Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[merged small][merged small][graphic][graphic][subsumed][subsumed][merged small][merged small]

DE L'INDUSTRIE ET DE L'AGRICULTURE DE LA KARAMANIE

(ASIE-MINEURE).

Rapport à S. E. M. le Ministre de l'Instruction publique et des Cultes.

<< Monsieur le Ministre,

<< Chargé par Votre Excellence de l'exploration archéologique de la Petite-Arménie, ancien royaume chrétien, fondé au moyen-âge, dans la partie de l'Asie-Mineure que les anciens connaissaient sous le nom de Cilicie, j'ai pensé qu'il n'était peut-être pas inutile de compléter mes études sur cette province, en fournissant à l'appréciation de Votre Excellence un rapport sur le commerce, l'industrie et l'agriculture, d'après des renseignements exacts qui m'ont été communiqués sur les lieux mêmes par les consuls, les négociants européens et indigènes, et par les aghas des Turkomans sédentaires qui se livrent exclusivement à la culture des terres dans la plaine de Tarsous et dans les vallées du Taurus.

Votre Excellence connaît déjà, par un premier rapport inséré dans les Archives des missions scientifiques publiées par son département, les principales localités de l'ancienne Cilicie, dont j'ai visité les ruines et sur lesquelles j'ai appelé particulièrement son attention; aussi ne reviendrai-je pas sur ce sujet et me bornerai seulement à lui présenter un résumé topographique, statistique et climatologique de la Karamanie, avant de passer aux sujets principaux qui font l'objet de ce rapport, je veux parler du commerce, de l'industrie et de l'agriculture.

La Karamanie est sans contredit l'une des belles provinces de l'Asie - Mineure; elle comprend les pachaliks

III. Avril 1856.

19

d'Itchil, de Konieh, d'Adana, de Marach et une partie de celui de Césarée.

Dans l'antiquité, cette vaste contrée était fractionnée et connue sous les noms de Lycaonie, Isaurie, Cilicie, Cappadoce et de Cataonie. Ces deux dernières provinces y étaient comprises par partie seulement.

La Karamanie s'étend du 29° au 30° degré de latitude et du 38 au 36° de longitude.

Les villes principales sont : Konieh, résidence des anciens sultans seldjoukhides; Ermenag, Anemour, Selefké, Césarée, Tarsous, Adana et Marach. On évalue à 450,000 le nombre de ses habitants, tant sédentaires que nomades. Les Turks et les Turkomans y dominent numériquement. Viennent ensuite les Arméniens, les Grecs, les Arabes et quelques tribus kurdes.

Le Taurus traverse cette province, qui est arrosée par de nombreux fleuves et cours d'eau, dont les principaux sont : le Calycadnus (Gok sou), le Cydnus, le Sarus (Sihun-Tschai) et le Pyrame (Djihan-Tschai).

Son climat appartient à la catégorie de ceux dits excessifs; les étés y sont brûlants, les hivers rigoureux; cependant il est généralement sain, moins toutefois dans les contrées du littoral oriental de la Cilicie dont l'air, en été, se corrompt par les émanations d'eaux stagnantes et de terrains marécageux, donnant naissance à de dangereuses fièvres qui désolent le pays et enlèvent chaque année un dixième de la population. Il serait facile de remédier à ce grave inconvénient, si l'administration du pays entreprenait des travaux d'assainissement et de desséchement, au moyen de canaux qui relieraient entre eux les trois fleuves et donneraient ainsi aux eaux, qui descendent avec trop d'abondance des montagnes après la fonte des neiges, la facilité de s'écouler vers la mer. Ces canaux serviraient en même temps à la navigation commerciale et aux transports des produits du pays, qui se font péniblement et à grands frais, au moyen des caravanes de chameaux qui sont quel

quefois arrêtées par des marais dangereux qui les obligent à de longs détours et retardent les opérations commerciales.

er

§ 4. COMMERCE ET INDUSTRIE.!

Dès les temps les plus reculés, la Cilicie était fréquentée par des navigateurs phéniciens qui venaient chercher, dans les entrepôts du littoral, non seulement les produits de la Colchide et du pays d'Aram, mais encore les bois de construction qui abondaient dans le Taurus, le coquillage qui donne la pourpre, le fer, le plomb, le cuivre et le blé que produisait son territoire.

La ville de Tarse, qu'on dit n'être pas la Tharsis de la Bible, était, dans l'antiquité, l'entrepôt général des productions des contrées cilicieunes, d'une partie de l'AsieMineure et de l'Arménie. On tirait encore de la Cilicie le safran, le pardalium et les aromates que fournissait son sol 2, et que les commerçants de Tarse exportaient sur tous les points du littoral de la Méditerranée.

Tarse était, dans les temps anciens, une ville d'une telle importance, que parfois la province de Cilicie était désignée sous le nom de sa métropole 3.

Au moyen-âge, le commerce de la Cilicie était encore prospère. Longtemps avant les expéditions guerrières et religieuses des Occidentaux en Orient, de nombreux pèlerins avaient parcouru l'Asie-Mineure et racontaient, à leur retour en Europe, les merveilles qu'ils y avaient vues. Leurs récits exagérés, excitèrent l'imagination d'aventureux commerçants qui, partis d'Italie et d'Espagne, allèrent échanger les produits de l'industrie occidentale contre les richesses dont les voyageurs leur avaient révélé l'existence. De là ce commerce d'importation et d'exportation qui se

1 Strabon, XIV, 5.- Pompon. Mela, ch. 13.

2 Athénée, liv. XV, ch. 11.

* Josèphe, Antiq., I, 7.

« AnteriorContinuar »