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UN ÉPISTOLAIRE DE LA CATHÉDRALE

(MANUSCRIT DE L'AN 1700).

EPISTOLÆ & EVANGELIA

annualium et solemnium festorum ad usum insignis Ecclesiæ Belvacensis.

M. DCC.

Epitres et Evangiles des annuels et fêtes solennelles, à l'usage de l'insigne Eglise de Beauvais. 1700. - (Dimensions: 0.37 cent. sur 0.28 cent. Au-dessus de la date on voit deux L entrelacées, chiffre de Louis XIV). — Tel est le titre d'un beau livre, grand in-4°, sur peau de vélin de très forte épaisseur, avec nombreuses enluminures, dont nous pouvons raconter l'histoire sommaire, c'est-à-dire son origine et son exécution.

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Elle nous est indiquée suffisamment par la dédicace du volume. Un chanoine régulier, nommé Jean-Baptiste Molé, en est l'auteur. C'était l'un des moines du monastère de Saint-Quentin de Beauvais, peut-être titulaire de la prébende fondée en la cathédrale par l'évéque Guy, et que deux religieux de cette abbaye devaient desservir, l'un sous la désignation de prior de cameră,

et l'autre de sous-prieur de la chambre (1). Jean-Baptiste Molé signe son œuvre en faisant précéder son nom, comme les religieux, d'un F, qui veut dire frère, et en le faisant suivre simplement du qualificatif de « chanoine régulier. Lorsqu'il fit présent de son Epistolaire, l'an 1700, à MM. les doyen et chanoines de la cathédrale de Beauvais, voici en quels termes il le leur remit :

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« Enfin, dit-il, très ardents zélateurs du culte divin, ce livre des Epitres et Evangiles voit le jour. Autant vous l'attendiez avec impatience, autant j'y apportai de soins pour achever en une année cet ouvrage depuis si longtemps désiré.

« Très longtemps aussi un tel travail, orné de tant de miniatures, m'a paru au-dessus de mes forces; mais, Dieu aidant, j'ai eu confiance qu'il vous sera agréable et qu'il vous plaira, si vous ne me refusez pas cette bienveillance avec laquelle vous accueillez toujours ceux qui sont dévorés du zèle de la maison du Seigneur, qui en aiment la beauté et le lieu où habite sa gloire. « Salut. << F. JEAN-Bte MOLÉ, <chanoine régulier.

L'expression de ce respectueux hommage offert au Chapitre est écrite sur le verso du premier feuillet. Nous en copions volontiers le texte latin (2), par égard pour l'auteur lui-même. Il avoue avoir mené à bonne fin, en une année de son temps, ce livre qui renferme 140 pages; sa peine vaut bien quelques ins

(1) Voir Mém. de la Soc. Acad., année 1869, t. vII, p. 296 et 313. M. l'abbé Deladreue: Maisons canoniales.

(2) Venerabilibus viris DD. Decano et Canonicis.

Tandem aliquando, Divinæ gloriæ Zelatores studiosissimi, prodit in lucem Epistolarum liber et Evangeliorum; quem quanto peroptastis studio, tantâ ei incubui diligentiâ, ut quod tamdiu concupistis, uno anno perficerem. Tantum opus et tot distinctum coloribus viribus meis impar visum est diutissime; at Dei fretus auxilio, gratum illud et jucundum fore confido, si mihi eam non denegatis benignitatem quâ semper excipitis hos quos comedit zelus domûs Domini, quique decorem ejus diligunt et locum habitationis gloriæ ipsius. Valete.

Offerebat F. J. B. Molé, canon. reg.

tants d'examen attentif sur un ouvrage qu'une pieuse patience seule pouvait chercher à embellir de la sorte.

Le volume que nous décrivons contient la collection des Epttres et des Evangiles que le sous-diacre et le diacre venaient chanter au pupitre, à toutes les messes solennelles de l'année, sous l'ancien rite de Beauvais. En sy rendant, ils tenaient l'épistolaire incliné sur la poitrine; ce qui explique la reliure extérieure dont nous dirons un mot tout à l'heure.

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On a réuni ainsi en un volume séparé, pour plus de commodité, des extraits du Missel complet ou plénier, Missale plenarium, comme on l'appelait dans le langage liturgique. De là vint qu'on le désigna sous le nom barbare d' épistolier» epistolarium, comme on appelle du reste tous les lectionnaires comprenant les Epitres et Evangiles, ou bien sous celui d'évangeliaire, quoique cette appellation s'applique aux livres renfermant seulement les Evangiles de la messe. La langue grecque est plus riche, et d'un mot elle concilie les deux choses: añoσтoλOEŮKYYEÀIX.

Tout le texte semble avoir été écrit ou mieux impressionné au pochoir. Pour les majuscules tantôt rouges, tantôt noires, aussi bien que les titres de chaque fête marqués toujours en couleur rouge, cela ne fait pas de doute. On voit avec quelle persévérance le religieux compositeur a su, après avoir tracé soigneusement au crayon de plomb, aligner ses lettres l'une après l'autre ! Elles ont toutes la forme des caractères romains.

Nous regrettons que les chapitres et leurs versets d'où le texte est tiré ne soient jamais indiqués, ni les dates des fêtes ellesmêmes. Mais cet oubli ne mérite pas le plus léger reproche, attendu que le livre composé pour des ecclésiastiques instruits fut à leur usage exclusif.

Les grandes initiales sont ou rouges ou dorées et réchampies, toujours renfermées dans un cadre d'or carré et couvert de miniatures charmantes qui forment de ravissants petits paysages. Plantes, ruisseaux, rivières, grottes, labyrinthes, bosquets, montagnes, vallées, beau ciel, villages pittoresques, chemins escarpés, tours, forteresses, châteaux, étangs et barques flottant à voile déployée la nature sous tous ses aspects remplit ces ta

bleaux de suave poésie. L'iconographie, en effet, est sœur de la poésie, habituée comme elle à marcher dans le chemin des allégories emblématiques (1).

Chaque page est encadrée d'un double listel rouge, lequel toutefois est remplacé de distance en distance par de grands motifs de décoration et d'enluminures parlantes, en rapport avec la fête du jour. En y arrêtant les yeux, on remarque facilement que l'œuvre du dessinateur, à coup sûr inspiré par le goût de l'époque, notamment dans les cartouches ornés et dans les divers arabesques, a suivi cependant un thème pieux au milieu des caprices de l'imagination, et que le texte même des Epîtres et des Evangiles a été interprété avec le pinceau, comme par exemple à la fête du Saint-Sacrement, à la Saint-Pierre, etc.

Cette dernière observation s'applique à nombre de solennités indiquées dans ce Recueil. En voici d'ailleurs l'ordre chronologique, avec quelques notes succinctes sur les miniatures qui sont plus saillantes et qui offrent plus d'agrément dans la couleur :

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1o La Circoncision. Le moine, évidemment, avait son idée en placant le couteau sur l'autel ut circumcideretur puer.

2o L'Epiphanie.

Une nature resplendissante traduit bien l'et ambulabunt gentes in lumine tuo. Au-dessus de l'étable de Bethleem brille l'étoile des Mages.

3° Saint Lucien, saint Maxien et saint Julien.

L'évangile est celui des huit béatitudes. L'illustration représente une montagne du haut de laquelle Jésus parlait au peuple.

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-

5° Conversion de saint Paul. Les barques et les filets correspondent à l'évangile Ecce nos reliquimus omnia et secuti sumus te. Les apôtres avaient quitté ces instruments de pêche.

6° Purification de la sainte Vierge.

7° Chaire de saint Pierre à Antioche.

8° Saint Joseph. · Cum esset desponsata maler ejus... Le lit nuptial est représenté: torus immaculatus.

9° Annonciation de la sainte Vierge.

10 Dimanche de la Résurrection.

On reconnaît facilement la pensée

(1)

Pictoribus atque poetis

Quidlibet audendi semper fuit æqua potestas.

(Horat. Ars poet‹).

du décorateur : le lion de la tribu de Juda au-dessus de l'agneau pascal, le pélican en regard du phénix sont de touchantes oppositions symboliques, au milieu des arabesques.

Le chant de l'Evangile était-il plus solennel qu'un autre jour, ou bien a-t-on voulu aider seulement le chanteur, en lui notant quelques passages? Quoiqu'il en soit, le scribe patient nous donne des ritournelles ou neumes de l'aucienne mélodie beauvaisienne qu'il a notés en plain chant (clef d'ut sur la deuxième ligne) dans le corps du texte, seulement au jour de Pâques et à la Saint-Pierre, à la plus grande solennité de l'année et à la fête patronale de l'église cathédrale. A chacun de ces jours, le dessin occupe toute la grandeur de la feuille.

11o Dimanche in albis (Quasimodo). — Le portique clos du cénacle où le Sauveur ressuscité apparut rappelle les premières paroles de l'évangile de ce jour... quum fores essent clausæ, ubi erant discipuli congregati. 12° Saint François de Paule.

13' Ascension.

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Une lamière éclatante brille au sommet de la montagne et enveloppe le Christ remonté au ciel. L'empreinte d'un de ses pas est indiquée comme la tradition le rapporte.

14 Invention de la Sainte-Croix.

Calvaire.

15° Saint Philippe et saint Jacques.

Trois croix sont plantées sur le

16° Saint Germer et saint Evrou, abbés. — Une église abbatiale signifie leurs titres et prérogatives.

17° Veille de la Pentecôte.

Un des plus délicieux paysages du moine

Molé nous charme à cet endroit du volume.

18° Pentecôte. Le cénacle est vide, seules les langues de feu y sont disséminées; déjà les apôtres sont sortis prêcher l'Evangile.

19° Dimanche de la Sainte-Trinité. Evidemment la montagne si élevée dans le dessin de ce jour rappelle le premier mot de l'épître O altitudo divitiarum. Le triangle symbolise la trinité et l'unité de Dieu.

Au

20° Solennité du très Saint Corps de Jésus (Saint-Sacrement). près de l'épître se trouve un champ de blé aux épis mûrs, matière du sacrement de l'Eucharistie. A l'évangile : le pain et le vin sur une table. Dans les vignettes des gerbes de froment et des grappes de raisin, la manne tombant dans le désert auprès des tentes et les pains de proposition, autant de figures de l'Eucharistie.

21° Saint Jean-Baptiste.

Dans la vignette qui précède l'épître un désert est représenté. On n'a pas oublié les sauterelles sur le carton de l'en-tête.

22° Saint Pierre et saint Paul. Des fleurs rouges, des roses partout, emblêmes de leur martyre, et les clefs entrelacées du chef des apôtres. On les voit aussi suspendues à un arbre plein de vigueur, image de

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