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avait en mains toutes les pièces justificatives: l'autorité de sa parole couvre ainsi nos propres affirmations, et fait de la Première Partie le préambule nécessaire de la Seconde.

Dans cette dernière Partie, nous avons groupé par ordre chronologique tous les documents que nous publions chaque siècle vient à son tour redire la foi de ses enfants à l'apparition miraculeuse de NotreDame des Ardents ; et si, comme nous l'espérons, nous avons retrouvé tous les anneaux de la chaîne, nous pourrons remonter avec certitude le cours de cette longue tradition et relier ainsi le temps présent avec les anciens âges.

Arras, le 25 mars 1876.

L. C.

INTRODUCTION HISTORIQUE.

SECTION PREMIÈRE.

HISTOIRE DU SAINT-CIERGE D'ARRAS

1105-1876.

Au commencement du XIIe siècle, une horrible épidémie ravageait les principales contrées de l'Europe : l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre et la France avaient été successivement frappées de ce nouveau fléau de Dieu que le peuple nomma le mal des ardents et que l'histoire a appelé feu infernal. Cette affreuse peste s'attaquait à toutes les parties du corps et les consumait impitoyablement sans qu'aucun remède pût arrêter les progrès d'une décomposition qui aboutissait fatalement à la mort. Nos plus belles provinces présentaient le spectacle lamentable de ces ouragans destructeurs qui changent, pour ainsi dire à vue d'œil, une riante cité en sombre nécropole : la Flandre, le Tournaisis, l'Artois, le Boulonnais, la Picardie, le Vermandois, le Soissonnais, la Lorraine, l'Ile-de-France, le Pays Chartrain, le Viennois et le Dauphiné formaient le vaste domaine. où régnait cette étrange maladie. Les populations éper

dues ne tardèrent pas à voir un châtiment du Ciel et implorèrent leur pardon par des actes charitables et des supplications publiques. C'est ainsi que fut fondé en 1095, dans le Viennois, l'Ordre de Chevalerie des Hospitaliers de saint Antoine.

A Paris, une grande procession fut organisée par les ordres de l'Évêque, en l'honneur de sainte Geneviève, dont les reliques furent portées à travers les rues de la ville; au moment où la châsse de cette illustre triomphatrice d'Attila arriva à la Cathédrale de Notre-Dame, cent trois personnes atteintes du feu infernal se trouvèrent miraculeusement guéries. C'est pour perpétuer la mémoire de ce prodige que fut fondée, près de là, l'église de Sainte-Geneviève-des-Ardents, en 1131.

Entre les deux dates que nous venons de citer, l'heure de la miséricorde avait sonné pour la ville d'Arras; mais les moyens dont Dieu se servit pour la sauver sont tellement extraordinaires qu'il est indispensable d'exposer les faits avec autant de précision que de clarté.

Disons de suite que ce sont des Ménestrels qui vont être les héros de cette scène : il faut donc que nous commencions par les faire connaître.

Ce nom poétique de ménestrel nous reporte en plein moyen-âge, à cette époque que des hommes injustes et ignorants ont trop longtemps calomniée, mais sur laquelle la lumière se fait, grâce aux investigations de la critique moderne. On finissait bien par admettre que les Abbayes, alors nombreuses et opulentes, avaient sauvé d'une destruction certaine tous les chefs-d'œuvre de l'antiquité, mais on ne se gênait pas pour ajouter qu'en dehors de ces oasis littéraires, tout n'était en France que ténèbres

intellectuelles. Fort heureusement cette affirmation était le contraire de la vérité, et précisément au XIIe siècle, nous voyons que la langue romane était arrivée à l'apogée de son développement, grâces aux travaux des trouvères qui ont été pour nos provinces du nord ce que les troubadours furent pour le midi. Les trouvères, ainsi que leur nom l'indique (trovare, trouver, inventer), étaient des hommes d'étude et des poètes; ils ont été plus que des poètes, car ce sont eux qui ont fixé les origines de notre langue d'oïl et se sont faits les véritables chroniqueurs de leur temps. Les recherches de M. Raymond et de M. Arthur Dinaux ne laissent plus aucun doute sur ce point. « On trouvera, dit ce dernier, avec leurs titres littéraires, des renseignements philologiques et historiques sur les vieilles coutumes, l'ancien langage, les proverbes du moyen-âge, les nobles et antiques familles qui protégèrent la poésie et la littérature, et enfin tout ce qui accompagne et encadre nos premières productions en l'art de rhétorique, c'est-à-dire en vers, et cela puisé aux plus pures sources de nos archives et de nos manuscrits. Outre les étymologies de notre langue qu'on y découvre, la naissance de nos proverbes et dictons populaires, la peinture des mœurs anciennes, on est agréablement surpris de faire là des découvertes curieuses et piquantes; si nous pouvons nous exprimer ainsi, c'est de l'archéologie littéraire 1. »

A ceux qui s'étonneraient que nos froides contrées septentrionales aient pu produire de tels poètes, nous ferons observer que les Pays-Bas sont la patrie des

1 Les Trouvères brabançons, par Arthur Dinaux. p. VII et XII.

1

anciens Bardes et que c'est de l'alliance de leur langue originaire avec le latin apporté chez nous par la conquète romaine, qu'ils formèrent la langue romaine, mère de notre langue nationale et française 2.

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Les trouvères chantaient leurs poésies, et c'est surtout alors qu'ils s'appelaient Ménestrels ou Jongleurs dans le sens étymologique de Joculatores. Il n'est donc pas sans intérêt de remarquer que le nom de ménétriers est indigne d'eux et ne leur convient en aucune façon.

et

Ces explications données sur le caractère historique et littéraire des ménestrels, il s'agit de montrer quel rapport existe entre eux et le Saint-Cierge d'Arras, c'est précisément un trouvère artésien qui va nous le dire : << La douce Mère Dieu ama son de viele,

A Arras la cité fist cortoisie bele;

Aux Jougleors dona sainte digne Chandele
Que n'oseroit porter le prieur de la cele 5. »

Les deux « Jougleors » dont il est ici question s'appelaient Pierre Norman et Itier. Norman habitait le châ

1 Sunt illis hæc quoque carmina, quorum relatu, quem BARDITUM vocant, accendunt animos, futuræque pugnæ fortunam ipso cantu augurantur. TACITE, De moribus Germanorum, cap. III.

La langue romane s'est perpétuée dans le patois de nos campagnes qui marque parfaitement la transition du latin au français. En voici un exemple :

<< Le sire de Créki adonc ne feut occhi,

<<< Reprint lie chievalier; car, dame, le veuchy :

<<< Ravisiez been, chey my. »

M. d'ARNAUD, Nouv. historiq., tome 1, Raoul, sire de Créquy. • Ménestrel, mot dérivé du latin ministerialis (homme au service d'un autre), parce qu'originairement les ménestrels mettaient en musique les poésies des trouvères.

Une rue d'Arras porte encore aujourd'hui le nom de rue des Jongleurs.

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5 Cele veut dire couvent. - Extrait du Dit des Taboureurs, dans les Trouvères artésiens, par Art. Dinaux, p. 9.

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