droits et les articles du rôle durant l'année courante; chacune de ces infractions était punie d'une amende fixée à l'avance, jamais moindre de 60 sols de Bâle ou environ 5 fr. 57 centimes de notre monnaie. Les variations sur la valeur rela

5) En 1677, plus d'un siècle après la réformation qui avait fait abandonner le résidence de Moutier au chapitre de ce nom, le prévôt allait encore tenir le plaid civil de Bépraon, pauvre petit village de la prévôté, avec une suite de sept chanoines, tous à cheval et accompagnés de leurs valets. A ce plaid assistaient encore les 7 jurés de la mairie de Moutier et le maire portant le sceptre de la justice, non compris le greffier. Tous dinaient ensemble et occasionnaient de grands frais. Archives de Moutier.

tive de l'argent n'étaient point admises et pendant des siècles les taxes restèrent les mêmes.

Dans le principe il est probable que les paroissiens faisant l'office des jurés déterminaient le montant des amendes, mais dans des tems plus récents, et déjà au 15me siècle, ils n'étaient plus appelés qu'à décider si le cas était amendable oui ou non.

On ne voit pas que le curé ait rendu compte à l'évêque ou à aucun supérieur du résultat de la tenue des assises, parceque les jugemens qu'on y rendait ne dépassaient pas sa compétence. Mais par contre les vicaires délégués par l'évêque, l'archidiacre de Moutier chaque année bisextile, faisaient des rapports sur leur visites pastorales et plaids paroissiaux et l'on en trouve un bon nombre aux archives qui pourraient donner lieu à d'intéressantes publications 6).

Nous avons recueilli plusieurs rôles des églises de l'ancien Evêché de Bâle, dont quelques-uns portent la date du 15me siècle et la plupart des autres appartiennent au siècle suivant, quoiqu'on en ait fait usage jusqu'en 1792.

Un des plus anciens de notre collection est le rôle de Tavanne du 24 février 1463. Il n'offre rien de bien saillant; on voit seulement que les paroissiens de ce lieu étaient tenus aux mêmes charges et obligations que ceux des paroisses des décanats de Salignon et d'Elsgau.

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Le curé devait recevoir chez lui le prévôt de Moutier-GrandVal et toute sa suite d'hommes et de chevaux. Il était tenu 'de lui servir à boire et à manger sur une belle table couverte d'une nappe blanche. Les amendes du plaid servaient à couvrir les frais de reception, mais si elles étaient insuffisantes le prévôt

6) M. Meyer, curé de St. Jean à Fribourg, a publié une notice fort curieuse sur ce sujet dans les archives de la Société d'histoire du Canton de Fribourg. 2me cahier. Ce qu'il nous dit de l'état des églises avant le 16me siècle se retrouve en grande partie dans les actes des visites pastorales de l'Evêché de Bâle. Seulement dans notre contrée les églises étaient plus solidement et plus convenablement bâties, comme nous le disons dans la notice historique sur les anciennes églises de l'Evêché de Bâle.

devait être assez noble pour délier sa bourse et ne point laisser le curé en perte.

Le prévôt, dans les années bisextiles, et le curé durant les autres années percevaient les amendes pour toutes les infractions au rôle, soit les 60 sols pour les cas d'adultère, les faits de sorcellerie et d'hérésie, les inobservances des jours fériés etc., ainsi que les 4 pots de vin des jeunes gens accusés de fornication.

Les paroissiens étaient tenus à beaucoup de prestations envers le curé, nommé par l'abbaye de Bellelai. Il paraît qu'à l'époque de la réformation lui et le prévôt s'étaient montrés fort exigents et sévères pour la perception des droits, puis que les habitans de Tavanne s'en plaignirent à l'Etat de Berne, en 1528, lui écrivant que tous les ans une fois ils les assemblaient à l'église et leur ordonnaient très expressement de déclarer s'ils étaient adultères ou paillards ou s'ils avaient commis quelques actes sécrèts, et les plaignants priaient Berne de venir à leur aide en vertu des traités de combourgoisie 7). On voit par diverses pièces au débris des archives de la prévôté de Moutier que selon l'esprit du tems le peuple entendait alors secouer le joug pesant des charges imposées par le clergé, sans en distinguer l'origine, la nature et le plus ou moins de justice, et qu'avec les amendes des plaids paroissiaux il prétendait se débarrasser des dimes, des censes, des corvées et enfin de toutes les prestations pour le culte et le clergé. Berne envoya le bouillant Farel dans le Val de Tavanne. Son action fut si prompte, sa parole si énergique que le curé de Tavanne s'enfuit de l'autel encore revêtu de ses ornements sacerdotaux et que le peuple ayant mis aux voix s'il voulait abolir la messe et prendre un prédicant se prononça séance tenante pour le dernier.

Mais peu d'années après les archives de Moutier nous apprennent que le prédicant exigea de ses paroissiens l'acquit des dimes, des cens et des prestations dont avait joui le curé, se

7) Ruchat hist. de la réformation t. II. p. 42, prévôté de Moutier.

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déchargeant par contre des repas et autres petits avantages que ce dernier faisait aux paroissiens, en sorte que ceux-ci dans un de leurs écrits disent, qu'ils sont grandement ébahis que le prédicant ait ainsi abandonné les usages de ses prédécesseurs en ce qui concernait ses obligations pour ne se souvenir et n'éxiger qu'avec dureté les prestations qu'ils avaient cru abolir en embrassant la réforme 8).

Les rôles de cette paroisse àprès la réformation renferment les mêmes dispositions que les anciens pour tout ce qui concerne les prestations étrangères au catholicisme même. Nous pourrions faire des citations absolument semblables pour plusieurs autres paroisses de cette contrée.

Le Rôle de Roggenbourg 9), petite paroisse à une lieue et demie de Délémont et dépendante autrefois du chapitre de St. Léonard de Bâle, renferme des détails assez intéressants pour les publier en entier. Il est ainsi conçu:

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L'an mil cinq-cent et cing ont été assemblé toute la communaulté et le curé de Rokemberg et ont choisi de tous iceux ceux qui sont cy après nommés à ce qu'il déclarent les articles suivants, comme ils les ont entendus de leurs antecesseurs, tous les ans, concernant les choses chrétiennes, avant et tant qu'ils les ont eu en usage et comme en ont jour leurs pères. Ce fut fait le premier mardi après la conception de Nostre-Dame, anno Domini mil-cinqcent-cinq et étaient présents à ces choses: Jean Schuemacher, Maurice André d'Ederschwiler, Thiebaud Halbeisen de Rokemberg, Kyry le tourneur de Rokemberg, Jacque Philippe, Jean André Klein de Rokemberg, Conrad Philippe d'Ederschwiler.

Sequuntur articuli:

Item. Nous avons le droit, suivant l'ancien usage, qu'en l'année

8) Archives de la prévôté de Moutier et de Bellelai, diverses pièces d'écritures et encore en particulier un mémoire de l'année 1605,

9) Roggenbourg, aussi Rokemberg, était compris dans le décanat da Salsgau. Cette paroisse se composait des villages de Roggenbourg et d'Ederschwiler, avec quelques métairies éparses dans cette chaîne de montagnes. Autrefois le village de Kiffis, bâti de l'autre côté de la Lucelle, térritoire français, en faisait aussi partie.

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