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loula, ayant six kilomètres de long, sur deux de large. Suivant la tradition, ses eaux ont été colorées par le sang d'un nouveau serpent Pithon, qui avait reçu la mission de protéger le sépulcre. Il ne devait vivre que d'herbe; cependant, un jour, le reptile quitte le monument à la garde duquel il a été préposé, descend dans la plaine et dévore les troupeaux des habitants. Le peuple épouvanté conjure le ciel de le délivrer du monstre; aussitôt la foudre le tue, et le terrain, noirci par son sang, se change en lac.

Blidah, le 1er avril 1856.

J.-B. DUPLAT,

Pharmacien en chef de l'hôpital de Blidah.

MADAGASCAR.

GÉOGRAPHIE, POPULATION, COMMERCE.

Au milieu des graves préoccupations excitées par la conclusion de la paix, les derniers événements de Madagascar sont venus encore une fois attirer l'attention de la France du côté de l'Océan indien. C'est que le nouvel attentat dont vient d'être le théâtre la côte de la grande île africaine, réveille le souvenir assez triste de crimes encore demeurés impunis, d'efforts restés infructueux. Le grand problème du percement de l'isthme de Suez ajoute aujourd'hui un intérêt de plus à la question et donne un nouvel attrait au projet, tant de fois repris et abandonné, de fonder à Madagascar un établissement sérieux et durable.

Y a-t-il donc intérêt pour nous à prendre définitivement pied sur ce pays lointain? Quelles seraient les difficulés à vaincre dans une telle entreprise? quels en seraient les résultats?—Nous ne nous proposons point ici de faire de la propagande en faveur de cette idée, encore moins de la combattre. Notre but, plus simple, est de rappeler les principaux arguments produits dans la question, le lecteur se décidera ensuite d'après ses impressions personnelles.

Quelques mots d'abord sur l'île elle-même, sa position géographique, ses habitants, son passé.

« L'île de Madagascar, dont on prétend que le nom indigène est Madécasse, peut, dit Malte-Brun, réclamer sa part dans les traditions parvenues aux Grecs et aux Romains sur l'immense

Taprobane qui, selon le récit des indigènes, se trouvait si reculée au sud, que l'on n'y apercevait ni l'Ourse ni les Pléiades, et « que le « soleil y paraissait se lever à gauche. » Ces traits, ainsi que les dimensions et le grand lac, situé au centre de l'île, conviennent à Madagascar, tandis que les latitudes indiquées par Ptolémée s'appliquent à Sumatra, et que toutes les autres circonstances nous ramènent à Ceylan. On croit cependant que c'est cette île qui est indiquée sous le nom de Menuthias, dans le périple de la mer Erythrée, et que c'est elle aussi qui, dans Pline, est appelée Carné. Les Arabes la visitèrent probablement dès leurs premiers voyages aux Indes et longtemps avant Mahomet. Ils lui donnèrent le nom de Serendib, qui est aussi celui par lequel ils désignent Ceylan. Toutefois, la première notion certaine nous en a été transmise par Marco-Polo. Les Portugais, qui la découvrirent en 1506, sous les ordres de Lorenzo Alméida, lui donnèrent le nom de Saint-Laurent; les Français, sous Henri IV, l'appelèrent île Dauphiné.

«Longue de près de 350 lieues, large de 85 et, dans quelques endroits, de 120, cette île paraît avoir 32,000 lieues carrées de surface. On y remarque quatre caps principaux : le cap d'Ambre, à son extrémité septentrionale, le cap Sainte-Marie, à l'extrémité opposée, le cap Saint-Félix, à l'occident, et le cap Est, au point le plus oriental. Quoique comprise presque entièrement dans la zone torride, elle offre, grâce à l'élévation du sol, la plus agréable variété des saisons, et jouit, en partie, de tous les avantages des climats tempérés. Une chaîne de montagnes, haute de 2,500 à 3,500 mètres, la parcourt, du nord au sud, en formant, au milieu, le haut et vaste plateau d'Ankova, qu'habitent les Ovas, les dominateurs actuels de l'île. Cette chaîne de montagnes porte, au nord, le nom d'Ambohisteniène ou d'Anquiripy; au centre, celui de Béfour, et au sud, celui d'Ambotismènes ou Botismènes. Elle donne naissance à une multitude de rivières poissonneuses sujettes à des débordements périodiques; les plus considérables sont le Sango, le Darmouth ou Onglahi, le Mansiatre et le Boteler, sur le versant occidental; le Mananzari et le Manangara, sur l'oriental. L'Andévourante est navigable pour des pirogues l'espace de 35 lieues. Le Mangourou, l'une des plus belles, sort du lac d'Antsianaxe, qui peut avoir 25 lieues de circonférence. La plupart de ces rivières tombent en belles cascades, mais celles qui appartiennent au versant oriental, ont leurs embouchures barrées par des bancs de sable. En outre, elles sont généralement peu profondes. Quatre autres lacs, le Rassoi-Bé, le Rassoi-Massaïe, l'Irangue et le Nossi-Bé, prolongent la côte de l'est en communi

quant entre eux. Le dernier surtout ferait un excellent port, si l'on pouvait percer la langue de terre qui le sépare de l'Océan. Mais il serait à craindre que la mer ne formât bientôt une nouvelle barre. Les lacs stagnants y rendent le climat insalubre.

<< Plusieurs baies et rades disséminées sur la même côte avaient souvent attiré l'attention du gouvernement français depuis Henri IV, qui, le premier, projeta d'occuper la partie du sud-est, en y construisant, dans l'anse Dauphine, le fort Dauphin aujourd'hui ruiné. Dans le siècle passé, Cossigny, et après lui Beniowski, tentèrent des établissements au nord-est de l'île, dans la superbe baie d'Antongil. Celle de Sainte-Luce, au nord de l'anse Dauphine, a été explorée encore en 1787 par M. Lislet Geoffroy. Les places de Foulpointe et de Tamatave, situées presque au milieu de la côte, n'ont jamais cessé d'être fréquentées par les Français, qui en tiraient des objets de première nécessité pour leurs colonies de l'Ile-de-France et de Bourbon. Les vaisseaux anglais ont l'habitude de relâcher dans la baie de Saint-Augustin, et dans celle de Diego-Souarez. Le port Louquèz, entre la baie d'Antongil et le cap d'Ambre, est excellent et capable de recevoir des flottes entières; les Anglais qui l'ont examiné, vantent la salubrité du climat des environs, où l'on ne connait pas les ouragans. »>

L'île de Madagascar est aujourd'hui habitée par plusieurs peuples d'origines différentes, appartenant aux races cafre, arabe et malaise. Les principaux sont :

Les Antavares, sur la côte orientale, autour de la baie d'Antongil, depuis le cap d'Ambre jusqu'à Tintingue. Il se fait un grand commerce sur cette côte bien cultivée et fertile en riz, dont on pourrait exporter trois millions pesant chaque année. Tintingue a un port très-sûr, quoique d'un accès difficile, à l'embouchure du Manangara, el pourrait devenir le centre d'une colonie importante. En face, à 16 kilomètres vers le nord, se trouve notre colonie de Sainte-Marie.

Les Betsimsarats, au sud des Antavares. C'est sur leur côte que se trouvent Foulpointe et Tamatave, où nous avions des établissements. A Tamatave se fait un grand commerce de bestiaux.

Les Betanimènes et les Antaximes habitent le sud; les premiers industrieux et hospitaliers, les autres livrés an brigandage. En. suite viennent les Antambasses, les Antanosses et les Antambanivouls.

A l'intérieur, les Antsianaxes habitent un pays, qui, en raison de sa salubrité, pourrait devenir le siége d'un établissement européen. Les Bezomzons et les Antancayes, présentent de grands

points de ressemblance avec les Ovas. Ceux-ci, au centre de l'île, habitent un plateau où l'on respire un air très-pur. Tout leur pays est bien peuplé. Leur capitale, Tananarive, dans la province d'Emirne, contient environ 40,000 habitants. Elle est fortifiée, mais d'une manière insuffisante, et renferme quelques établissements publics, un collége, des écoles, une imprimerie, destinée à répandre la Bible chez les Madécasses, et un palais bâti par un architecte français, M. Legros. La domination des Ovas embrasse les deux tiers de l'île.

Sur la côte occidentale s'étendait autrefois le royaume des Sékalaves, aujourd'hui presque entièrement soumis aux Ovas. Ce pays, couvert de prairies, nourrit une quantité considérable de bestiaux; cependant, les terres en sont bien moins fertiles que celles du versant oriental. Bombetok, sur le canal de Mozambique, fait un commerce assez considérable avec les Arabes et les autres peuples de la côte africaine. Les Sékalaves ont toujours été les alliés de la France, et beaucoup d'entre eux ont émigré aux Comores depuis que nous nous y sommes établis; on pourrait tirer un excellent parti de leur amitié. Le chiffre total de la population de Madagascar, sur lequel on n'a que des données fort incertaines, peut varier entre 2 et 3 millions d'habitants.

Madagascar fut, pour la première fois, visité par les Français sous le règne de Henri IV; toutefois, Richelieu fut le premier qui songea sérieusement à mettre à profit les merveilleuses ressources de cette île magnifique, et le 24 juin 1642, des lettres-patentes de Louis XIII proclamèrent la souveraineté de la France sur Madagascar.

La colonisation, depuis cette époque, subit bien des vicissitudes, sans toutefois que jamais des prétentions rivales vinssent mettre en doute les droits de la France. Louis XIV confirma les lettrespatentes accordées par son père, et, plus tard, en 1686, à la suite du massacre des Français à Fort-Dauphin, il annexa définitivement Madagascar à la couronne de France.

Ses successeurs et les gouvernements qui suivirent la Révolution, ne cessèrent de s'occuper de Madagascar; et jusqu'à ce jour, plusieurs expéditions ont été successivement préparées pour reprendre sur une plus grande échelle le projet de Richelieu et de Louis XIV. Mais ils n'ont amené en définitive d'autre résultat que la prise de possession de quelques-unes des Comores. Nous n'avons pas à nous occuper des événements qui suivirent 1830. Ces temps sont passés. Nous avons repris le rang que nous devons occuper, et toutes les nations avec lesquelles nous pouvons nous

trouver en contact ont compris que tous les pavillons ont un égal droit à se promener sur les mers.

L'esprit de souveraineté, l'animus domini, n'a pas cessé d'exister de la part de la France sur Madagascar. Il y a plus, celte île n'a pas un instant cessé, depuis Louis XIV, d'être une annexe de la couronne. Ce droit n'a été combattu par personne, aucune prétention rivale ne l'a contesté, et quoique, à plusieurs intervalles, nous n'ayons pas possédé de fait cette terre, nous n'avons jamais renoncé à notre droit. Cette propriété non interrompue de 200 ans, à travers toutes les vicissitudes des révolutions, est encore pleinement admise aujourd'hui.

Ce n'est pas d'ailleurs pour la première fois que cette question est soulevée; à plusieurs reprises déjà elle a passionné bien des imaginations, elle a été l'objet de bien des études sérieuses. Chaque fois, les colons des Mascarègnes (la Réunion et Maurice) ont, comme ils le font, appuyé les projets de colonisation de tous leurs efforts, et de leurs pressantes adresses au gouvernement. Ces mêmes projets ont été aussi, d'autre part, vivement combattus. Les mêmes raisons pour et contre sont toujours, en grande partie, invoquées; d'autres moins importantes sont venues s'y ajouter; ce sont tous ces arguments que nous nous sommes imposé la tâche d'examiner ici.

Une difficulté très-sérieuse se présente tout d'abord. Elle a sa source dans nos relations diplomatiques avec l'Angleterre surtout. Il ne rentre pas dans le plan de ce recueil de traiter cette question, qui est toute du domaine de la politique. Nous nous contenterons de rappeler aux lecteurs les adresses envoyées par les colons de Bourbon au gouvernement, notamment celle qui fut publiée dans la Revue de l'Orient du 6 septembre 1847. Qu'il nous suffise de rappeler un fait qui appartient à l'histoire :

« En 1816, le gouverneur de Maurice, M. Farquhar, interprétant à son gré le traité de Paris du 30 mai 1814, prétend que l'Angleterre est substituée à la France dans tous ses droits sur Madagascar; de cette substitution il fait aussitôt dériver un droit de souveraineté sans limite.

« Le 25 mai 1816, il écrit à tous les administrateurs généraux de Bourbon, pour leur faire connaître que son gouvernement se réserve le commerce exclusif de Madagascar; il leur notifie, en conséquence, que nos traitants ne seront plus reçus à Madagascar qu'à titre précaire, et munis de licences délivrées par le gouvernement anglais.

« Cette étrange sommation est transmise immédiatement au gouvernement de la métropole aussitôt une vive discussion

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