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NOTICE

HISTORIQUE ET ARCHEOLOGIQUE.

Au sud-est d'Auneuil, au milieu de riches cultures, de belles prairies et de mamelons boisés, s'étend la commune de Berneuil. Son vaste territoire a la forme d'un parallélogramme allongé, mesurant 5,900 mètres du nord au sud et 4,000 mètres de l'est à l'ouest. Il contient, d'après le cadastre, 1,514 hectares 72 ares 8 centiares. Les territoires des communes de SaintMartin-le-Noeud et de Frocourt le bornent au nord, celui d'Auteuil à l'est. Ceux de La Neuville-Garnier et de Villotran le limitent au sud et celui d'Auneuil au nord-est. Il est à 12 kilomètres au sud de Beauvais et à 5 kilomètres d'Auneuil.

La constitution physique de son sol présente deux périodes géologiques bien distinctes et lui donne un aspect tout particulier. L'extrémité méridionale appartient à l'étage supérieur de la craie blanche et se relève brusquement en falaise, pour fournir sa portion à l'immense lèvre sud-ouest de l'accident géologique, à travers lequel est apparu ce soulèvement de couches inférieures connu sous le nom de Pays de Bray. Aux points les plus élevés, les altitudes, au-dessus du niveau de la mer, sont cotées 180 mètres au bois Nivert et 145 mètres au larris, vers Auteuil. Tout le reste du territoire, el c'est la plus grande partie, est de la nature du Pays de Bray, dont il forme presque l'extrémité sud. 30

T. XII.

Les diverses couches supérieures de cette formation s'y présentent dans un ordre assez régulier, mais avec des contours fort bizarres. Ainsi en allant perpendiculairement à l'axe du Bray, c'est-à-dire de l'ouest à l'est, ou du bas de la falaise à la ferme du Pont, vers Frocourt, on rencontre un vaste dépôt d'alluvions argileuses anciennes à silex, entre Berneuil et Vaux; puis, par zones successives très irrégulières et à contours dentelés, la craie glauconienne ou craie argileuse à grains verts, avec ses fossiles caractéristiques: Ammonites varians, Ammonites Rothomagensis, Pecten asper, Ostrea vesicularis, Holaster subglobosus, qui se remarquent à Berneuil et à Vaux; la gaize ou marne argileuse jaunâtre, plus ou moins durcie par de la silice, avec ses fossiles Ammonites falcatus, Ammonites varians, Ammonites inflatus, Ostrea lateralis. On traverse ensuite une couche peu large de gault ou argile téguline à Ammonites Lyelli, Ammonites Dupinianus, Ammonites latidorsatus, Nucula pectinata, Inoceramus sulcatus; les sables verts quartzeux, sous les bois de Bizancourt et des Niards; l'argile grise ou ferrugineuse à grandes huitres (Exogyra sinuata, Ostrea aquila), et un puissant dépôt de glaise panachée ou d'argile rose marbrée, propre à la fabrication des tuiles et des carreaux à paver.

Dans cette partie du territoire, les altitudes au-dessus du niveau de la mer sont bien moins élevées; ainsi on cote 138 mètres entre Vaux et Berneuil, 127 mètres à l'église de Berneuil, et 100 mètres à Bizancourt (1).

Les couches compactes du sous-sol argileux et glaiseux, difficiles à pénétrer par les eaux de pluie, rendent la plupart des terrains humides et plus propres à l'établissement des prairies qu'à toute autre culture. Aussi les agriculteurs intelligents de la localité savent tirer profit de cette nature du sol pour créer de

(1) Graves: Essai sur la topographie géognostique du département de l'Oise; 1847. Carte Précis statistique sur le canton d'Auneuil; 1831. géologique du département de l'Oise, par Ant. Passy; 1858. De Lapparent Le Pays de Bray; 1873. La Carte géologique de la France, publiée par le ministère des travaux publics; feuille 32; Beauvais; 1873. La Notice explicative de cette feuille 32. — Ch. Janet et Bergeron : Excursions géologiques aux environs de Beauvais; 1883. Extrait des Mém. de la Soc. Acad. de l'Oise, t. XII, première partie.)

vastes herbages où paissent et produisent de nombreuses têtes de bétail. Les sources y abondent, surtout à Berneuil, où, au milieu même du village, elles donnent naissance à un cours d'eau assez important. Ce ruisseau, nommé le rù de Berneuil, se dirige vers l'orient, passe auprès des Vivrots, des Boettes, au Pont, va traverser Frocourt et prend son cours vers Allonne, pour aller se jeter dans le Thérain, à Villers-sur-Thère.

Ce territoire, jadis complètement boisé, avec ses fondrières impraticables et ses fourrés inextricables, paraissait peu propre à l'habitation de l'homme; cependant les hommes de l'âge de pierre y séjournèrent, ou du moins y passèrent et y chassèrent, les haches, les pointes de flèche, les grattoirs, les couteaux en silex taillés et polis, trouvés ça et là, en sont les témoins irrécusables Des Celto-Belges de la tribu des Bellovaques habitèrent ensuite ses forêts et cultivaient des coins de terre dans la zone occidentale, dans cette partie où la nature du sol leur offrait de l'eau et des terres propres à la culture des céréales et à la formnation des prairies. Ils y vivaient paisiblement, quand l'invasion romaine (cinquante-quatre ans avant Jesus-Christ) leur fit quitter la charrue pour l'arc et la lance; il fallait défendre son indépendance, et les hommes valides n'y faillirent point. La population fut décimée par la lutte gigantesque qui fut alors entreprise et soutenue avec une bravoure digne d'un meilleur succès. Les survivants des Bellovaques vaincus revinrent dans leurs bois et y reprirent la charrue et la conduite de leurs troupeaux. Bientôt des colons romains vinrent se fixer à côté d'eux. Petit à petit les haines s'apaisèrent, et, les intérêts communs rapprochant les personnalités, des groupes d'habitations se formèrent, des villages se fondèrent, gràce surtout à la sage administration des empereurs. Les Antonins firent accepter la domination romaine en favorisant l'agriculture et le commerce. C'est ainsi qu'ont été fondés Berneuil et l ́aux, les deux localités les plus anciennement habitées du territoire que nous étudions. La culture s'étendant, des défrichements s'opérant, des exploitations agricoles nouvelles s'établissant donnèrent lieu, dans la suite des temps, à d'autres groupes d'habitations et aux hameaux ou écarts de Bizancourt, des Boettes, des Niards, des Vivrots, du Pont, du Chateau d'Auteuil, autrefois La Folie. Nous en parlerons, du reste, en suivant l'ordre.

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1o Son origine. Berneuil est le chef-lieu de la commune et la localité habitée la plus importante de ce territoire Il est situé dans la partie sud-ouest, par la 21 minute du 49° degré ou 54 grade 83' 35" de latitude nord, et par la 16 minute ou 0 grade 30' de longitude occidentale du méridien de Paris. Ses maisons s'étalent dans un gracieux vallon ou sur les pentes des coteaux qui l'avoisinent. Caché pour ainsi dire derrière un rempart de grands arbres, on ne l'aperçoit qu'à très courte distance, et n'était l'église avec son curieux clocher s'élevant à pic au sud et émergeant au milieu du feuillage, comme pour appeler l'attention, on pourrait passer sur la route de Noailles sans se douter que l'on a touché à un important village. Si l'on y pénètre, on n'y trouve plus ou presque plus cet aspect misérable d'autrefois. Les anciennes maisons à murs en terre et à toiture en chaume disparaissent et sont remplacées par d'élégantes constructions en briques et pierre, à couvertures incombustibles. On y voit le confortable et on y sent l'aisance. M. Graves a pu dire, à une autre époque (1), que « les rues y étaient malpropres <«<et tenues dans un état continuel d'humidité, par l'effet des plantations qui les ombrageaient toute l'année; » aujourd'hui cet état est bien changé. Les soins et les efforts intelligents de l'édilité communale ont rendu la voirie commode et bien entretenue Une fontaine et un lavoir publics, établis sur la place, une bonne canalisation des eaux ont assaini ce village, jadis si fangeux, et lui ont donné un air de propreté qui fait plaisir.

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Le village est fort ancien et son origine, comme nous l'avons dit, nous parait remonter à l'époque gallo-romaine, du 1 au Ve siècle de notre ère. Sa fondation doit être contemporaine de celle d'Auneuil et d'Auteuil, localités voisines. La similitude de la physionomie des noms et la situation sur le bord du pays de Bray, sur la zone reconnue par les ethnographes pour avoir été la plus anciennement habitée, nous l'indiquent. L'étymologie et la forme primitive du nom confirment cette opinion. D'après

(1) Graves: Précis statistique du canton d'Auneuil; 1831, p. 44.

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les chartes les plus vieilles, Berneuil se disait Barnogilum au VIIe siècle. Cette forme est incontestablement romane. Elle vient du celte latinisé ou roman Bar, Barn, chef, et du suffixe roman ogilum, habitation, donnant pour signification étymologique Habitation du chef. De cette forme du nom on peut donc conclure qu'il existait en cet endroit une habitation de chef militaire, avec ses dépendances et les demeures de ses hommes et de ses serviteurs, à l'époque où Celtes et Romains vivaient ensemble et parlaient une langue empruntant ses formes au génie des deux peuples. Ce groupe d'habitations a donné naissance au village, et ce devait être entre le ne et le ve siècles.

Le nom de Barn ogilum a subi bien des transformations pour en venir à la forme actuelle Berneuil; il a suivi, du reste, la marche de la langue, éprouvant les mêmes modifications sous l'influence des mêmes causes (1). Les chartes du moyen âge et celles des siècles suivants nous indiquent un grand nombre de ces variations. En 1147, on trouve Barnotum (Barn et otum, suffixe ayant la même signification que ogilum) dans la charte de confirmation des biens de l'abbaye de Saint-Paul; - Barnou et Batnou par mauvaise lecture, vers 1163, dans une lettre de Barthélemy de Montcornet, évêque de Beauvais, au roi Louis VII; Bernotum, en 1210 (charte de l'abbaye de Saint-Paul); Banneu, en 1218, dans un accord entre le seigneur de Berneuil et le successeur de Garnier de Hermes, seigneur de La NeuvilleGarnier; Bernolium, en 1245, dans une charte de l'abbaye de Froidmont; Barnogum, en 1292 (charte de l'abbaye de Beaupré); -- Barnol, en 1305 (ibidem); - Barneu, en 1373 (charte de l'abbaye de Saint-Paul); - Barneul, en 1511 (charte de l'abbaye de Saint-Symphorien;; Barneuil, en 1527 (ibidem); — Berneul, en 1580 (charte de l'abbaye de Saint-Paul), et Berneuil, au XVIIIe siècle.

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Berneuil doit son origine à l'établissement en cet endroit d'un chef militaire, son nom l'indique. Ce chef, dont le nom est resté

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(1) Consulter J. Quicherat De la formation française des anciens noms de lieux. — A. Houzé: Etude sur la formation des noms de lieu en France. H. Cocheris Origine et formation des noms de lieu; Paris, Corblet (l'abbé) : Hypothèses étymologiques sur les noms de lieux de Picardie; Saint-Germain-en-Laye, 1851.

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1874-1875.

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