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Elle vendit à l'abbaye de Saint-Just, par acte de 1195, toutes ces possessions avec plusieurs autres biens situés sur le terroir de Bussy, moyennant une redevance annuelle de cinquante muids de grains que cette abbaye payait tous les ans à celle de SaintQuentin, près Beauvais.

(Troisième acquisition.) Les seigneurs de Plainval avaient un champart considérable sur la seigneurie de Trémonvillers, qui s'étendait même sur des terres labourables de l'abbaye de Saint-Just. Ils avaient aussi en partie la justice de ce terroir. Les Prémontrés ont acheté ce droit de champart avec toute la justice, de Nivelon, seigneur de Plainval, Saint-Remy-en-l'Eau, etc., par contrat du mois de juillet 1247: Quartam decimam garbam campipartii totius territorii de Themoinviller tam in terris dictorum abbatis et conventús, quam in terris extraneis ad illud ter ritorium pertinentibus. Dedi præterea eisdem abbati et conventui omnem justitiam illius territorii ad me pertinentem, venditiones et saisitiones quas percipere solebam. Cette vente a été ratifiée la même année par les enfants de Nivelon. Au moyen de cette dernière acquisition, l'abbé de Saint-Just a réuni toutes les parties de la seigneurie de Saint-Just et de Trémonvillers (1).

Elle en a toujours joui depuis. Ses preuves de possession sont : 1o Les déclarations des biens de l'abbaye, fournies au roi le 8 décembre 1547 et 1er janvier 1549. Ces deux déclarations contiennent, en totalité, la seigneurie et haute justice de Trémonvillers avec ses dépendances, spécialement des bois de Trémonvillers et d'Haimonselve, vulgairement le bois de l'abbaye (2). Ce dernier a été compris dans la déclaration de 1547, parce que, quoiqu'il fût de la seigneurie de Trémonvillers, il se trouvait

(1) Pièces justificatives, XLIII.

(2) On lit sur une déclaration de 1752, faite par les religieux de leurs biens temporels dans l'étendue du comté de Clermont : « Bois de Hay<< monselve... auquel nous avons droit de grurie, et contient iceluy « bois, entre le bourg de Saint-Just et Castellion (Catillon), par mesure << faicte cent et cinquante-cinq arpens que nous réservons pour subvenir << aux réparations des églises, cloître, dortoir, couvent et autres bâti<<ments pareillement pour l'usaige et le chauffaige de nous, nos reli<< gieux, domestiques et autres survenans. »

être de la généralité de Soissons. Le reste de la seigneurie de Trémonvillers a été porté dans la déclaration de 1549 comme étant de la généralité d'Amiens.

2o Les anciens baux de cette terre, et notamment ceux de 1566 et 1609, qui contiennent une réserve expresse du droit de justice. Le texte en est conservé aux Archives départementales.

3o Trente-trois actes différents de la justice de Trémonvillers, exercée au nom de l'abbaye de Saint-Just, depuis 1658 jusqu'en 1752. Aussi a-t-elle toujours eu un garde reçu en la maîtrise de Clermont, pour surveiller la chasse, tant des plaines que des bois, de la terre de Trémonvillers, du fief de Boutavant et des autres seigneuries appartenant à l'abbaye.

Les mesures violentes employées en dernier lieu par le marquis de Pont-Saint-Pierre contre ce garde, à qui il a fait ôter ses armes et qu'il a voulu faire passer pour un braconnier, ne pouvaient nuire à la possession de l'abbaye, d'autant plus que le duc de Chaulnes, mieux informé, donna ordre de rapporter à l'abbaye de Saint-Just les armes du garde; et depuis ce temps on n'essaya plus de nouvelles tentatives contre ce respectable agent qui continua de remplir sa charge.

Peu importe de savoir de qui était mouvante la seigneurie de Trémonvillers. L'auteur d'un mémoire en faveur de l'abbaye donne de bonnes raisons pour montrer qu'elle relevait immédiatement du roi (1). On pourrait peut-être dire aussi qu'anciennement cette seigneurie ne relevait de personne et qu'elle était un franc-alleu noble. C'est l'idée qu'en donne la charte de 1147 : Alodium de Temivillario. Que cette terre ne relevât de personne ou qu'elle relevât immédiatement du roi, c'était tout un contre les seigneurs châtelains de Saint-Just, qui n'y ont jamais eu aucun droit de seigneurie, ni de haute justice, et qui contestaient à l'abbaye son titre de seigneur en partie de Saint-Just, comme nous l'avons vu au chapitre précédent.

Par suite du décret du 3 novembre 1790 sur les biens ecclésiastiques, ce vaste domaine, y compris sa chapelle desservie par les moines de Saint-Just, fut aliéné le 5 avril 1791. Mis en adjudication<< jusqu'au cinquantième feu allumé et éteint,» il fut

(1) Archives de l'Oise: Abb. de Saint-Just.

accordé au sieur Leclerc, marchand d'eau-de-vie à Ansauvillers, moyennant 630,000 livres (1). La tradition locale ose rapporter qu'il n'en coûta pas plus de dix sacs d'avoine au sieur Lefèvre pour devenir propriétaire de ces deux fermes pendant la Révolution!... O fortunatos nimiùm... A cette époque, sans comprendre les bâtiments des fermes et les jardins, il y avait d'un seul tenant huit cents arpents de terre, dont une partie était plantée d'arbres à fruits. Aujourd'hui Trémonvillers est estimé plus d'un million de francs.

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Le fief de Boutavant, situé sur la route de Wavignies, à un kilomètre environ de Saint-Just, a été acquis par l'abbaye du seigneur de cette terre, Etienne Bellecauche. Le titre est en idiome franco-picard et daté du 18 juillet 1318, le lendemain d'après la fête de saint Martin le Bouillant (d'été). Il porte que ledit Bellecauche céda aux religieux tout ce qu'il possédait au terroir de Boutavant, en maisons, vignes, jardins, terres arables, écus, rentes et champarts, avec haute et basse justice, à charge de payer à l'hôpital de Senlis vingt-neuf mines d'avoine et vingtneuf de blé dans l'octave de Noël. En voici le texte, autant qu'il a été possible de le déchiffrer. Quelques lacunes de mots, relatives à la sûreté et aux garanties que les vendeurs avaient coutume de donner jadis aux acheteurs, ne sont pas essentielles à la teneur de l'acte.

A tous cheux qui ches presentes lettres verront ou orront Jehan, sires de Causery, adonc bailli de Clermont, salut. Sachent tous que par devant Pierre Lemaire, home Mons. le comte, et Williaume le Villain, clerc notaire, juré auditeurs des terres de le dite bailly, especiamment pour che estaubli dou quemandement Mons. le Comte de Clermont, vint en propre personne Estiennes Belecauche de Boute-Avant, et recongnut que il a vendu, octroié, cuieté et delessié perpetuelment à tousjours et sans rappel, à l'abé et au convent de Saint-Just tout che que il a et peut avoir en le ville de Boutavant et au terrouire de chelle ville, soit en maisons, en vingnes, en courtis, en terres wagnioules, en chens, en rentes, en camps et en justiche haute et basse tenue de l'ospital de

(1) Registre des aliénations du district de Clermont. (Arch. de l'Oise.)

Senlis, pour vint nuef mines d'avoine et vint nuef mines de blé aus octaves de la Nativité de Nostre Seignieur, de lequel vente li dis Estiennes s'est dessaizis es mains des seignieurs fonciers ou de leurs lieutenans, et en fit saizir les dis abbé et couvent come par bonne vente juste et loial et est chelle vente faite pour quarante une livres deus soulz sis deniers parisis seur le tout. De quoy li dis Estiennes s'en tient pour bien paiés dou dis abbé et couvent si come il recongnut par devant Pierre et Williaume, dessus dit, et est assavoir que li dis Estiennes est tenus et a promis à warandir le dite vente aus dis abbé et couvent contre tous et envers tous qui empeschquier leur vinroient selon les us et les coutumes dou chatel de Clermont, seur l'amende de Mons. le Conte, et à rendre et à paier tous cous et tous domages que li dis abbé et couvent oroit ou porroit avoir par le deffaute de le warandie de le vente dessus dite, tenir et accomplir, desquels cous et domages li porteur de ches presentes sera creus par sen serment..... et a che tenir fermement obligé li dis Estiennes et ses hoirs tous ses biens et les biens de ses hoirs muebles, héritages présens et à venir, tout pour vendre justichier..... et sin cors emprisonner en prison serée partout où il porroit être trouvés, autant pour les cous et domages que pour le principal, et à che renunche lis dis Estiennes à toutes aydes de droit de loy de canon et especiamment à tout che qui li parroit ayder valoir à le warandir de le vente dessus dite..... A le requeste dou dis Estienne faite par devant Pierre et Williaume, dessus dis, si come il nous ont témoingné pour leur servir avons scellé ches lettres dou scel de le baillye de Clermont, sauf le droit Mons. le conte et l'autrui. Che fu fet en l'an de grâce mil trois chens et dis huit au mois de juillet, le lundi prochain après feste de Saint Martin le bouillant (1).

L'abbaye n'a pas cessé, jusqu'en 1791, de jouir de cette terre, avec les bois qui en dépendaient, en toute seigneurie. Cela est rappelé dans la déclaration fournie au roi le 1er janvier 1549 (2), par des baux et différents actes de sa justice, notamment par son droit de chasse qu'elle défendit toujours. Elle avait un garde

(1) Archives du château de Saint-Remy-en-l'Eau.

(2) Le fief de Boutavant y est décrit en ces termes : « Nous avons << au dit lieu de Boutavant maison, grange, étable, cour, jardin, pour< pris et lieux desquels sont dépendants vingt muids et demi de terres, << tenantes et aboutissantes aux terres de Trémonvillers, de Saint-Just << et de Catillon, franc de tout, avec demi droit de justice. »

(Arch. du château de Saint-Remy-en-l'Eau.)

reçu en la maîtrise de Clermont, qui seul y chassait journellement, à l'exclusion de tous étrangers. Jean Boucher ayant tiré maladroitement, creva un œil à Jeanne Mesureur, qui glanait sur le terroir de Boutavant. Les officiers de la justice de l'abbaye eurent à délibérer sur cette imprudence. Par sentence du 12 septembre 1738, ils condamnèrent Boucher, comme coupable de réel délit, à verser une provision de 80 livres entre les mains de la victime pour les pansements et les médicaments.

Le 15 mars 1791, la ferme de Boutavant, qui était louée à M. Le Grand depuis 1788, moyennant 1,200 livres de prix principal, quinze septiers de blé, cinq de seigle et dix d'avoine (mesure de Clermont), fut vendue nationalement pour 75,300 livres, payables en assignats, à Hue-Jacques-Edouard Dauchy, alors député à la Convention. La contenance de cette terre était de cent cinquante arpents divisés en trois pièces et deux arpents de prés, sans comprendre un jardin et les bâtiments de ferme, le tout appartenant à la ci-devant abbaye. Le domaine de Boutavant est aujourd'hui la propriété de M. le comte de Berthoult-Le Grand, qui le fait exploiter par un fermier de Saint-Just.

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Le hameau de Rotibéquet, autrefois Rotibecq, situé sur le coteau au sud-ouest de Saint-Just et à deux kilomètres, est traversé par le chemin de Saint-Just à La Neuville-en-Hez et Mouy. Son altitude est de 170 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il faisait partie de l'ancien comté de Clermont (Ile de France).

Au XVIe siècle ce fief était possédé par la famille de Bernets, originaire du Piémont (1), dont quelques membres seulement nous sont connus.

1° (1531) FRANÇOIS DE BERNETS, seigneur de Cantigny, Rotibéquet, près Saint-Just, et du Bout-du-Bois en partie, homme d'armes et ordonnance du roi. Il mourut en 1541.

Marié à Renée de Sains, fille de Jean de Sains, seigneur de Cantigny, il eut pour descendants :

(1) De Bernets porte: D'or à 5 chevrons de gueules, et pour devise: al tempo. Bocquillon: art. de Bernets, dans son Nobiliaire.

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