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en doutait, je pourrais citer un fait mémorable, qui serait ignoré s'il n'avait été tiré de l'oubli par le marquis de Costa; car, jusqu'à lui, l'histoire de notre patrie a été livrée à la plume vaniteuse et partiale des historiens d'un pays voisin. Je veux parler de ces soldats du régiment de Maurienne, qui, licenciés jusqu'au printemps, dans la retraite de 1792, abandonnèrent tous leurs familles et leurs foyers occupés par l'ennemi, sans savoir s'ils pourraient jamais les revoir. Pas un ne manqua à l'appel au jour fixé, et cependant ils ne s'étaient pas concertés! Quelle impulsion autre qu'une fidélité sucée avec le lait maternel a pu inspirer à la fois à un millier de jeunes gens une abnégation aussi évidente de leurs intérêts personnels, et leur a fait quitter leur patrie en bravant les plus affreux sentiers des Alpes et le danger de la rencontre des troupes françaises.

Enfin, ce qui, plus que tout autre argument, prouve la nationalité de cet instinct de double fidélité, c'est que les gens de lettres naturalisés dès l'enfance en pays étrangers, et qui ne tenaient à la Savoie que par leur naissance ou leur origine, ont conservé toute leur vie les mêmes sentiments. On me demandera peut-être de prouver ce que j'avance! ma preuve ? c'est Ducis, le plus beau caractère d'homme de lettres du 18e siècle, dit un de ses biographes, qui, fidèle à son attachement pour Louis xvii, dont il avait été secrétaire, refusa, bien que sans fortune, la place de Sénateur, offerte par Napoléon, et qui accepta de la Restauration la croix de la Légion, qu'il avait constamment refusée sous l'Empire; qui, fidèle à la religion et à la scène française, dont il fut le quatrième maître, fréquentait avec une égale assiduité l'église de sa paroisse et le théâtre, et dont le lit de

serge était décoré à la fois d'un bénitier, d'un Christ et du buste d'un poète tragique; ma preuve ? c'est Michaud, qui, élevé dans une province où la Révolution fut saluée avec un enthousiasme général, sut résister au torrent qui l'enveloppait, et braver les proscriptions et l'exil pour rester fidèle à la cause des Bourbons et de la Religion, à laquelle il consacra sa plume et sa vie entière. C'est tant d'autres enfin, qu'il me serait facile de citer, si je ne m'apercevais qu'il est temps d'arriver à la fin de ce discours, quel que soit le charme que j'éprouve à dire, au milieu de vous, du bien de mon cher pays. »

Biographie.

S. Exc. M. le comte Avet, membre de la Société, a fait lire, dans une de ses séances, un article nécrologique sur M.

le marquis d'Alinges. L'éloge d'un homme qui n'a usé d'une grande fortune que pour faire du bien à ses semblables, et surtout à ses compatriotes, le souvenir d'un nom qui se trouve partout mêlé avec honneur aux annales de la Savoie, ont, sous la plume de l'habile écrivain, vivement excité l'attention des auditeurs.

Dans son discours de réception, M. J. Bonjean a fait l'éloge de M. Bise, ancien professeur de belles-lettres, bibliothécaire de la ville de Chambéry et membre de la Société académique. Homme simple, laborieux, désintéressé, M. Bise ne devait qu'à lui-même l'instruction qu'il semblait n'avoir acquise que pour la communiquer aux autres. Littérateur modeste, professeur dévoué, il sé fit autant d'amis qu'il avait eu d'élèves. Il est décédé le 29 novembre 1841.

Une des pertes les plus sensibles qu'ait faites la Société est celle de M. le docteur Gouvert, décédé le 22 mars 1842. Médecin distingué, philosophe observateur, agronome plein de zèle, M. Gouvert réunissait un ensemble de connaissances qui se trouvent rarement dans la même personne. Membre de la Chambre de Commerce et d'Agriculture, vice-président de l'Académie, membre de la junte provinciale de statistique, médecin des hospices et de presque tous les établissements publics de la ville, il appartenait encore à toutes les administrations, et par son activité il suffisait à tout.

Usé par le travail bien plus que par les années, atteint d'une maladie cruelle et qu'il savait incurable, il adoucissait encore les souffrances de ses derniers jours par l'étude et les consolations que procure la religion à ceux qui voient fuir

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