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En effet, il se forme habituellement beaucoup plus de vapeurs sur mer que sur terre. Cela doit être, et l'observation le confirme; car, dans nos climats, les nuages qui produisent la pluie nous arrivent presque toujours des mers les plus voisines. Or, chaque jour, au lever du soleil, cette immense couche de vapeurs qui repose sur la surface de la mer, éprouve une raréfaction subite, l'équilibre se trouve rompu, et aussitôt une brise de mer commence à s'établir. Le soir, aux premières fraîcheurs, ces mêmes vapeurs subissent une grande condensation; une partie même retombe à l'état liquide. La condensation est moindre sur le littoral parce qu'il y a moins de vapeurs; ainsi l'équilibre se trouve rompu en sens inverse, et il s'établit pendant la nuit une brise de terre.

M. le professeur Fournet a cru devoir expliquer les brises de montagnes d'une manière différente. Voici ce qu'il en dit dans le savant Mémoire que nous avons déjà cité, page 68: « Dès que le soleil commence à « éclairer une cime, il détermine l'échauffement de «sa surface, et par suite une raréfaction dans la <<couche d'air en contact. Celle-ci s'envole alors pour « faire place à la tranche suivante, qui subit la même <«<loi; ensorte que de proche en proche dans la ma<«< tinée, l'aspiration tend à se transmettre jusqu'à la << plaine. Cependant le soleil s'abaisse aussi graduel<<<lement sur celle-ci, et dès lors le résultat inverse

<< aurait lieu, puisque la plaine s'échauffe plus que la << sommité, s'il n'était prédominé par une cause plus « énergique, qui résulte de l'élancement du cône << montagneux dans la région atmosphérique. Ses << flancs solides, opaques, à teintes plus ou moins << sombres, absorbent et répercutent avec force les << rayons calorifiques, et échauffent par conséquent <«< plus fortement la couche d'air ambiante que ne «< peut l'être une couche située à égale hauteur dans << l'atmosphère diaphane; de là une raréfaction, une << ascension continue, et par suite un flot montant qui «<lèche constamment la surface de la montagne. »>

Deux raisons principales nous ont déterminé à donner la préférence à l'opinion que nous avons cru devoir adopter.

1° Il est établi que les variations thermomètriques se font entre des limites extrêmes plus rapprochées sur les montagnes que dans les plaines; on n'est donc pas fondé à supposer qu'il puisse se développer dans la bande centrale une chaleur plus intense et une dilatation atmosphérique proportionnellement plus grande que dans les deux autres.

2o Selon l'opinion adoptée par M. Fournet, dans la vallée de Maurienne, par exemple, le courant diurne devrait commencer à Lanslebourg et non à Aiguebelle; or, l'expérience paraît prouver le contraire. Il est bien reconnu que le soleil se lève chaque jour

dans les plaines une heure ou une heure et demie avant de pénétrer dans les vallées de montagnes. Nous l'avons observé d'une manière très-sensible le 14 juin 1840. Parti de St-Jean-de-Maurienne à 4 heures et demie du matin, nous sommes arrivé à Argentine à 6 heures et demie ou 7 heures. Partout sur la route, àu Pontamafrey, à La Chambre, à La Chapelle et à Epierre, nous avons vu la fumée étalée dans la direction de St-Jean à Aiguebelle, ce qui prouvait évidemment la continuation de la brise de nuit. A Argentine nous avons été atteint par les premiers rayons du soleil. Presque aussitôt la fumée a commencé à varier, et après quelques moments d'hésitation elle s'est étalée en sens contraire. D'Argentine à Montmělian nous avons ressenti continuellement la brise diurne d'une manière très-sensible. Or, lorsque le revirement s'est fait à Argentine, toute la vallée de Maurienne, depuis là jusqu'au Mont-Cenis, était encore ombragée. Il paraît donc démontré par cet exemple que l'ébranlement de la colonne d'air dans ce cas doit être attribué à une impulsion qui a lieu à l'extrémité inférieure de la vallée, et non à une sorte d'aspiration qui aurait lieu à son extrémité supérieure.

Nous avons déjà remarqué que les glaciers des Alpes ne paraissent point étrangers à la production du phénomène dont il est ici question; mais nous croyons

devoir ajouter, en terminant cet article, qu'ils n'en sont pas la cause unique, parce qu'il est reconnu que les brises périodiques se manifestent aussi autour des montagnes moins élevées qui ne sont surmontées d'aucun glacier (1).

(1) Ce Mémoire a été lu dans la séance du 4 décembre 1840, par Mgr BILLIET, Archevêque de Chambéry, Président perpétuel honoraire de la Société.

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