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de la plante. Dans les montagnes, le sésame se sème plutôt que dans les plaines et ne s'arrose pas; moins abondant que celui des environs de Tarsous, il est d'un prix plus

élevé.

La tonte des laines commence en avril et se termine en mai. Les laines de l'intérieur de la Karamanie destinées au commerce sont fines et blanches: on en trouve bien de noires, mais il est difficile de s'en procurer, vu que les gens du pays en fabriquent une espèce de drap dit aba, qui sert à la confection des vêtements de tous les Turkomans de l'Asie-Mineure.

La cire se vend dans les bazars, vers le mois d'août. Plus tard elle devient rare, ce qui occasionne une augmentation dans les prix, qui varie de 2 à 3 piastres par oque. La cire de Konieh et de ses environs est expédiée sur Smyrne; elle est plus blanche que celle de Tarsous, qui doit être soumise à une épuration qui cause une perte d'environ 3 p. 0/0.

:

Le coton se sème en mars et se recueille en septembre et octobre le pachalik en produit des quantités assez considérables qui constituent une des principales ressources de la contrée, et la branche de commerce la plus fructueuse de l'Asie-Mineure. Chaque année les Césariotes en expédient sur leur province des quantités qu'on évalue à 25,000 balles de chacune cent oques.

L'exportation du coton à l'étranger ne s'effectue qu'autant que les récoltes s'élèvent de 35 à 40,000 balles, et que les prix de vente offrent des avantages qu'on ne pourrait réaliser dans l'intérieur du pays.

Les cotons de Tarsous et d'Adana se classent en cotons supérieurs et inférieurs; ce sont ces derniers qu'on exporte communément en Europe; ceux de qualité supérieure, désignés sous le nom de Mawie, sont expédiés sur divers points de l'Asie-Mineure. Le prix du batman de ce coton (2 oques) dépasse de 2 et 3 piastres celui de qualité inférieure. Enfin viennent les cotons d'une moindre valeur,

ou de troisième qualité; ces derniers sont mêlés à ceux que je viens de désigner, et expédiés sur l'Europe. C'est à ces fraudes commerciales que doit s'attribuer le discrédit qui pèse dans nos marchés sur les cotons de Tarsous.

Après ces principaux produits se présentent ceux de second ordre qu'il est néanmoins utile de mentionner, tant à cause de l'importance qu'ils peuvent acquérir dans l'avenir, que pour tracer un tableau à peu près complet de l'agriculture des contrées ciliciennes.

La culture du lin a donné lieu, dans ces dernières années, à quelques essais qui ont eu des résultats bien propres à encourager les agriculteurs, qui trouveraient dans cette plante une nouvelle source de richesses, s'ils parvenaient à surmonter cette répugnance innée qu'ils éprouvent pour

toute innovation.

Les vignes sont nombreuses, dans la province d'Adana, mais cultivées suivant une méthode si peu en rapport avec la nature de cette plante, que, malgré la bonté du sol et la douceur du climat, elles ne produisent que de mauvais fruits qui n'arrivent à maturité que difficilement et tard. On estime à plus de cent mille les ceps en rapport dans les seuls environs de Tarsous. Laissés libres dans leurs évolutions, ces ceps projettent leurs jets dans les branches de hauts mûriers à l'état sauvage comme la vigne elle-même, à laquelle ils servent de support et qui, ainsi étiolée par cette force de végétation qui lui est propre, et cachée sous un dôme d'épaisse verdure, n'arrive à donner que des raisins imparfaits, sans saveur, à la forme alongée, à la peau épaisse et dure, et qui se corrompent dès le mois de janvier.

On trouve dans la même contrée une autre espèce de vigne, non moins sauvage que celle que je viens de décrire, et qui produit des raisins dont les grains sont très-petits, noirs et d'un goût passable; on en fait un vin appelé berbou.

Une espèce de raisiné qui se fait à Tarsous avec les vins

du pays est très-apprécié de la population; on le nomme en turk, boundourma; en arabe, malban. Le voyageur français, P. Belon, qui visitait la Karamanie au seizième siècle, en parle en ces termes : « Ce sont des saucisses de noix enfilées et trempées dans du vin cuit chaud; on met de la farine par dessus. »

Le pachalik produit de grandes quantités de tabacs, mais de médiocre qualité. Ceux de Karadowar et des montagnes sont les meilleurs de la Karamanie. Les tabacs inférieurs

sont expédiés sur l'Égypte en quantités assez considé

rables.

Il existe dans le pays de nombreux oliviers devenus sauvages par défaut de culture; ils proviennent des plantations faites au moyen-âge par les Génois, et sont en si grande quantité dans les montagnes au nord de Sis, que le nom de Zeithun (olivier, en turk), a été donné à cette région.

Le mûrier est cultivé sur les déclivités des montagnes. La soie que produit le pays est évaluée de quatre à cinq cents kilogrammes. Le fil des cocons est gros et inférieur à celui que donnent les vers à soie de Syrie. Cette infériorité est attribuée à la mauvaise qualité des feuilles du mûrier du Taurus.

Tels sont, monsieur le Ministre, les renseignements que j'ai recueillis sur le commerce, l'industrie et l'agriculture de la Karamanie pendant mon séjour dans cette province. Dans un autre rapport, j'aurai l'honneur de faire connaître à Votre Excellence les principaux dépôts métallurgiques de la Cilicie et du mont Taurus.

Veuillez agréer, etc. »

VICTOR LANGLOIS,

Chargé de l'exploration scientifique de la Petite-
Arménie en 1852-53.

1 Observat. singul., liv. II, ch. 109.

HÉRAT.

Sa fondation. Sa position. Origine des Khaliphes. Hérat prise par les Mogols. Tamerlan la choisit pour capitale. Elle tombe au pouvoir des Afgans. Rapports entre la Grande-Bretagne et la Perse. Relation de la Perse avec la France, Napoléon 1er.- La Russie. Intérêts commerciaux. Expédition anglaise. Hérat prise par les Ferses. Détails histoPopulation. Bazars.

riques.

La ville de Hérat, dont l'opinion publique en Angleterre se préoccupe beaucoup aujourd'hui, se trouve située à 920 kil. S.-E. du littoral de la mer Caspienne, et 640 kil. N.-E. de Kaboul, par 34° 45′ latitude N. et 58° 46′ longitude E., et est le chef-lieu d'une principauté du même nom. Ce petit pays est cher aux Persans à plus d'un titre : c'est le palladium de leurs traditions poétiques, la patrie de leurs héros, le berceau de la renaissance de leur vie politique et littéraire; c'est, enfin, la frontière naturelle des Persans du côté des Indes septentrionales et le chemin qui y a conduit tous les conquérants venant du côté de la Perse, depuis Sémiramis jusqu'à Nadir-Chah.

L'histoire de l'Orient parle souvent de Hérat; et, en en effet, il y a peu de villes au monde qui aient passé au travers de tant de vicissitudes. Les Persans en attribuent la fondation à Alexandre-le-Grand, et le témoignage des Grecs eux-mêmes semble venir à l'appui de cette assertion. Ils disent que le conquérant macédonien commença sa campagne d'Indes par Aria1 ou Haria, nom que porte

Zoroastre en parle dans le Zendavesta (voy. Anquetil Duperron, tome I, seconde partie, p. 266) ainsi : « Le sixième lieu, ville semblable au paradis, que je produisis, moi qui suis Ormouzd, fut Hardiou, considérable par le nombre de ses habitants. » Le savant Golius prend aussi Hérat pour Aria des anciens, et il ajoute : « Nullam ornamentis et hominum frequentiâ illustriorem in tótá Chorasaná spectatam sibi fuisse scribit Iacutus, qui anno hegira 614 (A. D. 1217) hanc civitatem perlustravit. » ·

III.

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encore la rivière Héri-Roud, qui arrose les plaines fertiles au milieu desquelles se trouve actuellement la ville de Hérat. Plus tard, devenue la capitale du 'Khoraçan et la forteresse la plus importante sur les confins orientaux de Perse, Hérat, grâce à sa position centrale entre la mer Caspienne, la Khivie, la Boukarie et les Indes, devint célèbre, non moins par la richesse de son commerce, que par l'esprit belliqueux et chevaleresque de ses habitants indigènes. La fleur de la chevalerie de l'ancien Iran, Zal, Rustem, Guderz, Giv et tant d'autres dont les exploits font le sujet de l'épopée de Ferdoussy, étaient des fils du Khoraçan, toujours prêts à le défendre contre les hordes des barbares qui, de l'Asie centrale, venaient fondre sur la Perse.

Si nous passons de la tradition poétique à l'histoire de la Perse, nous voyons toujours la lumière et la force lui arriver du même point de l'Orient. Dans la deuxième moitié du neuvième siècle, lorsque l'empire persan, sous le joug des khaliphes, perdit une à une toutes ses gloires nationales, et se vit enlever jusqu'à l'usage de sa langue maternelle, un grave événement, survenu sur les frontières ouest de Hérat, révéla aux Persans le secret de leur puissance. Un pauvre chaudronnier de Sistan, nommé Léisse, se mit à la tête d'une bande de paysans qui, tout en acceptant le Koran pour leur code religieux, rejetèrent le pouvoir temporel des khaliphes. La troupe, se recrutant principalement parmi les propriétaires du pays, devint bientôt une armée formidable, qui vainquit les armées des gouverneurs arabes et finit par constituer un Etat indépendant. Telle fut l'origine de ce que les chroniqueurs des khaliphes, dans leur impuissant orgueil, appellent soffarié « dynastie des chaudronniers, » espèce de sans-culottes de Perse.

Elle fut de courte durée (872-903 A. D.), mais l'exemple qu'elle donna suscita d'autres mouvements, et Mahmoud forma un vaste empire qui s'étendait depuis la mer Caspienne et l'Oxus, jusqu'au Gange supérieur. Comme Léisse, il enthousiasmait les Persans en leur parlant de leur an

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