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servis ayant lui. L'anneau qui la surmonte et dans lequel se passait le cordon de suspension, est tellement usé qu'il a fallu la vie de plusieurs hommes pour l'amincir au point où il est.

Cet anneau est relié avec le sommet de manière à former une charnière qui permet d'ouvrir la croix par le bas dans toute sa longueur.

Image du crucifix.

Le christ est représenté avec le nimbe crucifère, les bras étendus horizontalement, et les pieds écartés. (Pl. A tig. 1.) Il est vêtu d'une tunique sans manches qui lui recouvre le corps, et laisse voir les pieds. Sous les bras sont gravées quelques lettres grecques de chaque côté ; sous le bras droit ICXC, et sous le bras gauche NHKA.

La figure est placée sur une croix gravée, comme le reste, à la pointe. Au-dessus de la tête du Sauveur, sur une petite tablette est un X xpistos; c'est le seul exemple que nous connaissions d'un pareil titre.

On regarde comme certain que, dans les premiers siècles de l'église, on n'exposait jamais aux yeux des fidèles l'image du Sauveur attaché à la croix. Beaucoup de peintures des catacombes rappellent bien le sacrifice du calvaire, mais au moyen d'emblèmes, ou de faits historiques qui en ont été la figure. C'est ainsi qu'on y voit souvent répétées les représentations de l'agneau, du sacrifice d'Abraham, de Daniel dans la fosse aux lions, de Jonas dans la baleine; mais point de crucifix. C'est ce qu'avaient remarqué Bosio et Aringhi au XVIIe siècle, et toutes les recherches qu'ont faites les savants qui sont venus après eux, n'ont fait que

confirmer cette opinion exprimée dans la Roma subterranea. (1)

Ce n'est qu'après le Concile quinisexte, tenu en 692, et dans lequel on ordonna de préférer la peinture historique aux emblèmes, que les représentations de Jésus crucifié commencèrent à se multiplier. (2)

Une seule peinture à fresque dans les catacombes, représente le Sauveur en croix, et elle n'est pas des premiers temps. Ce fut Bosio qui la découvrit dans une chambre, cubiculum, du cimetière de saint Jules, pape, appelé aussi le cimetière de saint Valentin, martyr, sur la voie Flaminienne. Nous reproduisons dans la planche B figure 1 le dessin qui en est donné dans la Roma subterranca. Le christ est vêtu d'une longue robe sans manches. Il ale nimbe rond,

(1) Quapropter quo cautius religioni, éjusque decori prospicerent, haud palam Christi Salvatoris cruci affixi, imaginem recolendam venerandamque intuentibus proposuere, sed emblematicis, figuratisque modis obvolutam, sub innocui videlicet agni juxtâ crucis lignum placidè consistentis et multiplicibus tum rerum historicarum tum latentium mysteriorum symbolis, quæ Dominum cruci suffixum quoquo modo præ se ferrent, sub ipsa exurgentis ecclesiæ primordia affabre coloribus effingere consueverunt.

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Aringhi Roma subterranea t. II. p. 246.

(2) L'usage du crucifix, dit Pugin dans son glossaire, paraît ne s'être introduit que peu à peu. Premièrement on ne se servit que d'une croix unie, on y mit ensuite un agneau au bas ou au milieu ; puis un agneau et un buste de notre Seigneur crucifié ou le buste seulement en haut ou au milieu, comme on le voit à Ravenne. Plus tard on trouve le corps entier de notre Seigneur vêtu d'une tunique et d'un pallium, placé sur la croix sans y être cloué, les mains élevées vers le ciel, dans l'attitude de la prière. Enfin vers le VIIe siècle on représenta le Sauveur suspendu à la croix par quatre clous, premièrement gravé sur des croix en or, en argent et en cuivre et plus tard peint sur des croix en bois etc.

et, sous ses pieds séparés, un suppedaneum. En haut, d'un côté le soleil darde ses rayons vers le Sauveur, et de l'autre est un croissant, avec le mot luna en caractères romains superposés. A droite de la croix est la sainte Vierge, et à gauche saint Jean. Le titre porte ces trois mots : Jesus rex judeorum. (1)

Les premiers crucifix ont la forme des croix pectorales, et paraissent n'avoir été confectionnés que pour satisfaire la piété privée des fidèles. « Il parait constant, dit l'abbé Martigny, dans son dictionnaire des antiquités chrétiennes, que, en général, les plus anciens crucifix portatifs étaient tracés à la pointe sur des croix d'or, d'argent ou d'airain; on les peignit un peu plus tard sur des croix en bois. »

Mais nous devons tout particulièrement fixer notre attention sur deux particuliarités, que nous offre la croix de saint Badilon, et qui se rencontrent dans presque tous les anciens crucifix: elles consistent en ce que le Sauveur est couvert d'un colobium sans manches, et en ce que les pieds sont fixés par deux clous sur un escabeau?

« Toutes les plus anciennes images de Jésus en croix, parvenues jusqu'à nous, presque toutes sans EXCEPTION, dit encore l'abbé Martigny, nous le montrent couvert d'un

(1) Tabula secunda cubiculi unici cemeterii S. Julii Papæ via Flaminia.

1 Veneranda hic Christi Servatoris nostri è cruce pendentis, et clavis quatuor transfixi, picta imago contemplanda subjicitur ; cui sanctissima hinc virgo Parens extensis manibus adstat ; indè vero B. Joannes Apostolus, una quidem manu librum proferens, altera suffixum stipiti Redemptorem intuentibus indicans.

Roma subterranea tom. II, lib, IV cap. XLI pp. 164 et 165.

BULLETIN T. XI.

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colobium ou tunique sans manches, descendant jusque sur les pieds. » (1)

On vénère à Lucques sous le nom de Sainte-Voult ou Sanctus Vultus, un crucifix en bois de cèdre que l'on dit avoir été sculpté par Nicodème, mais qui existait certainement au VIII siècle. Le Sauveur est vêtu d'une robe riche qui descend jusqu'aux pieds, mais il est ceint. Il est sans nimbe, porte une couronne impériale, et il est attaché par quatre clous. C'est sur la Sainte-Voult que Guillaume le conquérant faisait ses serments les plus solennels. (2)

On voyait à Rome dans l'ancienne basilique de SaintPierre, un crucifix en mosaïque, que l'on croyait du VIII® siècle. Il portait une robe sans manches, qui lui descendait sur les pieds. Il était sans couronne, avait le nimbe crucifère, l'inscription ordinaire et quatre clous. (5) D'après Emeric David, histoire de la peinture, page 60, il y a tout lieu de croire que les Grecs le peignirent alors pour la première fois. C'est Jean VII, grec de naissance, élu pape en 705, qui parait avoir le premier consacré le crucifix dans l'église de Saint-Pierre. (4).

Aringhi dans le savant ouvrage que nous avons souvent cité (5) donne le dessin de quatre anciens crucifix en bronze

(1) Grégoire de tours rapporte que de son temps à Narbonne, notre Seigneur apparut trois fois à un prêtre nommé Basile et lui ordonna de faire voiler un tableau du crucifiement; ce que l'évêque fit faire. Grégoire dit avoir vu ce tableau. Le Christ était représenté avec une large ceinture. Lib. I, de glorià mart.

(2) Voyez les institutions de l'art chrétien par l'abbé Pascal t. 1 pp. 17 1et 172. L'archéologue chrétien par l'abbé Gareiso supérieur

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du grand séminaire de Nimes p. 225.

(3) Cfr A. Rocca, t. 1, p. 153.

(4) Martigny diction. des antiquités chrétiennes. V⚫ Crucifix, p. 191. (5) Roma subterranea t. II, p. 195.

avec quatre clous. Il dit que les crucifix de Lucques, de Veroli près d'Ancône et de Lorette sont faits de la même manière, et il ajoute que celui dont Juvenal évêque de Jérusalem fit don au pape Saint-Léon-le-Grand, de même que le Christ en argent, de grandeur naturelle, que Charlemagne donna au pape Léon III, avaient aussi les pieds séparés.

Nous ajouterons à cette liste déjà bien longue, la croix pectorale des prévôts de Monza, qui passe pour être un don du pape saint Grégoire à Théodelinde, et sur laquelle le Sauveur est représenté exactement comme sur la croix de saint Badilon. (1) Ceux qui voudraient des points de comparaison plus nombreux pourront consulter les ouvrages cités dans le dictionnaire des antiquités chrétiennes de Martigny.

Il nous reste à expliquer les huit lettres grecques qui sont gravées sur les bras de la croix : ICXC NHKA inSous Xpisto3 viza, Jésus-Christ sois vainqueur. Cette inscription sur une croix est fort rare; nous n'avons pu en découvrir qu'un seul exemple sur la croix pectorale publiée en 1779, par le cardinal Etienne Borgia, qui est encore peut-être maintenant dans l'église collégiale de SaintErasme à Veroli. (2) La seule différence qu'il y a, c'est que l'inscription, qui est composée identiquement des mêmes lettres, est placée à côté du titre de la croix, au lieu d'être sous les bras du Christ. (5)

On trouve cette même inscription sur des monnaies bysan

(1) On peut voir un dessin de cette croix dans l'ouvrage que publie en ce moment Mgr Bock chanoine d'Aix-la-Chapelle, intitulé Geschichte der Liturgischen Gewander des Mittelalters, planche XXIX, fig. 1. Le Christ, vêtu du Colobium sans manches, a le nimhe crucifère. Il est gravé à la pointe et le dessin est très-incorrett.

(2) Borgia « De Cruci Vaticatea» in-4. Roma 1779, p. 45. (3) Annales archol. tom. 25, n° 26.

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