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qu'il était possédé du malin esprit; l'inquisiteur » David adoucit la rigueur de sa justice, en flattant, › avec les sons agréables de la harpe, l'oreille de » Saül: donc, la pierre et la harpe désignent l'épée » et l'olive du ministère de l'inquisiteur. Le livre › de l'Apocalypse est scellé de sept sceaux, parce » qu'il figure la procédure de l'Inquisition, laquelle » est si secrette qu'elle semble scellée de sept mille » sceaux. Il n'y a qu'un lion qui puisse l'ouvrir, et » ce lion devient ensuite un agneau. Peut-on voir > une image plus frappante d'un inquisiteur? Pour la >> recherche des crimes, c'est un lion qui terrasse; » après les avoir découverts, c'est un agneau qui >> traite tous les coupables écrits dans le livre avec » bonté, douceur et compassion. Des vieillards sont >> présens avec des fioles et non avec des bouteilles, » et ces fioles ont l'ouverture très-petite: donc, >> les inquisiteurs et les ministres doivent parler peu. » Ces odeurs sont aromatiques; saint Jean dit » qu'elles sont l'image des prières des saints; ceux>> ci ne sont autres que les inquisiteurs eux-mêmes, » qui prient avant de porter leurs sentences. Le texte » dit que les ministres portent aussi des épinettes: » pourquoi ne sont-ce pas des luths et des guitares? » Parce que cela n'aurait pas convenu; les cordes de » ces deux derniers instrumens de musique sont faites » de peaux de bêtes, et les inquisiteurs n'écorchent » personne. Les épinettes ont des cordes de métal; » voilà pourquoi les inquisiteurs sont obligés d'employer le fer et de l'appliquer suivant les circons»tances et les besoins des coupables. La guitare se touche avec la main, symbole du pouvoir despo>tique; l'épinette, avec la plume, signe du savoir;

cela doit être ainsi, parce que les inquisiteurs dé» cident, inspirés par la science, et non par le des» potisme. La main dépend du corps et de ses » influences; la plume est un objet qu'on ne peut séparer, et qui en est indépendante: donc, il › convient que ce soit une épinette et non une gui» tare, parce que le jugement que porte un inqui>> siteur n'est dicté par aucune influence étrangère.

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V. Je ne pousserai pas plus loin ces citations inspirées par le délire, et qui ont paru sous le titre de sermons évangéliques. J'espère qu'on m'excusera de les avoir présentées, si l'on fait réflexion qu'elles font connaître l'état des lumières et le goût qui dominait dans la littérature sous le règne de Charles II. On ne sera plus surpris de voir les inquisiteurs se porter à tant d'entreprises scandaleuses, après s'être persuadés qu'ils étaient jusqu'à un certain point plus puissans que le monarque lui-même, comme le prouvent les démêlés dont j'ai parlé dans le chap. XXVI.

VI. Parmi les procès particuliers que j'ai lus à Saragosse, je n'en ai trouvé que trois de remarquables: l'un est de l'année 1680; il fut intenté contre D. Michel de Cetina, chanoine de l'église métropolitaine et dignitaire - trésorier de la cathédrale de Tarazona : l'autre, de l'année 1688, contre D. Michel d'Esteban, chantre de l'église métropolitaine de Saint-Sauveur de Saragosse; et enfin, un troisième, de l'année 1700, où l'on voit figurer comme accusé D. Jean Fernandez de Heredia, frère du comte de Fuentes. Aucun de ces procès ne fut suivi du jugement, parce que les propositions hérétiques qui leur avaient été imputées par les délateurs, ne furent pas prouvées dans l'enquête.

CHAPITRE XL.

Del'Inquisition sous le règne de Philippe V.

ARTICLE PREMIER.

Auto-da-fé et nombre des victimes.

I. CHARLES II d'Autriche étant mort sans enfans, la couronne d'Espagne passa, le 1 novembre 1700, sur la tête de son neveu Philippe V de Bourbon, petitfils de sa sœur Marie-Thérèse, et de Louis XIV, roi de France. Quoique Philippe V eût abdiqué, le 20 janvier 1724, il reprit la même année les rênes du gouvernement à là mort de son fils Louis I", arrivée le 31 août, et il continua de régner jusqu'à la fin de sa vie, c'est-à-dire jusqu'au y juillet 1746. 9

II. Les inquisiteurs généraux pendant cette époque furent D. Balthazar de Mendoza-Sandoval, évêque de Ségovie, qui renonça à ses fonctions au commencement de 1705, d'après un ordre de Philippe, qui nomma pour son successeur D. Vidal Marin, évêque de Ceuta. Celui-ci étant mort, le 10 mars 1709, D. Antoine Ibagnez de la Riba-Herrera, archevêque de Saragosse, lui succéda. Après la mort de celui-ci, arrivée le 3 septembre 1710, les fonctions d'inquisiteur général furent confiées au cardinal D. François Judice, qui fut obligé d'y renoncer en 1716. D. Joseph de Molines lui succéda; il était auditeur de Rote à Rome. Cette circonstance fut cause qu'il ne pût entrer en exercice, parce que les autrichiens le retinrent à Milan comme prisonnier de guerre, et il mourut dans cette ville, Celui qui lui succéda, en 1720, fut D, Diégue d'Astorga

Cespedes, évêque de Barcelonne. On avait nommé D. Jean de Arzemendi; mais il était mort avant d'entrer en exercice, l'emploi vaqua la même année par la démission de D. Diégue qui venait d'être nommé à l'archevêché de Tolède. Celui-ci eut pour successeur D. Jean de Camargo, évêque de Pampelune, qui fut à la tête de l'Inquisition jusqu'au 24 mai 1733, époque de sa mort. On mit à sa place D. André de Orbe-Larreategui, archevêque de Valence; à la mort de celui-ci, arrivée le 4 août 1740, l'Inquisition eut pour chef D. Manuel-Isidore Manrique de Lara, qui avait été évêque de Jaen et occupait alors l'archevêché de Santiago. Celui-ci mourut le 1a février 1745, et D. François Perez de Prado-Cuesta, évêque de Téruel, lui succéda, et était encore en place lorsque Philippe V cessa de régner.

III. L'opinion de la cour était toujours si favorable à l'Inquisition qu'on s'imagina faire une chose agréable au nouveau roi en célébrant son avènement par un Auto-da-fé solennet qui eut lieu en 1701 : mais Philippe ne voulut point suivre l'exemple de ses quatre prédécesseurs qui s'étaient déshonorés par leur fanatisme, et il refusa de se montrer au milieu d'une scène barbare qui ne pouvait plaire qu'à des hommes dont le goût s'était dépravé en entendant des sermons, ou en lisant des livres qui ne dataient que du règne de Philippe II, et qui étaient entièrement contraires à tout ce qu'on avait cru sous Ferdinand V, Charles I", et même pendant la moitié du règne de Philippe II.

IV. Cependant Philippe V ne laissa pas de protéger le tribunal du Saint-Office, et il resta fidèle à la maxime que lui avait inculquée son aïeul Louis XIV. Ce prince (qui fut pendant les vingt dernières années

de sa vie l'un des hommes les plus fanatiques parmi les faux dévots) avait conseillé au monarque espagnol de soutenir l'Inquisition comme un moyen de maintenir la tranquillité dans son royaume.

V. Ce système acquit une nouvelle importance aux yeux du prince, par l'édit que D. Vidal Marin, inquisiteur général, publia en 1707. Cet acte obligeait, sous peine de péché mortel et d'excommunication réservée, les Espagnols de dénoncer ceux qu'ils sauraient avoir dit qu'il était permis de violer le serment de fidélité qu'on avait prêté au roi Philippe V; et tous les confesseurs à s'assurer auprès de leurs pénitens, dans le tribunal de la confession, s'ils s'étaient conformés à ce qui leur était prescrit à cet égard, et de ne point les absoudre avant qu'ils eussent obéi, ou consenti à ce que leurs confesseurs dénonçassent euxmêmes les coupables qu'ils auraient fait connaître. Cette disposition ne laissa pas de produire de l'effet. J'ai lu à Saragosse plusieurs procès intentés par l'Inquisition pour cause de parjure; aucun cependant ne fut suivi du jugement définitif, parce que l'opinion générale s'étant prononcée contre cette mesure parmi les Aragonais, les inquisiteurs n'osèrent pousser les choses plus loin. Une lettre de l'Inquisition de Murcie, du 27 juillet 1709, porte qu'on vient d'y mettre en jugement F. Urbain Molto, religieux franciscain du couvent de Elda, qui a enseigné à tous ses pénitens que le serment de fidélité qu'on avait prêté au roi Philippe V n'était point obligatoire et qu'il était permis de se révolter contre ce prince.

VI. Le règne de Philippe V vit s'éteindre presqu'entiérement le culte judaïque en Espagne, où il s'était propagé (quoiqu'en secret) pour la seconde fois d'une manière

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