i et le conseil de la Suprême. Il s'agissait, 1o de l'insertion que les jésuites Carrasco et Casani avaient faite furtivement, et de leur propre autorité, de plusieurs ouvrages catholiques (comme notés de jansénisme), dans l'index publié par l'inquisiteur général Prado en 1747, en abusant de la commission qu'on leur avait donnée de rédiger le catalogue des ouvrages prohibés dans les édits précédens; 2o de la prohibition des œuvres du cardinal Noris, dont les religieux augustins se p'aignirent au pape Benoît XIV; démarche dont on peut voir les suites au chap. XIII; 3o de la même mesure employée contre les écrits du vénérable Palafox, que les inquisiteurs furent obligés de révoquer lorsque le pape eut déclaré qu'ils étaient catholiques, et qu'ils ne devaient point être un obstacle à la canonisation de leur auteur. ARTICLE II. De la franc-maçonnerie. 1. La franc-maçonnerie fut un objet entièrement nouveau pour l'Inquisition. Le pape Clément XII avait expédié, le 4 des Calendes de mai, c'est-à-dire, le 28 avril de l'année 1738, la bulle in Eminenti, dans laquelle il excommuniait les francs-maçons; à la suite de cette mesure, Philippe V fit publier, en 1740, une ordonnance royale contre les mêmes hommes, dont un assez grand nombre furent arrêtés et condamnés aux galères. Les inquisiteurs profitèrent de cet exemple pour traiter aussi sévèrement les membres d'une loge qu'ils découvrirent à Madrid. C'est sans doute une peine terrible de servir sous les chaînes, dans les galères; d'y faire le service de rameurs, sans aucune espèce de rétribution; d'y être réduit à la plus mauvaise nourriture, et d'y recevoir fréquemment des coups de bâton et d'autres châtimens aussi durs : cependant, cette condition est moins terrible que la peine de mort qui fut décrétée dans l'édit de 1739, par le cardinal vicaire de Rome, au nom du grand prêtre du Dieu de paix et de miséricorde. Benoît XIV renouvela la bulle de Clément XII, le 5 des Calendes de juin (18 mai) 1751, par une autre qui commence par les mots Providas romanorum pontificum. F. Joseph Torrubia, examinateur des livres pour le SaintOffice, dénonça l'existence des francs-maçons; et le roi Ferdinand VI fit publier contr'eux une nouvelle ordonnance, le 2 juillet de la même année; il y était dit que tous ceux qui ne se confermeraient pas à ses dispositions, seraient punis comme des criminels d'état au premier chef. Le frère de ce prince, Charles III d'Espagne, qui était alors roi de Naples, défendit le même jour les réunions maçonniques, en les qualifiant de dangereuses et de suspectes. Je vais présenter la notice d'un procès de ce genre jugé à Madrid en 1757. II. M. Tournon, Français, né à Paris, vint s'établir à Madrid. Il avait été appelé en Espagne et pensionné par le gouvernement, pour y monter une fabrique de boucles de cuivre, et former des ouvriers espagnols. Il fut dénoncé au Saint-Office, en 1757, comme suspect d'hérésie, par un de ses élèves qui ne fit qu'obéir dans cette circonstance à l'obligation que son confesseur lui avait imposée, à l'époque de la communion pascale. III. La dénonciation, faite le 30 avril, portait: 1o que M. Tournon avait engagé ses élèves à se faire recevoir francs-maçons, en leur promettant que le Grand Orient de Paris lui enverrait une commission pour les recevoir frères de l'ordre, s'ils voulaient se soumettre aux épreuves qu'il leur ferait subir, pour s'assurer du courage et de la tranquillité de leur ame; et que leurs titres de réception leur seraient expédiés de Paris; 2o que quelques-uns de ces jeunes ouvriers parurent disposés à se faire recevoir, mais seulement après que M. Tournon les aurait instruits de l'objet de cet institut: ce fut pour les satisfaire que M. Tournon les entretint de plusieurs choses extraordinaires, et leur montra un titre ou espèce de tableau où étaient figurés des instrumens d'architecture et d'astronomie; ils s'imaginèrent que ces représentations avaient rapport à la magie, et ce qui les confirma dans cette idée, ce fut d'entendre les imprécations qui, suivant M. Tournon, devaient accompagner le serment qu'ils prêteraient de garder le plus profond secret sur tout ce qu'ils verraient ou entendraient, lorsqu'ils viendraient dans les loges de leurs frères les francs-maçons. IV. A la suite de l'information secrette, il résulta des déclarations uniformes de trois témoins que le dénoncé était franc-maçon. Il fut traduit dans les prisons secrettes le 20 mai: on trouve dans le procèsverbal de la première des trois audiences de monitions, qui eut lieu au moment même de la réclusion du prévenu, un dialogue qu'on ne sera peut-être pas fâché de trouver ici. L'inquisiteur. Jurez-vous à Dieu et à cette sainte croix de dire la vérité? M. Tournon. Oui, je le jure. L'inquisiteur. Comment vous appelez-vous? M. Tournon. Pierre Tournon. Demande. De quel pays êtes-vous? Réponse. De Paris. D. Quel motif vous a fait venir en Espagne? R. J'y suis venu pour établir une fabrique de bou cles de cuivre. D. Depuis quel temps résidez-vous à Madrid? R. Depuis trois ans. D. Sayez-vous ou présumez-vous pourquoi vous avez été arrêté et traduit dans les prisons du SaintOffice? R. Non, mais je suppose que c'est pour avoir dit que j'étais franc-maçon. D. Pourquoi le supposez-vous? R. Parce que j'ai appris à mes élèves que je l'étais, et je crains qu'ils ne m'aient dénoncé; car je me suis aperçu depuis quelque temps qu'ils ne me parlent plus qu'avec une sorte de mystère, et leurs questions me portent à croire qu'ils me regardent rétique. mme un hé D. Leur avez-vous dit la vérité? R. Oui. D. Vous êtes donc franc-maçon? D. Depuis quand l'êtes-vous? R. Depuis vingt ans. D. Avez-vous assisté aux assemblées des francs maçons? R. Oui, pendant que j'étais à Paris. D. Vous y êtes-vous trouvé en Espagne? R. Non; j'ignore même s'il y a des loges de francs maçons. D. S'il y en avait, y auriez-vous assisté? R. Oui. D. Etes-vous chrétien, catholique romain? R. Qui; j'ai été baptisé dans l'église de Saint-Paul de Paris, qui était la paroisse de mes père et mère. D. Comment, avec votre qualité de chrétien, osezvous vous trouver aux assemblées maçonniques, sachaut ou devant savoir qu'elles sont contraires à la religion? R. Je n'ai jamais su cela; j'ignore même à présent si cela est, parce que je n'y ai rien vu ni entendu de contraire à la religion. D. Comment pouvez-vous le nier, puisque vous sayez qu'on professe, dans la franc-maçonnerie, l'indifférence en matière de religion, laquelle est contraire à l'article de foi qui nous enseigne que les hommes ne peuvent se sauver qu'en professant la religion catholique, apostolique et romaine ? R. On ne professe point cette indifférence parmi les francs-maçons. Ce qu'il y a de vrai, c'est que pour ètre reçu franc-maçon il est indifférent que l'on soit catholique ou non. D. Donc, la franc-maçonnerie est un corps antireligieux? R. Cela ne peut être non plus; car l'objet de son institution n'est pas de combattre ni de nier la nécessité ou l'utilité d'une religion, mais d'exercer la bienfaisance à l'égard du prochain malheureux, de quelque religion qu'il soit, et surtout s'il est membre de la société. D. Une preuve que l'indifférentisme est le carac tère religieux de la franc maçonnerie, c'est qu'on n'y confesse point la Très-Sainte Trinité de Dieu le père, de Dieu le fils, de Dieu le Saint-Esprit, trois personnes distinctes, un seul Dieu véritable; puisque les francsmaçons ne reconnaissent qu'un seul Dieu qu'ils appel 1 |