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mais fort avisée, il s'était réservé la fontaine monumentale, contemporaine de la construction, dont elle est à la fois l'ornement et le complément nécessaire. Sa veuve ne consentit à s'en défaire au profit de Bourgeois que le 8 prairial an IV (27 mai 1796).

Amable-Laurent Bourgeois, fils de David, et sergent au régiment colonial, vendit la maison, le 6 juin 1807, à un autre entrepreneur de bâtiments, Dominique Burtin, qui par lui-même ou ses enfants, en jouit jusqu'en 1821. Elle fut alors achetée, pour 16.000 francs, par Marie-TimothéeFrançois Leclerc de Landremont, ancien fabricant de papiers peints (12 octobre 1821, puis, en 1840, par Cordier, avoué au tribunal de Nancy, qui la conserva jusqu'en 1849.

Au cours de cette longue période de 70 ans, écoulée depuis l'exode de la famille de Cléron, l'hôtel devait subir de graves et nombreuses mutilations. Voué par ses nouveaux maîtres à des usages purement utilitaires, il perdit peu à peu son cachet d'élégance et de noblesse. De toutes ses cheminées qui, comme dans maints châteaux de la même époque, avaient un caractère monumental, il n'est resté que celle de la cuisine. Des niches banales, des cheminées modernes les ont remplacées. Les fenêtres maintenant garnies de lourdes persiennes extérieures, ont été dépouillées de leurs meneaux de pierre et de leurs frontons, utilisés sans doute ailleurs. Des trumeaux, des glaces, des lambris ont disparu. Il en reste seulement ce que la solidité des murailles et des poutrages a pu défendre contre les outrages de ce vandalisme pratique. Des plafonds, en tout semblables à ceux que l'on admire dans certains châteaux de la Loire, ont été copieusement modernisés dans le goût du jour par l'empâtement, sous d'épaisses couches de plâtre, de leurs fines poutrelles. Ce fut, pour la vieille demeure de Balthazar d'Haussonville, la déchéance et l'abandon.

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V

Cependant la famille de ses anciens maîtres ne s'était pas éteinte. A la cour de France, comme en Lorraine, elle avait continué à tenir une place éminente. Son représentant d'alors, venait d'ajouter à cette notoriété séculaire ses mérites personnels d'écrivain et d'homme d'Etat. JeanLouis-Othenin-Bernard de Cléron, comte d'Haussonville, avait épousé en 1836. Mlle Louise de Broglie. Membre de l'Académie française, plus tard président de l'Association des Alsaciens-Lorrains, il devait fonder pour eux, la colonie algérienne d'Haussonviller; et son Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, dit mieux que tout le reste la force des souvenirs qui l'attachaient à notre pays. Il conçut donc le projet de rentrer en possession de la demeure familiale délaissée par ses aïeux. Cordier lui en céda, le 27 octobre 1849, la partie qu'il occupait par luimême. Un sieur Jocquel, maître charpentier, auquel avait été vendue l'autre portion, consentit également à s'en dessaisir le 10 janvier 1851. M. d'Haussonville paya le tout 38.000 francs, et depuis lors, son nom est resté définitivement attaché à la vieille demeure dont il a réuni les débris.

On le revit aussi à Haussonville, où sa mémoire est encore vénérée.

Après lui, en 1884, son fils Gabriel-Paul-OtheninBernard se montra non moins fidèle à la conservation de son domaine lorrain. Élu, comme son père, à l'Académie française, nous le voyons également inscrit parmi les membres de notre Société d'archéologie.

Cependant, en mars 1896, il se démit de tout ce qu'il possédait à Haussonville. Les terres furent dispersées. Le château du moins demeura en la possession d'une famille lorraine (1).

(1) La famille de Bouvier.

Madame la comtesse d'Haussonville, née EulalieEugénie d'Harcourt, présidente de la Société française de secours aux Blessés, reparut à Nancy aux jours tragiques -de 1914. En dépit de son àge et d'une santé déjà ébranlée, nous la vîmes parcourir nos ambulances de frontière, y prodiguant, avec calme et autorité, les encouragements et les conseils. Elle aimait à rappeler ses origines lorraines et l'attachement particulier qu'elles lui inspiraient pour notre pays dévasté.

Mais après la mort de son mari, qui lui survécut jusqu'en 1924, les nécessités d'un partage entre leurs quatre filles (1) déterminèrent une dernière mise en vente de l'hôtel reconstitué par leur aïeul.

Il est passé en d'autres mains le 25 février 1926.

On ne pouvait songer à une réparation complète des outrages que l'hôtel d'Haussonville a soufferts du temps et des hommes. Du moins une tentative de restauration partielle semble-t-elle avoir obtenu déjà quelque résultat.

Les poutrelles des plafonds, délivrées de leur gangue de plâtre, se profilent librement au-dessus des grosses solives qui les supportent, et restituent à l'ensemble des pièces l'élévation et l'élégance conçues par leur constructeur. Dans la cour, débarrassée, autant qu'on l'a pu, des constructions parasites et maladroites qui l'étouffaient, réapparaissent maintenant (non toutefois sans certaines concessions aux exigences de l'habitation moderne), les robustes encorbellements des galeries ajourées.

Surtout la porte banale qui donnait accès à la tour de l'escalier a disparu. Un heureux hasard a permis de lui substituer une porte ancienne et authentique, celle bien connue qu'on remarquait à la maison dite des Sirènes, au no 5 de la rue Saint-Michel. On s'accorde à y reconnaître

(1) Me la comtesse Le Marois, M la marquise de Bonneval. Ma la duchesse de Plaisance, Mile Mathilde d'Haussonville.

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