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Lassa en son chiep un vert elme lusant:
Mil crestals hi ac que detras que davant,
A miega nuech en vay sas ostz guisant.
Es ha sencha s'espeya, Durendar la trenchant,
En la cal trop si fiza lo palayn Rollan.

Pueys hom li amena son bon destrier corrant,

Malmatin fon, c'ayci·l vay hom nomnant.

V

Quant lo caval vi Rollan ben garnit,
Aysi'l conoc com fay mayre son filh;
Dels quatre pes comenset ha fremir,
For tremolar e si fort ha burdir
Que entorn si fay la terra fremir.

VI

E Malmatin, quant vi garnit Rollan, Aysil conoc com mayre son enfant, Los pes premier si vay ausant levant. La cella fon d'evori tragitat amb arjant

E la sotcella de pali affricant

Els estrieus son car compretz de bezans
El peytral fon meravilhos e grans,
Las aposturas foron d'aur e d'arjant,
Aytant claras com rosa quant s'espant,

Lo fren fon d'aur e las regnas d'arjant.
El caval monta c'als estrieus non si prant.
Pren una targa e sus son col la pant,
Quatorze blocas hi ac d'aur flamejant;
Reyda fon l'asta e'l fer fon ben trenchant;
D'aur es froncida la ventalha e'l pant,
Cant la despleya luy cobre e l'alferrant
E quatre astas en tirassa pel camp.
Am las paraulas ve vos vengut Rollan,
Per miech la ost si vay esperonant,
Al trap Karle el es vengut corrant;
Es Olivier de son caval deychant,
Als pes de Karle si vay aginolhant:
<Sire emperayre, congiet vos demant.»

Es el lo hi dona de gret e de talant,

Pueys li ha dich l'emperayre bon franc:
«Olivier sira, yeu vos prec de Rollan,
Secorres li, car coyta li es grans.>>
Dis Olivier: «Per que m'annas pregant?
Aytant quant puesca suffrir mos garnimans

190

[4 a]

195

200

205

210

215

220

225

Nol falhiray ha trastot mon vivant. >>

So dis lo rey: «Ben parles avinant. >>

Am las paraulas non s'en van plus tarzant,

230

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Pour la langue, le style et la versification, on aura reconnu sans peine, dans ce court fragment, des traits signalés déjà dans d'autres compositions épiques provençales 2:

a+nasale et e+nasale sont réunis à l'assonance (laisses II, IV, vi): Rollan, gan, gran, etc., et arjant, longuement, suff. -ment, part. pr. en -en, etc. Ces assonances ne sont légitimes qu'en français ou dans un provençal très fortement imprégné de français 3. De même les laisses en -ie- réunissent des mots dont les uns seraient en provençal en -a, d'autres en -e, certains seulement en -ie; ici encore nous avons affaire à un provençal littéraire imitant le français 4.

1 Le manuscrit écrit caysi. Je crois la correction évidente.

2 Cf. Paul Meyer dans ses introductions aux éditions de Daurel et Beon et du Guillaume de La Barre d'Arnaut Vidal (Société des Anciens Textes français), et l'introduction de Brossmer à l'édition de Aigar et Maurin (Romanische Forschungen, t. XIV).

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La combinaison périphrastique anar + gérondif est très fréquente: il y en a environ quarante exemples dans les soixante premiers vers1. Un exemple aussi de la combinaison de deux gérondifs 2: ausant levant (201). Comme d'autres auteurs, notre poète répète volontiers certaines expressions; je signale en particulier am las paraulas (138, 148, 216, 230).

L'on comprendra qu'il ne soit pas facile de localiser ou de dater une œuvre écrite dans une langue traditionnelle et même factice. Dans l'ensemble, l'auteur de notre poème paraît être plus proche d'Arnaut Vidal que de l'auteur de Daurel et Beton, et je pense qu'on doit le placer au XIVe siècle. Je ne pense pas, d'autre part, que le mélange des formes françaises et des formes provençales indique plus particulièrement la partie septentrionale ou occidentale du domaine de Languedoc; ce mélange, étant de caractère littéraire, a pu se faire aussi bien au sud-est qu'au nord-ouest du domaine, et par ailleurs les traits phonétiques, s'ils ne sont pas du fait du copiste, appartiendraient plutôt à l'est ou au centre du domaine, tandis qu'aucun trait particulier à l'ouest n'apparaît dans notre texte.

Le poème est écrit en décasyllabes, coupés 4 +6, assez réguliers pour qu'on puisse attribuer à des erreurs de copie les vers qui n'atteignent pas ce compte de syllabes. Mais on y trouve aussi des alexandrins assez nombreux (plus de 8 pour 100 pour le fragment imprimé ci-dessus). Et comme ce mélange se rencontre ailleurs, par exemple dans Daurel, je ne crois pas qu'on puisse attribuer ici les alexandrins à des fautes de copiste; d'ailleurs il serait peu vraisemblable que la répétition du même alexandrin aux vers 118 et 190, ou 129 et 202, ne fût pas intentionnelle 3, et de même la réunion de 2 ou 3 alexandrins aux vers 118-119 et 190-192.

Les vers sont groupés en laisses assonancées de longueur inégale, et c'est sans doute par hasard que les laisses I, III et vi înt, à une unité près, le même nombre de vers: cette régularité ne se reproduit plus dans la suite du poème. Par contre l'alternance des assonances se produit dans des conditions particulières qui paraissent correspondre à une intention du poète: en effet, sur les 18 laisses du poème, toutes les laisses paires sont en a nasal; de plus, dans les 8 premières laisses on retrouve deux fois la même succession d'assonances, i, a nasal, ie, a nasal; enfin, à partir de la laisse Ix on ne trouve plus qu'une alternance plus simple, mais toujours régulière de deux en deux laisses, de ie et a nasal. Il semble que le poète se soit d'abord proposé de suivre un schéma par groupes de quatre laisses auquel il a ensuite renoncé pour en adopter un plus simple par groupes de deux;

1

2

Guillaume de La Barre, Introduction, p. LXIV.
Ibidem, p. LXXI.

3 Il semble que les alexandrins soient parfois employés pour mettre en relief certaines idées; voir, par exemple, les vers 166, 170, 190, 191. Mais d'autres paraissent n'avoir aucun intérêt particulier.

toutefois la perte du début du poème nous empêche de rien assurer sur ce point 1.

Je traiterai ailleurs des rapports de notre poème avec les autres récits français ou italiens de la Guerre d'Espagne: Chanson de Roland et ses remaniements divers, Entrée d'Espagne, Spagna en vers dans ses deux rédactions, Spagna en prose et Viaggio di Carlo Magno in Ispagna; je noterai seulement ici les quelques points sur lesquels cette comparaison pourra se faire. C'est:

1o Au vers II, la mention du «follet»: elle nous renvoie à ce récit curieux sur lequel Gaston Paris a attiré, il y a bien longtemps, l'attention 2, et où l'on voit Charlemagne transporté miraculeusement d'un pays lointain jusqu'à sa capitale pour sauver son trône et son honneur; ce récit apparait dans la Weltchronik de Jansen Enikel, les Spagna et le Viaggio.

2° Aux vers 34-35, la prédiction de la mort prochaine de Roland: l'Entrée d'Espagne, les Spagna et le Viaggio nous présentent le même trait.

3° Aux vers 3 à 5, l'offre faite par Charlemagne à Roland de lui abandonner son empire: ce trait se retrouve dans l'Entrée d'Espagne et la Spagna, en prose.

4° Les noms propres, qui rappellent certains remaniements du Roland, par exemple le manuscrit de Châteauroux et le manuscrit VII de Venise.

Il sera nécessaire, on le voit, de déterminer dans quel rapport notre poème est avec l'Entrée d'Espagne, mais dès maintenant il apparaît que le poème provençal doit trouver sa place dans le développement qui a fait sortir les romans épiques italiens de la chanson de geste française.

Paris.

MARIO ROQUES.

1 Le second poème sur la bataille de Roncevaux présente une bien plus grande variété d'assonances et on n'y voit nulle part la même assonance revenir à intervalles réguliers.

2 Histoire poétique de Charlemagne, p. 396 et s. Voir aussi l'article de G. HUET, Le Retour merveilleux du mari, dans la Revue des Traditions populaires, 1917, XXXII, 98 et 145.

UN JUGLAR ESPAÑOL EN SICILIA

(JUAN DE VALLADOLID)

I

Los que hayan leído el nuevo libro de Ramón Menéndez Pidal sobre la juglaría castellana 1, tendrán, de seguro, presente el bizarro perfil del juglar Juan de Valladolid, que está grabado en aquellas páginas como en el bronce de una medalla del Renacimiento. «Aunque no se le llama juglar

este nombre se había anticuado mucho es enteramente semejante a los juglares cortesanos de la antigua lírica gallega o provenzal, cuando le vemos vagar incansable de uno en otro palacio, siempre escarnecido por los poetas a causa de los dones que recibe y a causa de entremeterse a trovar, siendo de condición inferior.» El padre vendía ropa vieja en las costanillas de Valladolid 2:

muy cargado de jubones,
calças viejas y calçones...,
tres espadas y un broquel
y unas botas y un fardel

y un almayzal colorado,

un casquete y tres serrajas
y una ballesta de caça,
con dos pares de tovajas,
paseando por la plaza.

Al verlo así cargado de cachivaches multicolores, no habría perro que no le siguiese ladrando. Su madre, si son verdad las alusiones de muchos enemigos y rivales, era criada de una taberna o algo peor aún:

¿Pues sabéis quién es su padre? Un verdugo y pregonero.

¿Y queréis reír? Su madre,
criada de un mesonero... 3.

1 R. MENÉNDEZ PIDAL, Poesía juglaresca y juglares, aspectos de la historia literaria y cultural de España (publicaciones de la Revista de Filología Española, Madrid, 1924, VII), 422 y sigs., y ap. VIII (Viajes de Juan de Valladolid).

2 Así nos lo dice una copla de Suero de Ribera en el Cancionero de obras de burlas, edic. de 1520, c. 199:

¡Oh, qué nuevas de Castilla

os traygo, Juan, caminando!
Qu'en Valladolid la villa

yo hallé en la Costanilla

vuestro padre pregonando.

Y decía en sus pregones,

si no me miente el sentido,
muy cargado de jubones,
calzas viejas y calzones:
¿Quién halló un asno perdido?>

3 Coplas de Antón de Montoro a Juan Poeta porque pidió dinero al Cabildo de los Abades de Córdoba; citadas por MENÉNDEZ PELAYO, Antología de poetas líricos, VI, 29.

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