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10° Tableau des caractères physiques des pierres précieuses, pour servir à leur détermination lorsqu'elles sont taillées; Paris, 1817, in-8°.

11o Traité de cristallographie, suivi d'une application des principes de cette science à la détermination des espèces minérales et d'une nouvelle méthode pour mettre les formes cristallines en projection; Paris, 1822, deux volumes in-8° et atlas in-4°.

12° La fête du Marrube noir, fable en l'honneur de Lhomond; Paris, 1826, in-8° extrait des Mélanges de la Société des Bibliophiles. Hauy, en outre, contribua à la rédaction de l'Encyclopédie méthodique des voyages de Vaillant, du Dictionnaire d'Histoire naturelle, etc.

Ces différents ouvrages sont remarquables par la clarté et l'élégante pureté du style: on y reconnaît à la fois l'habile écrivain et l'homme profond dans la science. En terminant, nous ne pouvons résister au désir de citer ces lignes de l'auteur des Hommes illustres du département de l'Oise sur le prince de la minéralogie, dont nous venons de retracer la notice biographique :

Quoi de plus touchant qu'une grande existence qui se crée dans l'iso lement auquel nous condamne la pauvreté, qui grandit dans l'obscurité et qui remplit tout-à-coup de sa renommée toute l'Europe savante, semblable à l'astre qui, longtemps caché par les nuages, brille inopinément du plus splendide éclat? Quoi de plus admirable qu'un homme aussi simple de mœurs que grand par son génie et ses vertus, qui voit successivement les potentats et les rois de la science lui payer le tribut de leur admiration; les assemblées politiques, l'Eglise et les sociétés savantes lui ouvrir leurs synodes; qui compte pour auditeurs: Lagrange, Lavoisier, Laplace, Fourcroi, Berthollet, Guyton-Morveau; qui eut Geoffroy Saint-Hilaire pour disciple et Cuvier pour panégyriste (1)!

Tel fut l'illustre abbé René-Just Haüy, avec l'humilité qui convenait à sa vertu et une science surprenante qui fait la gloire de son pays et de l'Eglise.

II. Valentin HAUY, fondateur de l'Institution des Jeunes Aveugles.

Valentin Haüy, frère puîné de l'abbé René-Just Hay, naquit à Saint-Just-en-Chaussée le 13 novembre 1745 et manifesta aussi, dès son enfance, de rares dispositions intellectuelles. Il était d'une nature singulièrement douce et naïve, sans posséder toufois les qualités si remarquables de son aîné, cet esprit de sagesse, de suite et de fixité dans les idées qui met à l'abri de bien

(1) Ch. Brainne Annuaire du département de l'Oise, 1860.

:

des faiblesses. Après avoir reçu les premières leçons des religieux de Saint-Just, devenu grand, il vint à Paris chercher fortune. Il s'attacha de préférence à l'étude des langues et des divers systèmes d'écriture. Ayant une fort belle main, il établit une Ecole de Calligraphie, donna des leçons en ville et parvint à entrer au Ministère des Affaires étrangères, à titre de commis aux écritures. Ensuite il y fut employé à traduire les pièces officielles et la correspondance chiffrée (1). Il occupait cette position quand, à l'âge de trente-huit ans, son attention fut éveillée par le talent et les procédés ingénieux d'une célèbre pianiste de Vienne, Mlle Paradis, devenue aveugle de très bonne heure (2). Elle donnait à Paris des soirées musicales vivement applaudies. Elle lisait rapidement, avec une grande délicatesse de toucher, et apprenait aussi facilement par cœur tout ce qu'on voulait écrire au moyen de lettres, ou de notes de musique représentées par des épingles piquées sur de larges pelotes en forme de volumes in-4°. Elle n'expliquait pas moins bien tous les détails de la géographie, sur des cartes en relief imaginées par un autre aveugle célèbre, Weissembourg de Manheim. Les limites des Etats y étaient indiquées par des chenilles de soie, les villes par des perles de différentes grosseurs, les mers par un vernis très poli, les terrains par du grès pilé menu. Dès lors une seule idée

(1) La protection de son parrain, Valentin Soly, conseiller du roi, contrôleur général des domaines et bois de la généralité d'Amiens, et le patronage de sa marraine, dame Marguerite Haillet du Romois, abbesse de Saint-Just, lui servirent en cette circonstance.

(2) Son père et sa mère étaient attachés à l'impératrice Marie-Thérèse. Le charlatan Mesmer entreprit vainement de la guérir par le magnétisme. A Paris, elle se fit entendre au concert spirituel (mars 1784). Son habileté sur le clavecin, malgré sa cécité, excita l'admiration de tout le monde. << De tout temps on a cité des hommes atteints de cécité qui se sont <«< fait remarquer par des talents surprenants, et souvent par un haut << degré de culture intellectuelle: tels ont été, au Ive siècle de notre ère, << Diogène d'Alexandrie, qui eut l'insigne honneur d'instruire saint Jé<< rôme, et plus récemment le célèbre mathématicien Saunderson, l'ora<<teur A. Rodenbach, l'organiste Gautier, le facteur de pianos Mon<< tal, etc., etc. » Echos de Mont-réal de Toulouse, 1882. Eloge de V. Hauy, p. 68.)

devait occuper l'esprit de Valentin. Par une admirable intuition il avait entrevu la possibilité de rendre, pour ainsi dire, à la société et à la vie active la classe malheureuse des aveugles et de remplacer chez eux les yeux par les doigts. En réunissant et s'appropriant les systèmes déjà connus, en cherchant de nouveaux procédés, tant par expérience que par invention, il créa sa méthode. Telle qu'elle est elle nous paraîtrait bien primitive, car elle a été singulièrement améliorée; elle n'en est pas moins l'œuf qui contenait en germe les perfectionnements qui l'ont rendue si précieuse depuis, car le nombre des aveugles est immense, hélas! On en compte actuellement en France plus de vingt-cinq mille!

Jusque-là, regardée comme un prodige d'adresse et de sensibilité, l'application du tact à la lecture et aux divers travaux intellectuels n'était pas vulgarisée. Elle restait l'apanage de quelques aveugles privilégiés remarquablement doués, à vrai dire, qui, travaillant sans guide, avaient à surmonter bien des obstacles matériels pour arriver, gràce au développement de la faculté du toucher, à se rendre un compte exact des objets qu'ils exploraient. C'est un fait dont Valentin llaüy fut le premier à apercevoir les conséquences. Il se souvint qu'un jour lorsqu'il venait de donner l'aumône à un aveugle, celui-ci l'avait appelé et lui avait dit : « Vous avez cru m'offrir un sou tapé et vous << m'avez remis un petit écu. » Déjà il en avait conclu que si un aveugle reste aveugle devant une surface plane, il peut devenir en quelque sorte voyant lorsqu'on lui met sous les mains un relief appréciable. Il réfléchit et trouva que ce que l'abbé de l'Epée avait fait pour les sourds-muets, leur mettant les oreilles dans les yeux et une langue au bout des doigts, on pouvait le tenter pour tout aveugle d'une intelligence moyenne, qui possède déjà dans la parole l'instrument de sa pensée. Le hasard le servit admirablement.

Il y avait en 1783, aux Champs-Elysées, à l'entrée de l'avenue. Gabriel, un café, ou plutôt un caveau, sur le devant duquel un auvent en planches abritait une estrade, des pupitres et quelques tables réservées aux consommateurs. Un jour d'été de cette même année, huit ou dix pauvres aveugles, postés sur l'estrade, les yeux dissimulés, par une dérision amère et touchante à la fois, derrière des lunettes, écorchaient des airs ou exécutaient

une symphonie fort discordante, en feignant de lire de la musique étalée sur les pupitres. Une foule d'oisifs, de ceux qui fréquentaient les jeux de boules établis alors aux Champs-Elysées, attirés par le charivari, s'égayaient aux dépens de ces malheureux, tout en déposant quelques sous dans la sébile placée sous les regards du public.

Parmi les curieux se trouvait un spectateur visiblement ému de cette triste parade. Il ne partageait pas l'hilarité de ses voisins, mais, en proie à de pénibles réflexions, il s'avança plein de bonhomie vers l'orchestre, interrogea les artistes, les emmena sous un massif d'ormes, puis tint avec eux une conversation qui dura une demi-heure; après quoi il les congédia, en leur remettant quelques pièces de monnaie. C'était Valentin Haüy. Alors ce philosophe ami de l'humanité sortit un portefeuille de sa poche et écrivit sur les feuillets : « Les aveugles que je viens « de questionner m'ont dit qu'ils connaissaient tous les objets à la diversité des formes; ils distinguent la valeur des pièces de « monnaie, pourquoi ne distingueraient-ils pas sur le papier « un ut d'un fa, un a d'un f? (1) » Déterminé à réaliser son projet et à commencer ses expériences, il se mit en quête de son premier élève. Naturellement ce fut sur le parvis d'une église qu'il fit ses recherches, et découvrit, en 1784, à SaintGermain-des-Prés, un jeune mendiant, âgé de seize ans, implorant les aumônes des fidèles pour vivre et pour soutenir sa mère (2). Né à Lyon, cet enfant avait perdu la vue à l'âge de six semaines. Il se nommait François Lesueur, et était destiné à être

་་

(1) Journal officiel du 17 février 1878.

(2) L'aveugle mendiant autrefois avait une place d'honneur aux portes des églises, comme revêtu du caractère sacré que donne à l'homme le malheur supporté chrétiennement. Les pensionnaires, les associés des Quinze-Vingts, portaient une tirelire à la main et, sur la poitrine, à gauche, une fleur de lys qui leur avait été concédée par acte authentique de Philippe-le-Bel, en 1312. Ils avaient le privilège de placer un tronc à leur profit dans toutes les églises de France; de plus on leur adjugeait aux enchères le portail des églises de Paris. Ils n'étaient pas tolérés « au bénitier » à titre courtois, comme on pourrait le croire et comme on le voit encore de nos jours; ils y étaient en vertu d'un droit acquis à beaux deniers comptants qui, remis à la caisse de l'hospice, servaient

parmi les aveugles ce que Massieu fut parmi les sourds-muets. Valentin, en l'interrogeant, resta frappé de son intelligence et lui fit concevoir l'idée d'un sort préférable; mais ce ne fut point sans peine qu'il put l'emmener dans sa maison pour l'instruire. Le pauvre hère faisait de bonnes recettes, et avant de briser la tirelire il s'assura de ses journées. Il les divisa en deux parts, l'une consacrée à sa subsistance, l'autre employée aux exercices intellectuels. Comme il était plein d'ardeur et doué d'une organisation exceptionnellement heureuse, six ou huit mois d'études lui suffirent pour apprendre à lire, à calculer avec ses doigts, à connaître un peu de géographie et les principes élémentaires de la musique.

Cette prompte réussite excita la curiosité de l'Académie des Sciences et des Arts, devant laquelle Valentin fut mis à même, par son frère, de présenter son élève et de lire un mémoire spécial. Une commission, composée de Desmarets, Demours, Vicq-d'Azir, avec La Rochefoucauld-Liancourt pour rapporteur, prit le soin d'apprécier le mémoire et la méthode. Le disciple et le maître partagèrent l'admiration de tous. « Il emploie (dit le « rapport élogieux de l'Académie, lu le 16 février 1785) des ca«ractères en relief que l'aveugle s'accoutume à reconnaître au « toucher (1). Ces caractères sont séparés et mobiles comme « ceux des imprimeurs; on en forme des lignes sur une planche « percée d'entailles où la queue des caractères s'engage. » Va

à soulager les aveugles dénués. (Mém de l'abbé Georgel; Paris, 1820, t. 1, p. 485.)

La Providence leur a donné le moyen d'occuper une place à l'intérieur de la maison de Dieu, depuis le jour où l'école fondée par V. Ha❝y s'est mise à former de véritables artistes, élevés pour l'orgue qu'ils savent si bien faire vibrer, car ils ont la passion de la musique.

(1) On conserve encore, aux Jeunes-Aveugles, à Paris, les premiers essais d'impression en relief tentés par V. Haüy avec son système d'abréviation, afin d'éviter la confusion que pourrait faire naître la similitude de certaines lettres entre elles. En voici une phrase comme exemple: « Un bon père donne toujours à ses enfants la nourriture et le désir du <«< bien en tout. » Elle est estampée ainsi : Ū bō père done tojors à ses efas la noriture et le désir du bie e tot. La lettre redoublée s'indiquait par un point souscrit, l'n par un tiret supérieur, l'u par un tiret inférieur.

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