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tisme? C'est donc une gloire réelle pour les hommes de lettres de Savoie d'avoir toujours conservé ce caractère d'attachement à la foi de nos pères, même dans les temps les plus difficiles. Qu'on se rappelle le 16 siècle, lorsque l'esprit de la Réforme envahissait la moitié de l'Europe et partageait les écrivains en deux camps presque égaux; non-seulement il n'y eut en Savoie aucune défection chez les écrivains ecclésiastiques, mais les auteurs profanes eux-mêmes, comme Favre, et plus tard St-Réal, publièrent des ouvrages. de controverse en faveur de la foi catholique. Enfin, au dernier siècle, lorsque, si près de nous, trois générations suc

cessives ont fait au christianisme une guerre active et incessante, guidées au combat par la portion la plus nombreuse, et, il faut bien l'avouer, la plus habile des gens de lettres et des savants, on ne peut compter aucun homme distingué de

notre pays qui se soit enrôlé sous ce drapeau. Loin de là, deux hommes se sont rencontrés parmi nous qui, de l'aveu général, se sont placés au premier rang des défenseurs du Christ. L'un, qui a honoré la pourpre plus encore que la pourpre ne l'a élevé, a défendu la vérité avec tout l'ascendant que lui donnait la réputation d'un des plus grands géomètres et des premiers métaphysiciens de son siècle; l'autre, armé de toute la puissance d'une érudition qui étonne la pensée, et s'appuyant sur une renommée littéraire devenue européenne, a pris courageusement l'offensive; il a attaqué l'école voltairienne corps à corps; il a osé arracher de son front cette auréole de suprématie littéraire qu'elle avait usurpée, et la changer en couronne d'ignominie, et tous les peuples ont applaudi à son audace. Il ne m'appartient pas de le louer, mais je crois que nul plus que lui n'a accéléré

le mouvement de réaction qui a renversé le voltairianisme, et n'a eu plus d'action sur la jeunesse actuelle.

<< Vous savez tous, Messieurs, combien d'autres écrivains, dans nos provinces et dans cette enceinte même, ont élevé leurs voix pour les saines doctrines, et je n'en parle que pour constater l'universalité des sentiments religieux parmi les gens de lettres savoisiens. Si quelques hommes d'un talent reconnu ont, dans les temps orageux d'où nous sortons, affiché hautement des sentiments opposés, leur nombre si faible, qu'à peine il autorise à se servir du pluriel pour en parler, et plus encore la déconsidération morale qui s'est mêlée à leur réputation littéraire comme la fange à l'eau de la source, font de ces exceptions presque inaperçues la confirmation la plus forte de mon assertion. Bien plus, s'ils ont formé le déplorable souhait que leur mémoire passât à

la postérité avec le souvenir de leur inimitié envers le trône et l'autel, ils n'ont pu réussir dans leur vou. Une fatalité (que je ne saurais nonimer malheureuse) a égaré leur science dans des objets de détail et dans des travaux sans intérêt ; ils ont été connus de leurs contemporains comme des hommes de haut savoir; mais nos neveux ignoreront leurs noms. Rien, parmi nous, ne porte malheur aux talents comme de débuter par une marche en sens inverse des sentiments et des croyances du pays, et si nous cessions jamais d'exiger le respect pour nos sentiments et nos croyances, alors ce serait malheur à nous.

<< Maintenant il me suffit de constater avec quelle difficulté les opinions antireligieuses ont pris jusqu'ici racine dans cette contrée, soit qu'il y ait quelque chose dans l'atmosphère morale de notre patrie qui étouffe leur développement,

soit plutôt qu'il existe dans la race qui habite nos montagnes, un instinct inné de fidélité, qui repousse tout genre d'infidélité.

<< Cette explication me paraît très-soutenable telle peuplade est connue par sa

:

disposition à se vanter, telle autre par la propension à mentir, une autre par l'inconstance de ses sentiments; pourquoi la nôtre ne serait-elle pas caractérisée par la constance des siens ? Le chantre d'Armide dit, en parlant d'une province de France: La terra molle e lieta, e dilettosa, simili a se gli abitator produce. Pourquoi nos neiges éternelles et nos inébranlables rochers n'enceindraient-ils pas un peuple également immuable dans sa foi politique et religieuse? Puisqu'on nous accorde un amour d'instinct pour notre pays, n'accordera-t-on pas le même caractère instinctif à la fidélité, qui est, chez nous, plus forte que l'amour même du pays? Si l'on

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