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tres magistrats de leurs emplois, de leurs dignités, de leurs biens et de leurs familles.

XVI. Parmi les procès dont j'ai pris connaissance à Saragosse, j'en ai découvert un qui diffère peu de celui de Corella. Il fut intenté en 1727 contre des religieuses du lieu de Casbas, et contre Fr. Manuel de Val, religieux franciscain du même institut. Cependant on ne trouve point dans celui-ci des crimes tels que l'infanticide, des pactes avec le démon, ni aucun autre dont la nature doive avoir horreur. Ce né sont que des actes de faiblesse, accompagnés de tentatives faites pour les dérober à la connaissance des hommes.

XVII. Je trouve encore, parmi les condamnés de ce temps-là, D. Manuel Mares, chanoine-pénitencier de Saragosse en 1716; D. François de Miranda, chanoine de Tarazona en 1719, et D. François de Ximenez, curé-recteur d'Anzanigo en 1736. Cette attaque fut l'effet de l'ignorance et du fanatisme des dénonciateurs, plutôt que de la mauvaise doctrine des accusés, à qui on n'imputa que des propositions hérétiques sur la fornication.

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CHAPITRE XLI.

De l'Inquisition sous le règne de Ferdinand VI.

ARTICLE PREMIER.

Changemens heureux survenus dans les opinions et les idées.

I. PHILIPPE V laissa en mourant la couronne à son fils Ferdinand VI, qu'il avait eu de son premier mariage avec Gabrielle de Savoie. Ce prince régna depuis le 9 juillet 1746 jusqu'au 10 août 1759, où il mourut sans enfans. Il eut pour successeur au trône Charles III, roi de Naples, fils de Philippe V et d'Isabelle Farnèse, sa seconde femme. Lorsque Ferdinand monta sur le trône, l'Inquisition du royaume avait pour chef D. François Perez del Prado, évêque de Teruel. Ce prélat étant mort, D. Manuel Quintano Bonifaz, archevêque de Pharsale, lui succéda dans ses fonctions d'inquisiteur général, et il les exerçait encore à la mort de Ferdinand VI.

II. La naissance du bon goût en littérature dans le royaume d'Espagne, dont la restauration avait été préparée sous Philippe V, date du règne de Ferdinand VI; c'est sur ce fondement que s'est établie l'opinion que l'avènement des Bourbons au trone d'Es pagne a apporté une révolution dans le système du Saint-Office. Cependant ces princes ne donnèrent aucune loi nouvelle à l'Inquisition; ils ne firent aucune

suppression dans son ancien code, et, par conséquent, ils n'empêchèrent point les sacrifices des nombreux auto-da-fe qui furent célébrés sous leurs règnes. Mais Philippe V créa à Madrid les académies royales de l'Histoire et de la Langue espagnoles sur le modèle de celles de Paris, et favorisa les relations amicales et littéraires de quelques savans espagnols connus par leur bon goût, avec le grand nombre de ceux que la France possédait depuis le rétablissement des sciences et des arts sous le règne de Louis XIV.

III. D. Jean de Ferreras, D. Jean de Santander, D. Jean d'Iriarte, D. François Perez Bayer, tous bibliothécaires en chef du roi; D. Grégoire Mayans, D. Louis de Salazar, D. Fr. Benoît Feijoo, D. Félix Massones de Lima, duc de Sotomayor, ambassadeur à Lisbonne, et depuis président du conseil royal des ordres militaires; son frère D. Jaime, comte de Montalvo, ambassadeur à Paris, directeur général du génie, et plusieurs autres grands hommes qui brillèrent, protégés par Ferdinand VI, s'é-' taient formés sous son prédécesseur Philippe V. Mayans et Feijoo indiquèrent la route du bon goût, que d'autres devaient étendre, aplanir et éclairer ; et c'est à leurs leçons que s'est formé le grand nombre de savans critiques qui ont fait honneur au règne de Charles III.

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IV. Le concordat signé en 1737 avec la cour de Rome, au sujet des contributions qui devaient être imposées sur les biens du clergé, et de quelques autres points de discipline, ayant rendu plus rares les recours à Rome, on commença à admettre comme raisonnables un grand nombre d'idées que l'ignorance et la superstition d'un côté, et la malveillance de l'autre,

avaient présentées jusqu'alors comme peu religieuses et favorables à l'impiété. L'établissement des feuilles hebdomadaires fit connaître des ouvrages étrangers, ignorés de tout le monde, ainsi que les résolutions de plusieurs princes catholiques à l'égard des matières relatives au clergé, qu'un peu plus tôt les peuples auraient prises pour des attentats contre la religion et ses minstres, comme on l'avait vu à l'occasion des ouvrages de Macanaz, de Barclay et de Talon. La publication de l'écrit périodique connu sous le nom de Diario de los Literatos (Journal des Savans), qui fut rédigé par D. Jean Martinez de Salafranca, et par deux autres savans, pendant le règne de Philippe V, ouvrit les yeux à un grand nombre de personnes qui, avant cette heureuse époque, n'avaient eu aucun moyen de se diriger dans la connaissance des livres et dans le jugement qu'elles devaient en porter.

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V. Toutes ces circonstances, et d'autres causes qui appartiennent au gouvernement de Philippe V, préparèrent l'intéressante révolution qui s'opéra dans la littérature espagnole sous Ferdinand VI. Telle qu'un arbre d'une belle venue, bien que faible encore on la vit s'élever, prendre des forces, s'étendre et multiplier ses branches depuis l'année 1753, époque où le nouveau concordat avec la cour de Rome affaiblit singulièrement le principe des concessions juridictionnelles en faveur du pouvoir ecclésiastique, en attribuant au monarque la provision de toutes les prébendes; disposition qui fit adopter, par plusieurs jurisconsultes, la doctrine opposée aux maximes ultramontaines, et favorable aux droits du monarque; celle qu'un siècle auparavant on n'hésitait pas à qualifier d'hérétique; de même qu'on voyait alors sou

tenir à Rome l'opinion de Galilée, frappée avec son auteur de l'anatêhme de l'Inquisition, à une époque plus ancienne; et comme on verrait encore aujourd'hui S. Augustin lui-même admettre des antipodes après la découverte de l'Amérique, sans craindre de manquer de respect pour l'Ecriture Sainte.

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VI. Ces heureux changemens furent un grand bien pour l'humanité, parce que les inquisiteurs, et par conséquent tous les employés subalternes du SaintOffice, commencèrent à s'apercevoir que le zèle pour la pureté de la religion catholique est lui-même exposé à admettre comme vraies des opinions erronées. Déjà la doctrine de Macanaz avait cessé d'être un sujet de scandale pour les esprits; déjà on écoutait tranquillement tout ce qui avait été écrit sur les recours contre la violence (Fuerza ), sans craindre l'anathême lancé tous les ans par les papes, dans la bulle in cœna Domini; déjà on ne s'effrayait plus d'entendre dire que bientôt on jouirait en Espagne du droit d'appel comme d'abus, qu'on savait être en vigueur en France, parce qu'il ne différait presque pas de celui qui était invoqué par les Espagnols contre la violence (Fuerza), dans la manière de procéder de la part des juges ecclésiastiques. Ce mouvement rapide imprimé à l'opinion ne devait pas tarder à faire reconnaître combien avait été injuste et oppressive la condamnation de Mur, de Sese, de Zeballos, de Salgado, de Ramos del Manzano, et de tant d'autres jurisconsultes espagnols du siècle précédent, et à inspirer plus de circonspection aux inquisiteurs dans des cas semblables, lorsqu'il s'en présenterait, en leur faisant craindre de déplaire à la cour, qui nommait aux prébendes et aux bénéfices. Je conviens cependant que

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