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mois. Ses députés essayèrent de rassurer le chapitre sur les intentions des Clévois et des Français: le seigneur de Longueval, l'ambassadeur de France, avait lui-même déclaré au duc que son souverain respecterait le territoire des Liégeois, si ceux-ci, de leur côté, gardaient la neutralité. Ils invitaient donc les chanoines à s'entendre avec Longueval 1.

Indécis et inquiets, le chapitre et le prince-évêque consultèrent Marie de Hongrie. La gouvernante répondit 2 qu'en embrassant la neutralité, les Liégeois violeraient le traité de 1518, mais elle permit de donner à la duchesse de Clèves un sauf-conduit pour traverser la principauté. L'empereur, ajoutait-elle, s'était imposé de grands sacrifices pour défendre ses alliés et principalement les Liégeois; l'équité commandait que ceux-ci participassent aux frais de la guerre commune. Ils devaient se défier des belles paroles du roi de France et lui répliquer qu'ils ne pouvaient dénoncer le traité de Saind-Trond. La conduite de François Ier justifia les soupçons de la gouvernante, car, quelque temps après cet échange de notes diplomatiques, les Français attaquèrent brusquement le Luxembourg 3. Les Liégeois étaient plus que jamais autorisés à décliner toute proposition de neutralité; en gens avisés, ils démêlèrent les intentions de leurs prétendus amis et se rappro

Dans le carton n° I des Documents relatifs au pays de Liège se trouve une pièce intitulée : « Ce que les députés de Clèves ont exposé pour leur crédence au chapitre de Liège. » Cette pièce n'est pas datée, mais elle doit avoir été expédiée dans le courant du mois de juin de 1542, car elle porte en margele double en a esté envoyé à l'empereur le dernier de juin 1542 »; et elle doit être antérieure au 24 du même mois, puisque c'est ce jour-là que le chapitre députa Guillaume de Poitiers vers la gouvernante pour connaître sa décision.

La réponse de Marie de Hongrie, datée du 27 juin, se trouve dans le carton n° 1.

Carton no 1, passim, et Lettres de Marie de Hongrie à divers (vol, I, p. 144), dépêche de Corneille de Berghes à Marie de Hongrie, du 22 juin 1542. Tous les documents relatifs à la neutralité liegeoise, en 1542 et en 1543, se trouvent dans le carton no I.

chèrent de Marie de Hongrie. Les ambassadeurs belges, Lannoy et Nigri, trouvèrent même le prince-évêque disposé à recevoir les soldats impériaux. Aussi demandèrent-ils qu'on envoyât des hommes d'armes pour fermer la principauté aux Gueldrois et secourir les Liégeois 1.

Deux jours plus tard, les trois états répondirent à de Lannoy et à Nigri qu'ils s'en tenaient au traité de 1518 2, mais ne jugeaient pas opportun d'attaquer les Gueldrois ou les Clévois, dont ils n'avaient appris aucun acte hostile, à moins que la reine de Hongrie ne les déclarât ennemis publics. Ils remerciaient cette princesse de ses offres de secours, secours qu'ils réclameraient en cas de besoin, et demandaient seulement qu'on envoyât à Maestricht 300 ou 400 chevaux, et quatre ou cinq enseignes de piétons à Limbourg et dans les Etats voisins, afin de les mettre en mesure de repousser les envahisseurs.

Les Liégeois, remarquons-le, n'avaient pas rejeté formellement les offres de neutralité du duc de Clèves. Ils s'excusèrent de leur timidité auprès de Marie de Hongrie. L'archidiacre de Hainaut, Gilles de la Blocquerie, le sire de Chockier, Guillaume de Champion, échevin de Liège, représentèrent que leur circonspection avait été dictée par la crainte de voir leur pays envahi, et que la gouvernante ferait bien de consulter Charles-Quint sur la neutralité offerte par le roi de France 3. Quant au reste, ils

Rapport de Philippe de Lannoy et de Philippe Nigri, du 13 juillet 1542 (voir carton I, cité plus haut). L'évêque leur avait répondu « qu'il tenait que le pays dudit Liège ne se voulloit départir de l'alliance estant entre lempereur et ledit pays.»

Voir dans le carton n° 1 la pièce intitulée : Sommaire de la réponse que les états de Liège ont donnée à M. de Molembais (Philippe de Lannoy), et chancelier de l'ordre sur leur intention, 17 juillet 1542.

La reine devra avertir l'empereur « de la neutralité que de par le roy de France a esté présentée audit pays avec asseurance entretenir bonne paix, amitié et voisinance avec icelluy pays, comme avec les autres subjects au Saint Empire en cas d'acceptation dicelle neutralité et des menaces de guerre et hostilité faire au contraire ». Voir, dans le carton n° I, l'instruction de par les états de Liège pour l'archidiacre de Hainaut, etc., ce xv août 1542.

respecteraient l'alliance de 1518 et attendraient que l'empereur répondit s'il désirait loger ses soldats dans les forteresses liégeoises.

Marie de Hongrie répliqua que, dès les premiers troubles, elle avait offert aux Liégeois de les secourir et leur avait conseillé de ne pas embrasser la neutralité, vu que cette neutralité serait contraire à l'alliance de 1518, qu'ils ne devaient pas encore licencier leurs troupes, mais lui déclarer s'ils ouvriraient leurs forteresses aux troupes de l'empereur 1.

La reine de Hongrie s'intéressait tout particulièrement à ces fameuses forteresses, car elle connaissait les intentions de son frère, et elle y fait encore allusion dans une missive ultérieure 2. Il est vrai que les attaques réitérées du duc de Clèves et des Français menaçaient alors sérieusement le territoire liégeois. Peu de temps auparavant, la princesse belge avait averti le prince-évêque qu'à Sittard et dans d'autres localités du duché de Juliers, il se formait une armée destinée à surprendre Maestricht, et elle offrait de doubler la garnison de cette ville, si les Liégeois lui prêtaient leur concours 3.

En prémunissant ses alliés contre les avances de Guillaume de Clèves, Marie de Hongrie se conformait aux instructions de son frère, car, dans une lettre datée du 3 novembre 1542 4, Charles-Quint recommandait énergiquement à la gouvernante d'empêcher les Liégeois de conclure avec le duc de Clèves un traité qui consacrerait leur neutralité.

Au commencement de l'année suivante, le chapitre cathédral

1 Voir, dans le carton no 1, la réponse de la reine aux états, du 19 août 1542. Voir, dans le carton no 1, la lettre de Marie à Corneille de Berghes, du 9 septembre 1542.

3 CHAPEAVILLE, loc. cit., p. 346.

Voir la lettre de Charles-Quint à Marie de Hongrie (Registre no 69, p. 465). « Fauldra faire en lendroit desdits de Liège le mieulx qu'on pourra et les entretenir par tous les meilleurs moyens qu'on pourra adviser et empecher quils nentrent plus avant en neutralité ny avec le duc de Clèves ny avec aultres en les asseurant de la bonne volonté et affection que je leur porte..

apprit de Marie de Hongrie les machinations du duc 1. Ce prince eût désiré franchir la Meuse et réunir ses troupes à celle des Français. Il songeait à s'emparer, soit de Visé, soit de Maestricht ou de Mæseyck, et comptait sur les intelligences qu'il avait dans ces villes, particulièrement à Mæseyck.

Corneille de Berghes prit les mesures de défense nécessaires et, d'accord avec les trente-deux métiers, défendit d'incriminer les traités conclus avec Charles-Quint 2. Amoureux du repos, ce prince eût désiré à la fois conserver l'amitié de la gouvernante et se ménager la bienveillance du duc de Clèves 3. Ce dernier lui avait demandé une entrevue. Elle fut fixée à Maeseyck. Les Gueldrois, qui ne se sentaient pas en sûreté dans cette ville, invitèrent les Liégeois à fixer un autre rendez-vous. Mais Marie de Hongrie avait été avertie de ces pourparlers inquiétants. Elle demanda des explications au prince-évêque. Corneille se justifia en répondant qu'il devait veiller à la conservation de son territoire, et que, pour ce motif, il avait trouvé utile, ainsi que son chapitre, de s'entendre avec son voisin, le prince gueldrois. Quant au reste, il se conformerait au traité d'alliance qui l'unissait aux Pays-Bas 4.

Cette missive, dont la fermeté nous étonne quelque peu de la part de Corneille de Berghes, ne plut guère à Marie de Hongrie. Le 5 mai 1843 5, cette princesse blâma sévèrement les Liégeois d'avoir entamé des négociations avec le duc de Clèves et les engagea à respecter mieux dorénavant le traité de 1518 : elle

1 Voir CHAPEAVILLE, p. 347.

* Voir CHAPEAVILLE, p. 347. Præsul vetat ne quis contra fœdera inter Cæsaream majestatem, Præsulem et status patriæ inita loquatur...

Voir FISEN, loc. cit., p. 342. L'expression de cet historien dépeint très bien Corneille : « Nec enim a Cæsaris voluntate Cornelio discedere placebat et tamen sui copiam Juliæ duci promiserat. »

Voir la lettre du prince-évêque, lettre datée du 23 avril 1543, dans les Papiers d'État et de l'Audience, liasse 15. Nous la reproduisons dans nes pièces justificatives, n⚫ IV.

Voir Papiers d'État et de l'Audience, liasse 15, 1°. Voir nos pièces justificatives, no V.

TOME XLI.

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ne voulait pas, disait-elle, s'expliquer sur les preuves qu'elle avait recueillies des intelligences que les Clévois entretenaient avec les Liégeois; il lui suffisait d'en avertir ses alliés.

Quelque temps plus tard, Marie de Hongrie envoyait à Liège son conseiller et maître d'hôtel, Jean de Noirthout, pour rappeler au prince, au chapitre et aux états, le traité de 1518. Les Liégeois, marquait la gouvernante, devaient empêcher la jonction des Français et des Clévois, jonction qui était imminente; repousser toute proposition de neutralité faite par les adversaires de l'empereur, neutralité qui serait une violation de l'alliance de 1518; pourvoir les forteresses de soldats et de munitions; requérir les hommes valides de s'armer et de répondre au premier appel; transporter enfin les vivres dans les villes murées afin d'éloigner les envahisseurs.

La gouvernante terminait cette importante instruction en assurant les Liégeois de son dévouement, et en les avertissant de l'arrivée prochaine de Charles-Quint 1.

Jean de Noirthout communiqua les ordres de sa souveraine au chapitre et au magistrat de Liège 2. Craignant de se compromettre par une résolution précipitée, les chanoines répondirent, par l'organe de Guillaume de Poitiers, qu'ils ne pouvaient se prononcer avant la convocation des états, et l'un des bourgmestres opina dans le même sens. Ces deux orateurs insistèrent ensuite sur une réclamation qu'ils avaient déjà adressée au maître des comptes, P. Boisot, au sujet de dommages causés à des négociants liégeois dans leur trafic en Brabant 3.

1 Voir « Instruction pour Jehan de Noirthoudt conseiller et maître d'hostel de la royne de ce quil aura à faire vers levesque de Liège où Sa Majesté l'envoye présentement. » Papiers d'État et de l'Audience, liasse 15. Acte du 9 juin 1543. Voir nos pièces justificatives, no VI.

Voir, dans la même liasse, le rapport de Jean de Noirhoudt, du 10 juin 1543.

3 Voir rapport de Jean de Noirhoudt, du 10 juin 1545. L'ambassadeur adressa un rapport de sa mission à la reine de Hongrie et un autre au président du conseil privé.

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