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sept frères et sœurs, consistait en un tiers franc du profit d'une coupe de bois de réserve. Il n'y avait d'autre ressource pour faire face aux nécessités urgentes de restauration des édifices cités plus haut, sans parler de l'habitation claustrale, que la vente de cette réserve de bois, sur une étendue de soixante-et-onze arpents dix perches et demie, dont le prix était porté à 36,663 livres. De cette façon l'abbé ne fut pas obligé de contribuer autrement à ces réparations dispendieuses. Il ne paraît pas probable que le commendataire de Flamarens soit jamais venu visiter son bénéfice de Saint-Just. L'éloignement et les devoirs de sa charge pastorale le retenaient à Périgueux. Mais il gérait dans la personne du prieur, à cause de la distance. Celui-ci fu investi, par lettres du 29 novembre 1778, de la charge d'archidiacre, et dut en remplir les fonctions à Saint-Just et au Plessier, en même temps qu'il était fondé de pouvoirs pour toutes les affaires temporelles de l'abbaye.

Ainsi, grâce aux soins d'André Dupont, une sentence arbitrale fut rendue (1779) en faveur de l'évêque de Périgueux, le maintenant en possession de percevoir la dîme, concurremment avec le champart, sur les terres de Catillon. L'archevêque de Bourges, abbé de Saint-Lucien, disputait ce droit.

Le 9 juillet 1783, le même prieur faisait recevoir à la maîtrise des eaux et forêts de Clermont Noël Scellier, en qualité de garde des bois et chasses de l'abbé de Flamarens. L'acte de réception porte « qu'au préalable il s'était informé de ses bonne vie et mœurs, religion catholique, apostolique et romaine, acte de baptême, etc. » Ainsi jugé capable, il exerçait son emploi sur les seigneuries de l'abbaye, tant sur celle de Saint-Just que sur Boutavant, le bois d'Haimonselve, Morvillers et ses dépendances sur le terroir de Catillon, Bussy, près de Quinquempoix, le fief de Lavertume, à Brunvillers, et sur Trémonvillers.

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Le 30 juillet 1783, malgré les ravages épouvantables causés par les orages et la grêle aux récoltes du terroir de Saint-Just (1),

(1) Pendant trois années consécutives, 1783, 1784 et 1785, la grêle a considérablement endommagé les moissons. En 1786, l'Evêché de Beauvais, afin de venir en aide aux victimes de ce sinistre, envoya une somme de 1,800 livres pour être distribuée « à la prudence du prieur de << l'abbaye et du châtelain, M. de La Billarderie.» (Arch. de l'Evêché.)

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les religieux de Saint-Martin-aux-Bois, autrement dit Ruricourt, demandèrent à ceux de Saint-Just de leur obtenir renouvellement de l'acte qui les autorisait « à prendre par chacun an, à la Saint<< Martin d'hiver, vingt et une mines de blé muison et onze mines d'avoine, mesure de Saint-Just, laquelle, réduite à celle de << Montdidier, fait dix-huit mines de blé et neuf mines d'avoine, le tout d'ancienne redevance due à l'abbaye de Saint-Martin<<< aux-Bois, tant sur les dimes appartenant à l'abbaye de SaintJust, au terroir de Ravenel, que sur tout le temporel de la dite abbaye de Saint-Just. » L'abbé ne s'y refusa point, d'autant plus que le droit des moines de Saint-Martin-aux-Bois avait été ratifié jadis par une sentence du bailliage de Montdidier, le 19 décembre 1587, et par un arrêt du Parlement de Paris, « confirmatif d'icelle, » du 1er juillet 1595.

Le 17 septembre 1783, au nom de l'abbé de Saint-Just, propriétaire de la ferme et du terroir de Saint-Just, le prieur André Dupont donnait aux religieux de Saint-Quentin une reconnaissance par laquelle il s'engageait à faire transporter dans leur cour, à Beauvais, vingt-cinq muids de blé, à 2 deniers près du meilleur, et vingt-cinq muids d'avoine, mesure de Saint-Just. Nous avons remarqué précédemment que cette redevance annuelle avait toujours été payée exactement. De 1779 à 1787, nous le voyons faire fournir fidèlement, chaque année, au comte de Clermont, par les fermiers de Morvillers, trente mines d'avoine de cens (1). D'un autre côté, en agent d'affaires consciencieux, André Dupont percevait le prix des dimes affermées à Ravenel, Valescourt, Lieuvillers, etc., avec les fermages de Morvillers, Trémonvillers et Boutavant.

Sur ces entrefaites, un violent incendie dévora vingt-trois maisons à Saint-Just. Il fut occasionné par la foudre, qui éclata d'abord sur la demeure de François Candelot, rue de Paris, du côté du couchant. D'après l'estimation des experts, les pertes subies s'élevèrent à la somme de 38,427 livres 16 sols. C'était le 10 mai 1786 (2). Pendant ce temps-là la vieille société avait fait

:

(1) Arch. départ. Sommier général du comte de Clermont, E. 37. (2) Arch. du château de Saint-Remy-en-l'Eau. Procès-verbal du

12 mai 1786, rédigé à la réquisition du procureur-fiscal de la justice de la châtellenie de Saint-Just.

son œuvre. Malgré les abus inhérents aux choses de ce monde, l'humanité aurait pu s'arrêter et se réjouir. Mais l'année 1789 arriva, et tandis que les mots magiques de liberté, d'égalité et de fraternité retentissaient de toutes parts, on commençait à abolir les droits féodaux, les titres honorifiques, les justices seigneuriales, et l'on proclamait les droits de l'homme. En conséquence, tous les titulaires de bénéfices ecclésiastiques furent contraints de faire la déclaration des biens de leurs bénéfices, ainsi que des maisons et établissements qui en dépendaient. A Saint-Just, l'abbé se soumit à cette prescription par l'intermédiaire du prieur, André Dupont, et de son fermier, Valentin Le Grand, maître de la poste aux chevaux.

Le 14 juillet 1789, les moines durent se prêter aux réjouissances, plutôt profanes que religieuses, appelées fètes de la Fédération ou de la Concorde, en célébrant un service dans l'église paroissiale de Saint-Just. Les cloches retentirent pour le Te Deum national : c'était leur chant du cygne.

Le mercredi 2 mars 1791, le président Isoré et les administrateurs du Directoire du district de Clermont examinaient, en assemblée, les comptes de l'abbaye. Le motif apparent était de vérifier l'état des revenus, afin d'établir le chiffre de la contribution patriotique qu'on devait imposer à chaque monastère. Ce que l'on se proposait c'était de préparer la vente des biens déclarés nationaux. Le conseil constata une somme de 17,083 livres 17 sols 10 deniers en recettes, et une de 11,201 livres 5 sols 8 deniers en dépenses. Balance: la recette excède la dépense de 5,882 livres 12 sols 2 deniers. Il prit aussitôt la délibération suivante, dont la formule est un hommage directorial, auquel le prieur et les prémontrés durent être fort peu sensibles :

Considérant que les religieux de Saint-Just, qui méritent la plus grande considération à cause du bon ordre de leur administration, ont tous déclaré être dans l'intention de quitter la vie commune, que leur sortie de la maison conventuelle, le transport de leurs effets mobiliers et la nécessité de changer leurs habillements leur occasionneront indispensablement des frais assez considérables, qu'il serait preque impossible de prélever sur leur traitement (1), sans gêner considérablement leur exis

(1) Tableau des religieux de l'abbaye de Saint-Just en 1790, avec le

T. XII.

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tence, le Directoire du district croit devoir solliciter celui du département en leur faveur, afin qu'il leur soit accordé à chacun une somme de 300 livres pour subvenir à ces différentes dépenses (2).

Ainsi les moines de Saint-Just furent-ils aidés à quitter leur monastère. Il serait impossible aujourd'hui de dire ce qu'ils devinrent. Ils refusèrent de prêter le serment constitutionnel prescrit par les lois des 26 décembre 1790 et 27 avril 1791. L'un d'eux, J. Flamant, demanda un passeport à la municipalité de Saint-Just, qui refusa, « car elle était si bornée et si méchante « que personne n'osoit l'approcher. Aucun d'elle ne savoit lire; << ils faisaient tous des signatures à la serpe. Leur secrétaire « était à peu près de leur genre, etc. » (3). Plusieurs, nous a-ton assuré, se retirèrent à Rouvillers, où ils laissèrent passer la tourmente révolutionnaire; nous ne savons ce que sont devenus les autres.

Quant aux immeubles de l'abbaye, ils furent vendus comme biens de la nation. En vertu d'un décret du 3 novembre 1790,

chiffre de leur traitement.

Plessier 444 habitants.

:

-

- Population de Saint-Just: 722 habitants; du

1. André-Avellin-Louis-Auguste Dupont, prieur-curé, âgé de soixantedouze ans, 1,200 livres (réduites à 600 livres, à cause d'un autre traitement comme curé)....... 600 liv.

2. Louis Lalan, procureur, âgé de soixante-quinze ans..... 1,000 3. Alexis-François-Joseph Hoquet, religieux, âgé de cinquante ans et demi..........

4. Eloy-Joseph Flamant. religieux, âgé de trente-six ans... 5. François-Louis-Poupée Raout, religieux, âgé de vingtneuf ans...

1,000
900

900

6. Antoine-Joseph Haquet du Tourbois, religieux, âgé de vingt-sept ans......

900

1,000

7. Marc Ligier, religieux âgé de soixante-six ans.

:

Total......

6,300 liv.

(Arch. de l'Oise Registre des adjudicat. du district de Clermont. Série Q.) (2) Ib.

(3) Reg. de la mairie de Saint-Just. Lettre du maire au sous-préfet de Clermont, en date du 28 messidor an VIII. Nous regrettons vivement que la municipalité ne possède pas le registre des délibérations de la commune durant la période révolutionnaire.

le vol devint légal. Aussi, n'était-il pas de petit propriétaire possédant quelques assignats en portefeuille, qui ne jetât son dévolu sur un quartier de terre à sa convenance. Le 24 février 1791 on adjugea, après la dernière enchère, à Jean-Baptiste Dupont-Lévêque, marchand de fers à Clermont, le pré du Puchot (sept arpents vingt-huit perches), y compris l'emplacement de la chapelle de Saint-Just, planté d'ormes, avec deux parties du pré Catiche (douze arpents quarante et une verges et trois arpents soixante et onze verges), moyennant le prix de 17,050 livres.

Le 15 mars suivant, la ferme de Boutavant fut achetée par Hue-Jacques-Edouard Dauchy, député à l'assemblée, pour 75.300 livres. Le tout, avec un jardin et les bâtiments de ferme, était loué à Valentin Le Grand pour 1,200 livres de prix principal et quinze septiers de blé froment, cinq de seigle et dix d'avoine, à la mesure de Clermont.

Le 5 avril 1791, les fermes de Morvillers, écart de Catillon, vers le nord de cette commune, qui appartenaient, dès 1162, à l'abbaye de Saint-Just, où elle avait une chapelle, furent vendues à Antoine Delahautoye, fermier qui les exploitait, par moitié avec Pierre-Nicolas Warré, laboureur à Morvillers. Prix : 324,300 livres. L'ensemble, sans comprendre les bâtiments, formait une étendue de cinq cents arpents de terre, louée moyennant 8,400 livres d'argent et deux cent cinquante-six mines de blé, deux cent trente-six d'avoine, à la mesure de Beauvais, et cinquantesix mines de blé et cinquante-sept mines d'avoine, mesure de Clermont. Ces deux fermes ont été réunies vers 1870 en une seule, qui contient deux cent-dix hectares et appartient à divers propriétaires, aux héritiers d'Haudicourt de Tartigny, Budin, Caron et Lecomte, de Paris, etc. La terre, comme celle de Trémonvillers, est bonne et franche. Les rendements en céréales sont de quinze à vingt quintaux métriques par hectare, année moyenne, et parfois de trente.

Le même jour, moyennant 630,100 livres, somme offerte par Alexis Leclerc, marchand d'eau-de-vie à Ansauvillers, au nom de Claude-Denis Dodun, bourgeois de Paris, y demeurant, 5, place Vendôme, la ferme de Trémonvillers fut aliénée.

Les agents de la nation expédiaient vivement les affaires, et franchement les habitants de la contrée furent apres à la curée.

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