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Étienne Tenon

toutes fois qu'il lui plaira aller jouer audit jeu de paulme et lui bailler des esteufz blancs, et pour ceux qu'il perdra n'en payera que trois deniers pour pièce, et s'il n'en perd plus de trois, n'en paiera aucune chose, >> laquelle condition, après le décès dudit « maistre Estienne, >> retournera à Guillaume Tenon, son frère (1). Parmi les charges du bail, il est aussi noté que les preneurs devront fournir annuellement « deux douzaines d'esteufz blancs (2). »

Le jeu de paume, ainsi tenu en honneur par les clercs, était de même le divertissement accoutumé des grands seigneurs. Nos archives locales nous en donnent fréquemment la preuve. Au mois de septembre 1460, Madame la comtesse de Nevers ayant fait sa nouvelle entrée à Nevers, avec Mgr d'Albret, son père, les échevins leur firent donner deux quarts de vin et une boîte de dragées, un jour des Quatre-Temps qu'ils sont allés « après dyner, en la maison de ville, voir jouer à la paulme (3).

Le 14 novembre de la même année, M. le comte de Charolais faisant aussi sa joyeuse et nouvelle entrée à Nevers, il va voir jouer à la paume avec Monsieur le comte de Nevers et Madame, et on lui donne dragées, pain, vin et épices.

L'année suivante, au mois de février 1461, M. le comte d'Étampes, frère du comte de Nevers, étant venu en cette ville, après une absence de plus de vingt années, les échevins le reçurent avec de grands honneurs et lui firent de nombreux présents.

Le soir, dit le receveur Philibert Poimbeuf, mesdits seigneurs de Nevers et d'Étampes et Madame la comtesse étant allés, « pour leur plaisance », regarder jouer à la paume en la

(1) Minutes Taillandier, archives des notaires.

(2) L'esteuf, que l'on prononce éteuf, était une petite balle faite d'étoffe et garnie aussi d'étoffe, comme l'indique le vieux mot latin stoffus, étoffe. (Dictionnaire de Littré.)

(3) Archives communales, comptes, série CC. 56.

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maison de ville, on leur offrit la collation, dont le menu consistait en douze quartes de vin tant blanc que vermeil, du pain blanc, des poires, « noizetes, noiz » et autres fruits (1). Il y avait donc un jeu de paume dans l'hôtel de ville, et voici comment: Lorsqu'en 1433 Jean Bourgoing, « huchier (2), qui avait acheté les bâtiments abandonnés de l'Hôpital-Neuf, dans la rue des Merciers, les eut revendus aux échevins qui voulaient y établir leur maison commune, ces constructions reçurent dès le premier moment le nom de Maison-de-Ville (3). Or, un jeu de paume, établi peut-être par ledit sieur Bourgoing ou d'origine plus ancienne, était renfermé dans ces bâtiments, et les seigneurs comtes et leurs familiers continuèrent à aller s'y ébattre et à y conduire leurs nobles visiteurs.

Au dernier siècle encore, en 1767, la ville fait faire des réparations « au jeu de paulme » (4).

Cependant le comte dut avoir bientôt son jeu de paume particulier dans son château de Nevers. Un ancien terrier de l'hôpital mentionnant les redevances qui lui appartiennent en la paroisse de Varennes-les-Nevers, observe qu'elles avaient été données en janvier 1559 par le duc de Nivernais, en récompense de plusieurs maisons « où est le jeu de paulme du chasteaul», lesquelles maisons étaient anciennement portées et tenues de l'hôpital (5).

Un titre de 1600, relatif à une maison assise en la rue des Ouches la délimite en ces termes : « Tenant d'une part à l'estable et scellier de noble seigneur Jehan de Damas, baron d'Anlezy, d'autre aux murailles du chasteaul et du grand jeu de paulme de Monseigneur le comte de Nevers.

Dans l'arrêté pris au commencement de ce siècle (4 mai

(1) Archives communales, CC. 57.

(2) Et non huissier, comme le porte l'édition très-souvent fautive des Archives de Nevers, de Parmentier.

(3) Archives de Nevers, t. I, p. 132-133.

(4) Archives communales, CC. 218.

75) Archives hospitalières de Nevers, B. 50.

1809) pour la démolition et la reconstruction du mur du château donnant sur la rue des Ouches, lequel mur, dit l'arrêté, surplombe par suite des déblais de la nouvelle rue (la rue Sabatier) qui conduit de la promenade du château à la place du Marché-aux-Blez, il est aussi noté, comme pour conserver un dernier souvenir, que les déblais ont été deposés dans l'emplacement de l'ancien jeu de paulme, attenant le château.

Dès le seizième siècle les jeux de paume étaient entrés dans le domaine public, et dès-lors ils se multiplièrent (1). Outre celui de la Salemande, dans la rue actuelle du Lycée, alors rue des Francs-Bourgeois, voici celui de la Cigogne, en la paroisse Saint-Arigle. En 1565, le 1er octobre, honorable homme Nicolas Gryngoreaul, marchand « estuvier » demeurant à Nevers, vend à maître Jacques Desprez, élu pour le roi en l'élection de Nivernais, une redevance annuelle et perpétuelle de 8 livres 6 sols 8 deniers tournois, constituée sur la maison où lui Gringoreaul fait sa demeurance et qu'il a naguère acquise de honorable homme maître Guy Cotignon, secrétaire de Mgr le maréchal de Bourdillon; laquelle maison, ci-devant appelée la maison de la beufve, tenant d'une part à la rue qu'on descend derrière l'église Saint-Arigle à la porte Saint-Nicolas, dite du Pont-Cizeau, et d'autre. à la maison presbytérale de la cure de Saint-Arigle, il a fait reconstruire, y faisant faire un jeu de paulme, et y plaçant pour enseigne « la Cycoingne » (2).

La maison du « jeu de paulme de la Cigongne »> appartenait en 1592 à noble homme Claude Miron, prévôt en la maréchaussée de Nivernais, qui l'affermait pour cinq années à Jehan Guelot, maître paulmier, moyennant le prix de

(1) « Je donneray le premier lieu à celuy (le jeu de paulme) auquel on peut aussi dire la nation françoise estre plus adonnée qu'aucune autre tesmoin le grand nombre de tripots qui sont en cette ville de Paris.» (Dictionnaire de Littré, citant H. Estienne, le célèbre éditeur, mort à Lyon en 1520.)

(2) Archives des notaires, minutes Taillandier.

27 écus 40 sols, payables par chacun an, à quatre termes égaux, et aussi à la condition que ledit Guelot sera tenu ◄ faire sa demorance audit jeu de paulme, le faire valoir, l'entretenir de racquettes, battouers, esteufs, balles et aultres choses appartenant audit jeu ».

Plus anciennement encore devait exister le jeu de paume des Quatre-Fils-Aymon. Déjà, en 1530, les échevins faisaient sortir de la ville un bonnetier demeurant près les QuatreFils-Aymond, parce que deux de ses enfants étaient morts. de la peste. Un acte de 1558 cite la maison où pend l'enseigne des quatre filz Emond, sise à l'extrémité d'une petite ruelle venant de la descente de la montée du château à la rue de la Costellerie (aujourd'hui rue de l'Oratoire). Le dernier jour de juin 1603, par-devant le notaire Taillandier, François Berthelot, marchand, demeurant à Nevers, baille et accense pour trois années, commençant au jour de la nativité de saint Jean-Baptiste dernier et finissant à pareil jour, à Claude Drault, maistre paulmier », demeurant audit Nevers, « ung jeu de paulme assis en cette ville, appellé le jeu des Quatre-Fils-Aymon, avec la chambre joignant ledit jeu », moyennant le prix de 65 livres par chacun an, payé par moitié aux termes de la nativité de Notre-Seigneur et de saint Jean-Baptiste. Un acte de vente du 22 octobre 1638 fait mention de la maison et « tripot entiennement appellé les Quatre-Fils-Edmond », qui a cidevant appartenu à François Berthelot, puis à Charles Carré, et a été ensuite vendue et adjugée par décret à noble homme et sage maître Christophe Cochet, avocat général au domaine de Nivernais, et à maître Thomas Berthelot, marchand à Nevers.

Le souvenir de cet ancien établissement est aujourd'hui rappelé par la rue qui en porte le nom.

Dans le siècle suivant, il est fréquemment question d'un autre jeu de paume et tripot appartenant aux Gascoing, dans la rue des Merciers. En 1696, le conseil de ville consent l'acquisition d'une maison appartenant à maître

Claude Girard de Cheugny, élu en l'élection de Nevers, ladite maison tenant par le devant, du midi à la rue de la Maison-de-Ville (rue Traversière avant son prolongement pour la création de la rue de la Banque en 1865), du couchant à l'hôtel commun de la ville, du septentrion à la rue de Rome et du levant au jeu de paulme des Gascoing (1). Cet établissement était occupé en 1689 par Antoine Delorme, maître paulmier. Il y eut alors une procédure à la requête de François Baillet, compagnon paulmier de la ville de Châlons en Champagne, demeurant audit « jeu de paulme des Gascoing », à l'encontre des nommés Bouteron, fils d'un paumier de Moulins en Bourbonnais, et Mesnier, compagnon paulmier, accusés d'avoir cherché querelle audit Baillet et de l'avoir violemment frappé (2).

De l'ancien jeu de paume il ne reste plus aujourd'hui qu'un léger souvenir dans le nom du café de la Paume, qui paraît occuper, en effet, l'emplacement du premier jeu de paume de la ruc des Merciers.

L'abbé BOUTILLIER.

SÉANCE DU 31 MAI 1883.

Présidence de M. ROUBET, président.

Étaient présents: MM. Roubet, président; l'abbé Boutillier, vice-président; Ernest de Toytot, secrétaire; Bricheteau, trésorier; Henri Canat, conservateur du musée; M. Canat, Regnault, Chevrier, Charles du Verne, Victor du

(1) Archives communales, registre des délibérations, BB. 32. (2) Archives communales, dénonciations, FF. 15.

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