Compte-rendu des séances de la commission royale d'histoire ou recueil de ses bulletins, 3 série, tome VI, 3 bulletin. -Collection de chroniques belges inédites publiées par ordre du gouvernement et par les soins de la commission royale d'histoire, tome IV. Annales de la société archéologique de Namur, tome VIII, 4e livraison. M. le vicaire-général VOISIN entretient ses collègues de l'ouverture de la châsse de saint Badilon que l'on a faite dernièrement à Leuze. Il donne à ce sujet divers détails qui pourront faire l'objet d'une notice fort intéressante. Le même membre fait connaître qu'il a fait un petit travail à l'occasion de la trouvaille faite, il y a peu de temps, d'un contrat passé en 1845 pour la confection d'un monument funèbre en cuivre. L'assemblée entend la lecture de cette note et en décide l'impression dans les Bulletins. La séance est levée. Les dinanderies de Tournai. Les chanoines Les dinanderies de Tournai se sont fait remarquer à l'exposition de Malines de 1864. Le lutrin-aigle de l'église de Saint-Ghislain de 1442, et le chandelier d'élévation d'Antoing, fabriqués et signés par le fondeur Guillaume Lefèvre, y ont attiré l'attention des archéologues. Depuis lors nous avons signalé bon nombre d'objets du même genre possédés par plusieurs églises tant de cette ville que des environs; mais nous ne connaissions jusqu'ici qu'un fondeur du xve siècle et qu'une pièce de dinanderie du XIVe siècle, le lutrin de l'église de Saint-Nicolas, qui porte la date de 1883. Un acte, récemment trouvé aux archives de Tournai, nous fournit la preuve que l'art dinandais florissait en cette ville bien antérieurement, et, ce qui est fort heureux, il nous révèle le nom d'un artiste qui devait être fort habile. Cet acte est un contrat passé entre Simon Du Portail, chanoine de l'église Notre-Dame à Tournai, et LOTARS HANAITTE, en 1845. Lotars s'engage à faire une tombe couvierte de laiton toutte aussi grande, aussi longue et aussi lée (1), et aussi souffisamment ouvrée que nest celle de Jakemon de Corbry gizant ens en ledite église; et ara, y est-il dit, en cette tombe ij joyages de priestres diasprées (2) et la cumpagne (3) dentour laissie dor...... et doit i estre toutte li œuvre dessus dite bien saudée et ouvrée souffisamment, et pour toutte ceste oevre faire bien et souffisamment, si com dit est,... doit Lotars avoir vjx livres de Tournay tel monnaie que i escut dor de pois et de loy pour xiiij sols parisis, etc. A ces convenences faire et deviser, si com dit est, fu Jehan li Flamens, com voirs jures, et Collars Collemers, comme autre hom qui connaist les parties, et si furent les parties a cest escript livré ; et pour souvenance en est cius escrips fais en trois parties, dont mestre Simons (1) Lée, les, léese, lez, leze, lezie, chemin large dans un bois ; il signifie aussi un côté large, largeur, étendue. De là vient le mot allée. On a dit d'abord la lée, de leda, terme de basse latinité qui a ce sens. (2) Deux joyages de priestres diasprées, deux figures de prêtres artistement travaillées. Diaspréer, orner, décorer. (3) Campagne, champ, espace qui reste libre autour d'un cadre. Douportal warde le première partie, li voirs jures warde le moyenne partie et Lotars Hanaite warde le tierce partie. Ce fu fait lan de grasse MCCCXLV le viije jour dou mois de novembre. Les contractants ajoutèrent au verso du parchemin cette clause: Et saucun debat se mouvoit entre les deux parties pour cesti cauze, tous li debat est sour seigneur Jehan Goubaut et sour Collars Collemer à faire leur volonté. Cet acte, fait avec tant de solennité et de précaution, et dont l'objet par conséquent devait avoir une importance majeure, nous fait regarder comme très-probable que le contre-retable de l'ancien autel du choeur de la cathédrale, consistant en une table d'airain soutenue par des colonnes de même métal, était aussi l'œuvre de Lotars. Hanaitte. On sait que sur cette table d'airain étaient posées les fiertes de saint Éleuthère et de Notre-Dame, et que le chapitre la devait à la libéralité du même Simon Du Portail, qui outre ce souvenir voulut laisser à ses confrères la superbe lame en cuivre sur laquelle il se fit représenter en habits sacerdotaux. Mais dans le contrat dont nous avons donné un extrait, il est question de deux figures; Lotars Hanaitte s'engage à faire deux joyages de priestres diasprées; quel a pu être le second personnage figuré sur le monument funèbre? c'était sans nul doute le frère de Simon, Jean Du Portail. Ces deux frères, nés à Parthenay dans le Poitou, ont joué un assez grand rôle dans le chapitre de Tournai, et ils méritent que nous en disions quelques mots (1). (1) Hoverlant, dans son Histoire de Tournai, tome 12, ne fait des deux frères qu'une seule personne. Il dit que Jean, après avoir été archidiacre et choisi pour évêque, devint doyen; ce qui est tout à fait inexact; c'est Simon qui fut doyen. Si nous en croyons Jean Li Muisi, abbé de S'-Martin, Jean Du Portail aurait été proclamé évêque de Tournai par le chapitre après la mort de Guillaume de Ventadour, et porté en triomphe à la cathédrale où l'on aurait chanté de suite le Te Deum. Tous nos historiens, sans en excepter notre bon Cousin, ont répété cette histoire, en laissant croire que le chapitre aurait, en cette circonstance, fait une cérémonie plus ou moins ridicule. Voici la traduction d'une note faite à ce sujet, qui se trouve dans un recueil précieux de pièces historiques, attribué à l'un des chanoines du Chambge et écrit vers 1600. « Il est à remarquer que Jean Li Muisi, abbé de Saint-Martin, qui nous a laissé le récit historique des faits arrivés à Tournai de son temps, dit qu'à l'évêque Guillaume le chapitre a fait succéder dans l'épiscopat Jean Du Portail, et que ce corps a été installer le nouvel élu en chantant le Te Deum; ce que je ne regarde pas comme bien prouvé, tant à cause que le clergé de Tournai n'avait pas alors la faculté de se choisir librement un évêque, que parce qu'au livre long des actes (1), on voit que, depuis la mort de Guillaume jusqu'à la fin de 1334, époque de la promotion d'André (2), le siège est demeuré vacant, et l'évêché a été administré par le chapitre qui en a renouvelé les officiers, comme il appert par les actes inscrits audit livre aux pages 4, 22, 38, 39, 51, 55 et 56. D'ailleurs Jean Du Portail vivait encore en 1337, et il était alors archidiacre. » Toutefois, on peut dire que Jean a été élu par le chapitre à l'évêché, et que son élection aura été rejetée, (1) C'est un registre comprenant les anciens actes capitulaires les plus importants, et que nous possédons encore. (2) André Ghini, de Florence. soit par le Pape, soit par le Roi, et c'est ce qui se trouve dans les notes de Saint-Martin. Quoi qu'il en soit, il ne conste pas que l'élu ait jamais abandonné son archidiaconat, comme on peut s'en convaincre par les actes qui ont précédé et suivi cette élection. » Et Li Muisi lui-même, dans un autre endroit de son histoire le reconnaît, lorsqu'il dit qu'après la mort de Guillaume de Ventadour le pape Jean XXII s'était réservé les évêchés et les autres bénéfices, et qu'en conséquence, après avoir appris la mort de Guillaume, il conféra l'évêché de Tournai à un noble personnage nommé Théobald du Sausoire, lequel après la réception de ses bulles fut ordonné prêtre ; mais surpris par la mort il ne put se rendre personnellement à Tournai. C'est ainsi que fut annulée l'élection de Jean Du Portail (1). » (1) Notandum hic dominum Joannem Li Muisi, abbatem sancti Martini et sui temporis historici tornacensis potissimum scriptoris, dicere domino Guillelmo suffultum esse electione Dominorum de capitulo in episcopatu dominum Joannem de Portali, eumque a capitulo electum, installatum fuisse canendo Te Deum laudamus, quod tamen mihi non satis probatur, primo quia electionem liberam sui episcopi non habebat tunc temporis clerus tornacensis, tum quia ex longo libro actarum patet a morte Guillelmi ad finem usque anni 1334 quo promotus est Andræas, sedem semper vacâsse, ideoque capitulum episcopatum administrâsse; imo officiarios renovâsse dicti libri foliis 4, 22, 38, 39, 51, 55 et 56. Præterea dominus Joannes de Portali vivebat adhuc anno 1337, eratque tornacensis archidiaconus. Verum autem potest esse dictum dominum Joannem a capitulo electum fuisse ad episcopatum et a pontifice aut rege hujusmodi electionem fuisse rejectam, et hoc habent notæ Sancti Martini. Quidquid est, non constat eumdem unquam archidiaconatum suum deseruisse, ut ex actis, tam ante quam post hæc tempora, constat. Et ipsemet dominus Li Muisi, alio loco sua historiæ, fatetur dum |