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de Montijo, grand-d'Espagne ; D. Joseph de Yeregui, précepteur des infants D. Gabriel et D. Antonio ; D. Joseph de Linacero, chanoine de Tolède, instituteur du cardinal de Bourbon; D. Antoine Cuesta, archidiacre d'Avila; D. Jérôme Cuesta, son frère, chanoine-pénitencier de la même église; D. JeanAntoine Rodrigalvarez, archidiacre de Cuença, et F. Manuel Centeno, religieux augustin, homme d'un mérite distingué. On trouvera l'histoire de la persécution de ces illustres Espagnols dans les chapitres indiqués.

X. Le procès du Marseillais Michel Maffre des Rieux appartient aussi au règne de Charles IV. Il en est de même de ceux du Boiteux de Madrid, qui se prétendait magicien ; de l'homme qui niait l'existence des démons (j'en ai parlé dans les chapitres V et XI); d'un prêtre séculier, puni comme criminel pour son langage trop doux, et presque amoureux, ,lorsqu'il entendait les confessions de quelques religieuses ignorantes et crédules; et de celui d'un capucin qui prétendait avoir des révélations surnaturelles, dont il est parlé au XXI chapitre. Il y en eut beaucoup d'autres encore; mais, comme je n'ai pas entrepris de rapporter toutes les affaires jugées sous ce règne par l'Inquisition, je me borne à celles qui sont les plus propres à intéresser.

XI. D. Bernard-Marie de Calzada, colonel d'infanterie, beau-frère du marquis de Manca, m'intéressa vivement dans son malheur, lorsqu'il fut arrêté par le duc de Medinaceli, grand-prévôt du Saint-Office : j'accompagnais celui-ci comme secrétaire, le greffier du séquestre étant tombé malade. D. Bernard était père d'un grand nombre d'enfans, qui se trouvaient

réduits à l'indigence, et je souffrais de voir la triste. situation de leur mère. Je présume que cette dame n'aura pas oublié la manière dont je me comportai dans cette triste nuit, et dans une autre visite que je lui fis le lendemain. Le malheureux Calzada, à qui ses, appointemens d'employé dans le ministère de la guerre ne suffisaient point pour soutenir sa nombreuse famille, avait entrepris la traduction de quelques ouvrages français, et composé un écrit mêlé de satires, qui lui avait fait des ennemis parmi quelques fanatiques, et des moines qui, en affectant un grand zèle pour la morale la plus austère, se montraient intolérans pour tout ce qui n'était pas conforme à leurs idées. Ils perdirent, par leurs dénonciations, cette famille, dont le chef, après avoir passé quelque temps dans les prisons du Saint-Office, se soumit à une abjuration de tevi, qui équivalait presque à une absolution, pour des articles qui concernaient la foi, et fut ensuite banni de Madrid, après avoir renoncé à sa place, et à l'espoir d'un avancement.

XII. L'Inquisition de la cour se montra plus indulgente à l'égard du marquis de Narros; quoique beaucoup de témoins eussent déposé l'avoir entendu soutenir des propositions hérétiques de Voltaire et de Rousseau qu'il s'était vanté d'avoir lus, ainsi que Montesquieu, Mirabeau, le baron d'Holbac, et d'autres philosophes de la même école, on lui épargna la honte d'une prison, et d'une censure publique. On trouva plus décent de prier le comte de Floridablanca, premier ministre secrétaire d'état, de lui écrire par le courrier ordinaire de la province de Guipuscoa, où il résidait alors, pour le prévenir que le roi avait ordonné de le faire venir à Madrid pour des affaires du

gouvernement. Le marquis se hâta de se rendre å la cour, d'autant plus satisfait d'en avoir reçu l'ordre qu'il s'était flatté d'être nommé sous-gouverneur du prince des Asturies, aujourd'hui Ferdinand VII; c'est ce qu'il avait dit à son parent le duc de Granada, chez qui il était descendu en arrivant dans la capitale. Il reçut, le lendemain, l'ordre de ne point sortir de Madrid, et de se présenter lorsqu'il en recevrait l'avis dans la salle des audiences de l'Inquisition. Il avoua, quelque temps après, les charges qu'on avait reques contre lui, y ajouta même quelques aveux, protestant néanmoins qu'il n'avait point cessé d'être bon catholique, et que le désir de passer pour l'homme le plus instruit de son pays était le seul motif qui l'avait porté à avancer ces propositions. Il abjura comme suspect de levi; on lui imposa des pénitences secrettes, et son affaire ne fut connue que d'un trèspetit nombre de personnes. Si le tribunal suivait toujours cette règle, aucun homme distingué n'aurait à craindre d'être diffamé; car tous se présenteraient devant les juges en protestant, comme le marquis de Narros, de la pureté de leurs instentions. L'intérêt personnel suffirait pour faire éviter la diffamation ; et l'on ne verrait parmi les prisonniers que des individus de la classe du peuple qui, n'ayant rien à perdre par la fuite, n'avaient pas pris le parti de sortir de l'Espagne au lieu de se présenter devant le tribunal pour répondre aux charges.

XIII. Les inquisiteurs de Valence mirent en jugement F. Augustin Cabades, commandeur du couvent des religieux de la Merci, et professeur de théologie à l'université de cette ville: il ne sortit des prisons du Saint-Office que pour subir la peine d'une

abjuration; mais lorsqu'il eut été mis en liberté, il demanda la révision de son jugement, et le conseil de la Suprême reconnut la justice de son appel. F. Augustin fut réhabilité dans son honneur et dans sa place, et le jugement porté contre lui déclaré nul et sans effet pour l'avenir. On est fâché de voir que, pendant que le conseil suit l'esprit de son siècle et le progrès des lumières dans un grand nombre de procès, il n'a point le courage de proposer au roi que tout accusé soit élargi avec sa caution juratoire, après avoir répondu à l'accusation du procureur fiscal. On ne peut douter qu'un grand nombre d'accusés n'eussent prouvé leur innocence, et récusé avec avan, tage les témoins de l'instruction préparatoire.

ARTICLE II.

Procès fait à D. Marianno Louis de Urquijo, depuis premier ministre secrétaire d'état.

I. D. Marianno Louis de Urquijo, premier ministre-secrétaire-d'état de Charles IV, fut aussi l'objet des persécutions du Saint-Office. Né avec une force d'ame extraordinaire, une éducation soignée le familiarisa avec les connaissances de son siècle, et l'éleva au-dessus de ses erreurs. Il se fit connaître dès sa première jeunesse par une traduction de la Mort de César ( tragédie de Voltaire ), qu'il publia à la suite d'un Discours préliminaire sur l'origine du théâtre espagnol, et son influence sur les mœurs. Cette production, qui décelait seulement un généreux désir de gloire, et l'ardent génie de son jeune auteur, excita l'attention du Saint-Office. Des recherches secrettes furent dirigées sur les opinions religieuses du chevalier de Urquijo, à qui les seules pratiques extérieures ne tinrent point lieu de vertu. Le tribunal s'assura qu'il manifestait une grande indépendance dans ses idées, et qu'avec un goût décidé pour la philosophie, il se livrait tout entier à l'étude de cette science, qualifiée par l'Inquisition de doctrine des incrédules. On se disposait en conséquence à le faire emprisonner lorsque le comte d'Aranda, premier ministre, secrétaire d'état, qui avait pénétré son mérite ( ayant remarqué son nom sur la liste des jeunes gens distingués que le comte de Floridablanca, son prédéces→ seur, destinait à la diplomatie ), proposa au roi de

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