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PUITS PREHISTORIQUES

DE

NOINTEL.

A cinq kilomètres de la ville de Clermont, vers le sommet du plateau qui sépare le village de Nointel de celui de Saint-Aubin, à la lisière occidentale du bois dit du Chêne-Aigu, la craie blanche affleure, sur un espace d'environ un hectare, avant de s'enfoncer sous les sables tertiaires du Soissonnais. Une marnière y avait été ouverte, dans ces dernières années, sur la propriété de M. Eugène Copy, à la jonction des chemins de Breuil-le-Sec, de Nointel, de la Couarde et de Saint-Aubin. Les ouvriers avaient découvert des chambres, dans lesquelles la marne avait été remaniée à une époque plus ou moins reculée. Ils avaient aussi recueilli des bois de cerf, dont la présence, dans ces cavités mystérieures, étonnait fort les habitants du pays.

En passant près de cette carrière, M. l'abbé Barret, actuellement curé d'Amblainville et auparavant vicaire de Clermont, comprit, au premier coup-d'œil, l'importance et l'origine de ces excavations artificielles. Un contrat, passé entre lui et le propriétaire, permit au jeune et intelligent archéologue de faire, à ses frais, les fouilles qu'il lui plairait d'entreprendre dans le bois de Nointel.

Plusieurs chambres furent vidées. M. l'abbé Barret remarqua qu'elles rayonnaient autour d'un point central. Ce point central était le fond d'un puits, qui avait été primitivement percé à ciel ouvert. Plus de vingt chambres ont été ainsi déblayées. Elles

formaient différents groupes rapprochés mais séparés, et communiquaient toutes à l'extérieur par un puits (pl. I). Un heureux sondage tenté, au hasard, en dehors de la carrière, par un des plus intrépides terrassiers de Nointel, le fit descendre, sous nos yeux, par l'orifice même du puits, au centre d'un système de quatre ou cinq galeries divergentes.

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Ce massif crayeux renferme de beaux silex pyromaques en rognons, qui atteignent jusqu'à 60 centimètres de longueur et 45 de pourtour. On pourrait y tailler des nuclei presque aussi volumineux que ceux du Grand-Pressigny. Isolés, quoique rapprochés les uns des autres, ils forment avec la marne, qui les empâte, un banc continu, d'un niveau constant et d'une épaisseur d'un mètre environ.

C'est au niveau de cette couche de silex que descendent et s'arrêtent les puits et les galeries. Leur profondeur varie de deux à quatre mètres, suivant le point de la côte où ils ont été pratiqués. Le banc de silex a été traversé, sur toute son épaisseur, dans tous les puits et dans toutes les galeries; et partout les exploiteurs se sont arrêtés à la base de cette couche de silex en rognons.

S'ils avaient voulu extraire de la marne, ils l'auraient exploitée, comme on le fait aujourd'hui en cet endroit, à ciel ouvert, presque sans frais et sans fatigue. Mais ils ne faisaient aucun usage de la craie, qu'ils remuaient dans ces petits souterrains. Après avoir monté à la surface du sol les déblais du puits et de la première galerie, ils jetaient dans cette première excavation la marne de la seconde galerie, dans la seconde la marne de la troisième, etc. Enfin ils rejetaient dans la dernière galerie et dans le puits les matériaux montés à la surface du sol dès le commencement de l'opération. C'est ainsi que nous retrouvons aujourd'hui les puits comblés et les galeries presque toutes remplies de marne remaniée, qu'on peut enlever à l'aide d'une simple pelle, tandis que les parois des chambres ne peuvent être attaquées qu'avec le secours de la pioche du terrassier.

Ces perceurs de puits et de galeries cherchaient si bien les silex de la craie, et y attachaient un si grand prix, qu'il n'en est resté dans les remblais que des fragments extrêmement rares et absolument impropres à la fabrication des instruments. Tous

les cailloux utiles ont été dégagés de la gangue marneuse, séparés des autres matières et emportés hors des puits. Ce sont donc bien les silex et uniquement les silex que les mineurs du bois de Nointel exploitaient.

C'est ainsi que de nos jours on exploitait encore les silex destinés à la fabrication des pierres à fusil.

« On se procure ordinairement ces silex, dit John Evans, en creusant des puits dans le sol, jusqu'à ce qu'on ait atteint une couche de silex de la qualité requise. On exploite alors cette couche en ouvrant dans toutes les directions des galeries horizontales très basses. Le succès de la fabrication dépend beaucoup, dit-on, de la condition du silex, et surtout de la quantité d'humidité qu'il contient. Il semble, en effet, qu'on ne puisse plus tailler ceux qui sont restés trop longtemps exposés à la surface du sol, et qu'on éprouve de grandes difficultés avec ceux qui sont trop humides (1). »

C'étaient aussi les cailloux frais que préféraient les artistes de Beauvais, qui, dans ces dernières années, taillaient des flèches, des poignards, des hachettes, des diadèmes de silex, etc. Ils saisissaient le cailloux, au sortir de la masse crayeuse, et le travaillaient encore humide de son eau de carrière Ainsi faisaient les << caillouteurs » du bois de Nointel. L'expérience leur en avait vite appris autant qu'aux fabricants de nos jours; et comme les fabricants de nos jours ils avaient creusé des galeries, des puits à silex.

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Ces silex étaient taillés, ou plutôt ébauchés sur place. Nous retrouvons les débris de ce premier travail, à la surface du sol, autour des excavations d'où ils sont sortis. Nous retrouvons les éclats sur les talus du chemin, sous le gazon du bois et à l'orifice même des puits bouchés. Nous les retrouvons mêlés, en quantité, à la terre végetale qui s'est étendue à la superficie du sol crayeux. En certains endroits ils forment une épaisseur de près d'un pied, et rappellent fort bien ces amas de débris, que des fabricants de nos jours ont laissés, dans les environs ou à l'intérieur des carrières de Beauvais et de Bresles.

1) John Evans: Les Ages de la Pierre, p. 19.

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M.

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