Imágenes de páginas
PDF
EPUB

AU-DESSUS DU NIVEAU DE LA MER

POUR SERVIR DE BASE

A UN NIVELLEMENT BAROMÉTRIQUE DE LA SAVOIE

Par M. l'Abbé Chamousset

PROFESSEUR DE PHYSIQUE AU GRAND-SÉMINAIRE DE CETTE VILLE.

1. La forme sphéroïdale de la terre et des autres planètes paraît avoir été déterminée par les mêmes lois. Cette forme diffère peu de celle qu'un corps fluide ou flexible, et doué d'un mouvement de rotation sur lui-même, prendrait par l'action composée de la pesanteur et de la force centrifuge. L'effet de ces deux forces a été modifié par des causes perturbatrices et particulières à chaque planète, dont les progrès des sciences naturelles, et surtout de la géologie, sont appelés à nous révéler le secret.

2. Si la terre avait d'abord été à l'état liquide et soumise seulement à la première de ces forces, ses diverses parties cédant à l'attraction qui anime tous les éléments de la matière, se seraient rapprochées et disposées de manière à produire une sphère parfaite,

comme le ferait une goutelette de mercure ou de rosée, si, soustraite entièrement à l'action de la terre, elle n'obéissait qu'à la cohésion de ses molécules. La pesanteur, en effet, a eu la principale influence sur la forme de la Terre, et les observations nous apprennent qu'elle est à très-peu près une sphère de 6366200 mètres de rayon, ou 40000000 de mètres de circonférence. Quelque grandes que soient ces dimensions, la courbure de la Terre devient sensible pour des distances qui ne sont pas très-considérables: soit T la Terre, dont le centre est en C, un œil placé en o à la surface d'un lac ou d'une mer, ne peut voir qu'une très-petite partie de cette surface et n'aperçoit aucun des objets situés au-dessous du plan horizontal bo b'. Pour que le rayon visuel puisse atteindre un objet a, il est nécessaire que l'œil s'élève au moins jusqu'en h, sur le prolongement de la tangente o h (1).

(1) Soit h la hauteur oh, D la distance oa ou ha des deux stations, et 2 R le diamètre ter restre, on a, d'après un problème de géométrie :

h:D :: D : 2 R + h. (a).

d'où h=R2 + D2

R.

Lorsque la distance D n'est pas très-grande, la hauteur h est très-petite par rapport au

T C

h

[ocr errors]

Un calcul très-simple montre que l'œil doit être à un mètre au-dessus de l'eau pour qu'il puisse apercevoir un point de la surface distant de 3568 mètres. Cette distance n'est pas beaucoup plus grande que la plus grande largeur du lac d'Annecy. La hauteur à laquelle l'œil doit s'élever pour qu'il puisse voir des points de la surface de l'eau, situés à différentes distances, croît à peu près proportionnellement au carré de ces distances, quand celles-ci ne sont pas trèsgrandes.

La longueur du lac du Bourget, mesurée sur la carte de M. Raymond, est d'environ 16600 mètres : ce nombre vaut 4, 65 × 3568. En élevant 4, 65 au carré, on trouve qu'une personne qui voudrait observer depuis Voglans, à l'aide d'une lunette, ce qui se passe sur les bords du lac, à Châtillon, devrait se placer au moins à 21m 62 au-dessus du niveau de l'eau, et que, si la lunette était à la surface de l'eau, son prolongement ne rencontrerait que les objets qui seraient élevés au-dessus du niveau de l'eau du même

diamètre terrestre, le dernier terme 2 R + h de la proD2. portion, peut se réduire à 2 R, et l'on a h=

2 R

D'après la carte de M. Raymond, la plus grande largeur du lac du Bourget est d'environ 2900 mètres ; celle du lac d'Annecy d'environ 5400 mètres. On a, dans le premier cas, h=0m 66, et dans le second h=0m 91.

nombre de mètres. Ces exemples donnent une idée de la courbure moyenne de la Terre. Les résultats que j'ai cités ne peuvent cependant être regardés comme exacts qu'en supposant que dans notre pays la forme de la Terre n'a aucune de ces irrégularités l'on rencontre souvent à sa surface.

que

Admettons encore que la Terre soit exactement sphérique dans la partie de l'Europe que nous habitons; si, dans la formule (a) de la note 1, on met à la place de R sa valeur, qui est environ 6366200 mètres, et à la place de h la hauteur du Mont-Blanc au-dessus de la mer, qui est de 4810m 7, on trouve que cette montagne se cache entièrement derrière la convexité de la terre, à une distance D égale à 247540 mètres, ou à environ 55 lieues de 25 au degré. Cette distance, qui est à peu près celle du Mont-Blanc à Nice, surpasse d'environ 5 lieues celle du Mont-Blanc à Gênes; elle est inférieure de plus de 14 lieues à celle du Mont-Blanc à Marseille. Il est donc invisible depuis cette dernière ville. Son sommet est sur le prolongement de l'horizon de Nice, et très-près de ceux de Gênes, Plaisance, Milan, Zurich, Freybourg, Dijon, St-Etienne, Avignon, etc. On pourrait donc, avec de bonnes lunettes, voir une partie plus ou moins grande du géant des Alpes, en s'élevant sur les montagnes qui sont dans le voisinage de la plupart de ces villes; car, pour quelques-unes,

d'autres montagnes interposées arrêtent les rayons que les glaciers du Mont-Blanc leur envoient. Du reste il y aurait beaucoup de difficultés à le distinguer des autres objets placés à l'horizon; tous les pics qui couronnent le Mont-Blanc se présenteraient comme un seul point. Dans le cas même où la Terre serait plane, et par conséquent où cette montagne serait visible toute entière depuis sa base, deux lignes menées à l'œil de ses deux extrémités, ne formeraient, à la distance de 247540 mètres, qu'un angle de 1o 6' 5. Le sommet du Mont-Blanc ne serait donc élevé que de 1o 6' 5 au-dessus de l'horizon; la montagne ne produirait sur la rétine qu'une image moindre que celle qui y serait produite par un objet d'un pouce de haut, que l'on regarderait à une distance de 4 pieds.

3. Le mouvement rapide de rotation qui fait décrire à la Terre une circonférence entière dans l'intervalle de 23 h. 56' 068, produit la force centrifuge. Cette force tend sans cesse à éloigner les molécules terrestres de l'axe de rotation; elle agit sur chaque molécule proportionnellement au rayon du cercle que chacune décrit ; elle augmente depuis les pôles, où elle est nulle, jusqu'à l'équateur, où elle atteint son maximum. Si donc la Terre a jamais été liquide, elle a dû s'aplatir vers les pôles et se renfler vers l'équateur. En appliquant les principes de l'hydrostatique

« AnteriorContinuar »