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dégageant de la parole qu'il avait exigée de lui, lui déclara qu'il était libre de partir.

LEOPOLD BUVRY (de Berlin),

Membre correspondant de la Société orientale.

Dans les premiers mois de 1855, les journaux avaient annoncé la mort du docteur Barth. D'une notice écrite par M. Oscar Mac Carthy, qui habite l'Algérie, notice insérée dans la livraison de février 1855 de la Revue de l'Orient, il résultait que ce courageux explorateur du désert avait été retenu à Timbouktou au-delà de ses prévisions; que des renseignements transmis par le bureau politique au gouverneur-général de l'Algérie, l'y signalaient encore aux premiers jours de juin 1854, mais que là il avait fini par succomber aux influences du climat, aux fatigues surtout provenant d'un travail trop assidu et de courses trop multipliées.

Heureusement des nouvelles de Malte, de fin mars 1855, firent positivement savoir bientôt que M. Barth vivait encore. Une lettre qu'il adressait au consul britannique à Tripoli, le 15 novembre 1854, annonça même qu'il se portait bien et qu'il allait se remettre en chemin pour Mourzouk, où il espérait arriver dans trois mois.

Enfin on mandait de Turin, dans le mois de septembre 1855, que l'intrépide voyageur, revenant de Timbouktou, était sur le point d'atteindre cette première ville et qu'avant de continuer sa route pour Hambourg et Londres, il se proposait d'aller visiter un de ses amis. Quelques jours après, il débarquait heureusement à Marseille et ne tardait pas à arriver à Hambourg, où l'attendait l'accueil le plus empressé, le plus cordial, comme témoignage d'admiration sympathique, ce que la Société orientale de France n'a pas manqué d'apporter à la connaissance du public, dans son bulletin. (Voir la Revue de l'Orient, novembre 1855.) (Note de la rédaction.)

FRAGMENT DU MAHAPRASTHANIKA.

EXTRAIT DU MAHABHARATA.

Le morceau qu'on va lire est extrait du 17 livre du Mahâbharata', appelé Mahaprasthânika « le grand voyage ». Il n'avait jamais été traduit.

Après avoir recouvré son royaume avec beaucoup de peine et avoir célébré le sacrifice de l'Açvamêdha « sacrifice du cheval, » comme preuve de sa suprématie, Youdhichthira, qui a vu ses ennemis se détruire entre eux, abdique et remet le pouvoir à un prince de sa famille; puis. accompagné de ses quatre frères et de Draupadî, leur épouse commune ; et suivi d'un chien, il se dirige vers l'Himalaya pour y finir ses jours dans la solitude et se rendre à la sainte montagne, le Mérou.

1 Edition de Calcutta, tom. 4, p. 427; l'extrait qui suit commence à la page 428, çlôka 48.

• L'étrange circonstance qui fait de Drâupadî une femme avec cinq maris, est racontée dans un autre chant du Mahabharata. Quand les cinq frères Pandavas revinrent à la maison, après le svayambara, c'est-à-dire la cérémonie où une jeune princesse choisissait publiquement celui qu'elle préférait pour époux, Ardjouna, qui avait été choisi par Draupadi, emmena celle-ci avec lui, quoique son mariage avec elle ne fût pas encore célébré. En entrant, les frères crièrent à leur mère : « Nous avons recueilli une aumône. » Sans les regarder leur mère répliqua : « Partagez-la entre vous! » Et quel que fût son regret en découvrant sa méprise, il fut convenu entre elle et ses fils que ses paroles ne seraient pas vaines et que Drâupadi serait la femme de tous les frères. Quand cela fut annoncé au roi Droupada, le père de la jeune fille, il s'éleva contre cet arrangement, et Youdhicthira fit, à ce sujet, cette observation très-remarquable : « Nous ne prétendons pas déter« miner ce qui est convenable; nous suivons la voie de ceux qui nous ⚫ ont précédés. »

Nous devons inférer de ceci que cette pratique précédait le temps des Pandavas et qu'elle fut apportée par eux de l'Himâlaya où elle subsiste encore. Parmi les habitants du Boutan, une famille de frères a une femme commune, et en voyant la stérilité du pays, dans lequel prévaut cette coutume, il est à peine nécessaire de se demander l'objet de cet arrangement. C'est vraisemblablement le même motif, celui de l'insuffisance de la nourriture, qui avait amené le même usage qui, comme nous l'apprend Hérodote, prévalait chez les Scythes nomades.

FRAGMENT DU MAHABHARATA.

Vâiçampayana parle :

<< Alors ces hommes, maîtres d'eux-mêmes, livrés à une pieuse contemplation 1, étant parvenus à la contrée du nord, virent la grande montagne de l'Himavat, et, en la franchissant, ils virent une mer de sable et aperçurent le grand mont Mêrou, le meilleur des monts. Au milieu d'eux tous qui marchent à la hâte, livrés à une contemplation pieuse, Drâupadî, étant déchue de cet état de contemplation, tomba à terre. En la voyant ainsi tombée, Bhîmasêna, à la grande force, dit au roi, en la regardant : « Aucune << faute n'a été commise par la fille de roi, ô vainqueur de << l'ennemi; dis donc pour quelle cause Drâupadî est tom« bée à terre. »

Youdhichthira dit :

« C'est le grand penchant de celle-ci à avoir une préfé

11 est moins facile d'expliquer pour quelle raison la tribu des Naïrs du Malabar a adopté cette coutume; cependant, comme il existe des traces de parenté, quoique bien effacées, entre ceux-ci et les peuples de l'Himalaya, elles indiquent que les Naïrs ont pu venir des montagnes et apporter cette coutume avec eux.

V. Wilson, notes des Selections from the Mahabharata, edited by Johnson, p. 66, note 2.

L'auteur du Dabistan, chap. 12, rapporte que chez les Dardes, peuple qui habite les montagnes du Kachmir, tous les frères d'une famille ont en commun une seule femme.

Selon Strabon (chap. 16), chez les Arabes de l'Arabie-Heureuse, une seule femme était l'épouse de tous les frères d'une famille.

Et enfin César dit, en parlant des anciens Bretons (habitants de l'Angleterre): « Les femmes des Bretons sont communes à 10 ou à 12; particulièrement celles d'un frère sont communes à ses frères et celles d'un père à ses enfants; mais les enfants sont toujours attribués à ceux qui les premiers ont épousé la femme. « Britanni... uxores habent << deni, duodenique inter se communes, et maximè fratres cum fratri« bus et parentes cum liberis; sed si qui sunt ex his nati, eorum ha<< bentur liberi a quibus primum virgines quæque ductæ sunt, » (De Bello gallico, V, 14)

1 Ils avaient, en parlant, déposé tous leurs ornements et s'étaient revêtus, ainsi que leur femme, du vêtement d'écorce des ascètes.

rence, surtout pour Ardjouna; en voilà le fruit qu'elle récueille aujourd'hui, ô le meilleur des hommes ! »

Après avoir parlé ainsi sans la regarder, le meilleur des descendants de Bharata continua de marcher en recueillant son esprit, le chef des hommes sage et attaché à la loi.

Le sage Sahadeva tomba ensuite sur la terre; en le voyant tomber, Bhîma dit au roi : « Celui-ci qui, au milieu de nous tous, était toujours prêt à obéir et sans orgueil, ce fils de Mâdrî1, pourquoi est-il tombé sur la terre? >> Youdhichthira dit :

« Il ne s'occupa jamais de la science relative à l'âme; c'est par cette faute qu'il est tombé, le fils de roi! » Il dit; et, abandonnant Sahadêva, Youdhichthira, le fils de Kountî, poursuivit sa route avec ses frères, accompagné de son chien.

A la vue de Draupadi, tombée ainsi que Sahadêva, le vaillant Nakoula, chéri de ses parents, accablé de tristesse, tomba aussi. Nakoula, le héros remarquable par sa beauté, étant ainsi tombé, Bhîma dit de nouveau au roi : « Ce frère attaché à la loi qu'il n'a jamais violée, cet auteur de préceptes, sans égal dans le monde pour la beauté, Nakoula est tombé à terre! >>

Ainsi interpellé par Bhimasêna, Youdhichthira répondit : « Quant au vertueux Nakoula, le meilleur de ceux qui sont doués de sagesse, il se disait: Il n'y a personne qui m'égale en beauté; seul je suis supérieur. Tel était le fond de sa pensée. C'est pour cela que Nakoula est tombé. Marche, ô Bhîma; ce qui était une conséquence inévitable, il l'obtient, ô héros ! »>

En voyant ceux-ci tombés, le Pandava qui a des chevaux blancs (Ardjouna) tomba ensuite consumé par la douleur, le vainqueur de l'ennemi. Au moment où ce héros, difficile

1 Nakoula et Sahadeva étaient jumeaux et fils de Madri, seconde femme de Pandou. De Kounti, sa première femme, Pandou avait eu Youdhichthira, Ardjouna et Bhima.

à vaincre et la gloire d'Indra1, tombait en mourant, Bhîma dit au roi : « Je ne me rappelle pas un mensonge de celuici, même au milieu de ses exigences; quel est donc le méfait pour lequel il est tombé à terre? »>

Youdhichthira dit:

<< En une seule nuit je consumerai les ennemis ! » Ainsi parla Ardjouna; mais le présomptueux héros ne le fit pas, voilà pourquoi il est tombé. Il méprisa tous les archers, et il ne devait pas en être ainsi de la part de quelqu'un qui désirait (régner sur) la terre. »>

En parlant ainsi le roi poursuivit sa route. Alors Bhima tomba, et en tombant dit à Youdhichthira :

« Hélas! ô roi, regarde! Je suis tombé à terre, moi qui te suis si cher. Quelle est la cause de (ma) chute, dis-lamoi si tu la connais. >>

Youdhichthira dit :

« Tu as abusé de ta force et tu t'en es glorifié sans considérer l'ennemi, voilà pourquoi tu es tombé à terre, prince. >>

Après avoir parlé ainsi, le héros puissant marcha sans regarder celui-ci. Le chien seul le suivait, celui dont je t'ai déjà parlé plusieurs fois.

Cependant Indra faisant retentir le ciel et la terre2 de toutes parts, alla trouver le prince avec un char et lui dit : << Monte dans ce char. »

A la vue de ses frères tombés, Youdhichthira, le roi attaché à la loi, accablé de chagrin, dit au dieu qui a mille yeux (Indra): « Que mes frères tombés là viennent avec moi; je ne veux point aller sans mes frères dans le ciel, ô maître des dieux! Que la tendre fille de roi qui mérite le bonheur, ô destructeur des villes, vienne aussi avec nous, daignez y consentir. »>

Indra dit :

'Ardjouna passait pour être fils du dieu Indra.

2 On sait qu'Indra est le dieu de l'atmosphère, le Jupiter tonnant des Indous.

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