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Fier, n'a été contredite par aucun auteur de quelque importance, et qu'il est probable que la voie suivait la vallée des Usses, qui renferme plusieurs vestiges des Romains.

Le dissentiment des géographes sur les deux portions de route dont nous venons de parler, doit être attribué à ce qu'ils n'ont pas eu connaissance de plusieurs routes secondaires qui ne sont point mentionnées dans les itinéraires, mais dont l'existence est prouvée par les vestiges de ces chemins, qui se voient encore, soit à travers la grande chaîne des Alpes, soit sur divers points de la Savoie, tels que les collines des Bornes et de Montmayeur, les gorges du Fier, la vallée de Thône, etc. Comme quelques-uns de ces vestiges se rencontraient à peu de distance des grandes voies romaines, les géographes en ont conclu qu'elles avaient dû passer dans leur voisinage immédiat. C'est ainsi que le pont St-Clair et l'inscription de Tincius Paculus, les ont persuadés que la route de Darantasia à Genève devait passer par l'entrée de la vallée de Thônes. L'antiquité de quelques souvenirs de Chevron leur a de même fait croire que c'était le Casuaria ou Cesvaria des itinéraires, sans qu'aucun ait songé que le village de Césarches, qui se trouve entre Conflans et Ugine, présentait bien plus d'analogie dans le nom et correspondait bien mieux à la distance des itinéraires romains.

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On ne peut blâmer ces auteurs d'avoir supposé que les traces d'antiquités romaines dont nous avons connaissance, étaient placées dans le voisinage des voies romaines; mais ils ont eu tort d'en tirer même la simple présomption que ces voies étaient les routes militaires dont les itinéraires nous ont conservé la direction; car les routes secondaires étaient bien plus multipliées que les voies de premier ordre. Il est digne de remarque que les vestiges de ces voies de seconde importance n'existent presque plus que sur les sommets ou plateaux des collines, et qu'ils aient disparu en général sur les flancs des montagnes, sauf en quelques points, où le chemin a été taillé dans le roc vif. Cette circonstance s'explique facilement par le mouvement continuel de descente, qui entraîne les terrains inclinés. Il n'est presque pas de vieillard dans nos campagnes qui n'ait conservé le souvenir de quelque éboulement considérable ou de la formation de quelque ravin profond. Il est donc très-peu surprenant que pendant la succession de 50 à 60 générations, la plus grande partie des routes romaines tracées sur les pentes des monts et des collines, se soit éboulée sur le sol inférieur, ou ait été recouverte par la chute des terrains supérieurs.

La chaîne de montagnes qui borne au couchant la vallée de Chambéry, et se trouve placée entre Lemincum et Augustum, n'a guère que 22,000 toises, ou 9

à 10 lieues communes de longueur entre le canal de Savière et la gorge des Echelles, et cependant elle était très-vraisemblablement traversée par plusieurs voies de construction romaine. Maintenant on y compte quatre passages accessibles ou aux voitures ou aux bêtes de somme.

Le premier de ces passages est le Mont-du-Chat, connu dans les chartes du moyen-âge sous le nom de Mons Munni. Quelle que soit l'étymologie de ce nom (question que je ne veux pas aborder, pour ne pas avoir à discuter toutes les absurdités qui ont été écrites à ce sujet), on ne peut révoquer en doute l'existence d'une route romaine à travers cette montagne. Les restes d'antiquités trouvés sur la route de Chambéry au sommet du col, c'est-à-dire à Servolex, à Etrembray, au Bourget et sur la sommité du passage, ne peuvent laisser aucun doute à cet égard; il faut encore leur ajouter l'existence, attestée par plusieurs personnes, des vestiges d'une ancienne route qui s'élève sur le flanc oriental du Mont-du-Chat, beaucoup au-dessus des contours ou tourniquets actuels, dont la pente était beaucoup moins rapide que le chemin qui existait il y a 20 ans, et dont la direction ferait supposer que la montée commençait vers le Bourget, et traversait des pentes et des éboulis, qui sont maintenant trop escarpés pour qu'il fût possible d'y tracer un grand chemin, ni même un simple

sentier. Il est avéré que pendant les travaux de la route actuelle, les ouvriers qui y étaient employés trouvèrent une pierre chargée d'une inscription, qui n'a pu être lue par personne, car ceux qui l'avaient trouvée la précipitèrent dans le lac aussitôt après. Quant aux ruines d'édifice qu'on voit au bord du chemin qui traverse le col, que MM. Wickam et Cramer (1) ont pris pour les restes d'un ancien temple, il paraît, d'après des fouilles récentes, que ce n'était qu'une chapelle du moyen-âge, qui a vraisemblablement donné son nom à la petite commune appelée Chapelle-du-Mont-du-Chat, quoique son église actuelle soit bien au nord du passage.

Le second chemin qui traverse la même chaîne de montagnes est celui d'Espine ou de l'Espine. Celui-ci est beaucoup plus élevé que le Mont-du-Chat, et sa hauteur au-dessus du niveau de la mer est bien supérieure à celle qui lui a été attribuée dans les tables hypsométriques de M. de Candolle; ce qui n'a pas empêché d'Anville d'y placer la grande voie romaine, et de retrouver la station de Lavisco dans le bourg de Novalaise. Outre l'autorité du premier des géographes français, on peut dire en faveur de cette opinion, que la distance de 14 milles que donnent les itinéraires

(1) Dissertation sur la route d'Annibal, etc.

entre Lavisco et les deux stations voisines, est à peu près celle qui sépare Novalaise d'Aoste et de Chambéry, et ce n'est que par une erreur très-notable que MM. Wickam et Cramer ont voulu attaquer le système de d'Anville, en affirmant qu'il n'y a que 10 milles romains entre Chambéry et Novalaise. On peut ajouter à ces considérations l'inscription portant le nombre III, dont il est fait mention dans les Mémoires de cette Société (tome IX, p. 22), inscription qui se trouve assez exactement à 3 milles romains de Novalaise. Quelque impraticable que soit cette route dans ce moment, on doit reconnaître qu'elle a été considérablement dégradée depuis un demi-siècle; car, vers l'année 1750, on passait encore la montagne d'Espine avec des chariots traînés par des bœufs. On voit même, par la largeur que la route conserve encore sur quelques points et par la construction des ponts qui la traversent, qu'avant la révolution cette route était regardée comme plus importante que celle du Montdu-Chat. Il paraît que la partie supérieure de ce chemin, du côté de Chambéry, a été détruite par des éhoulements comme sur la montagne d'Aiguebelette, et qu'on y a pratiqué en remplacement des contours très-rapprochés, qui sont beaucoup plus étroits et escarpés que la partie inférieure de la route. Au surplus, ce passage étant continuellement dégradé par les eaux, et n'étant jamais réparé, deviendra bientôt

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