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M. le Président Du Bus, M. Edmond Du Bus, et M. le vicaire-général VOISIN présentent Monsieur le baron Ferdinand De Roisin comme membre titulaire.

Il sera statué par voie de scrutin à son admission, conformément au règlement, à la prochaine séance.

M. le vicaire-général VOISIN rappelle à l'assemblée qu'il a été plusieurs fois question de l'impression d'une notice sur la bruyère de Bulscamp et sur un voyage qu'y fit en 1242 l'évêque de Tournai, Walter de Marvis, pour y tracer la délimitation de plusieurs paroisses. Cette notice, qui est accompagnée d'une carte, et qui a été retouchée par M. le chanoine Andries, président de la société d'émulation de Bruges, a été convoitée par nos confrères de la Flandre occidentale, et ils nous font maintenant la proposition, par l'organe de leur honorable président, de publier simultanément cet intéressant travail; il serait fait un tirage spécial de la carte de la bruyère pour nos bulletins. Cette proposition est acceptée avec reconnaissance.

La séance est levée.

NOTICE

SUR LA

GRANDE BRUYÈRE FLAMANDE DE BULSCAMP,

OU

Itinéraire de Walter de Marvis, évêque de Tournai, fixant, en 1242, ies limites d'un grand nombre de paroisses touchant à cette bruyère; avec une carte.

PREMIERE PARTIE.

Esquisse historique de Bulscamp.

A une distance égale d'environ cinq lieues de la mer du Nord, un vaste plateau un peu élevé et sablonneux traverse les deux Flandres d'occident en orient. Cette zône, large de deux à trois lieues, entre Anvers el Gand, s'appelle Pays de Waes; de Gand à Eecloo, elle porte le nom de Meetjesland (pays des quatre métiers); de Somerghem à Thourout et Lichtervelde (1), c'est le Bulscampveld, le cœur de la bruyère; et de Thourout vers la frontière française, dans la direction de Saint-Omer, on

(1) Sanderus, Flandria illustrata, tome II, page 237, fait une mention spéciale de notre bruyère, en parlant de Lichtervelde; il dit que cette belle commune touche à la bruyère de Bulscamp, qui, ajoute1-il, est la plus vaste bruyère de la Flandre. Lichtervelde in vicinia myriceti totius Flandriæ maximi, quod vulgò vocant Bulscampveld.

rencontre le fameux Vrybusch (Bois franc) (1). On peut dire qu'autrefois ces diverses parties, dans toute leur étendue, ne formèrent qu'une même suite de bruyères désertes et plus ou moins stériles, où les bêtes sauvages, les maraudeurs et les voleurs de grand chemin avaient leurs repaires.

La partie qui s'étend de Somerghem à Thourout, ou le Bulscampveld proprement dit, fut sans doute longtemps, et naguère encore, la plus stérile, la plus déserte de toutes. Un de nos savants contemporains (2) nous trace un tableau saisissant de ces lieux incultes et solitaires :

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Prenez, dit-il, le convoi du chemin de fer de Gand qui se dirige vers Bruges, descendez à la station de Bloemendale (Vallée de fleurs), sans doute pour faire contraste avec la stérilité de la contrée voisine; laissez le panache de fumée de la puissante machine à vapeur flotter au loin dans les airs, oubliez vos compagnons de voyage qui vont s'ébattre sur la plage d'Ostende, prenez la route solitaire qui conduit à gauche, et enfoncez-vous

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(1) Ce Vrybusch n'était qu'une vaste étendue de terres stériles et sablonneuses à l'époque dont il s'agit ici. Plus tard il fut couvert de sapinières, et, à cause de son étendue, il finit par devenir un asile, un bois franc pour les voleurs. Un professeur du petit Séminaire de Roulers a fait revivre les traditions populaires en publiant, en 1859, un roman historique sous le titre de : Baekeland of de rooversbende van 't Vrybusch. West-Vlaemsche legenden. (Baekeland ou la bande de voleurs du Vrybusch. Légendes de la West-Flandre). La lucidité, la naïveté de la narration, le choix judicieux des personnages, le vrai ou le vraisemblable dans les détails, le caractère effrayant des faits ont fait de ce livre une espèce de chef-d'œuvre. Deux éditions successives en ont été faites et aussitôt épuisées.

(2) M. le baron de Saint-Genois, Le château de Wildenborg ou les mutinés du siége d'Ostende (1604). Bruxelles, 1846, page 2.

dans l'intérieur du pays. Peu à peu la gaie tuile rouge des fermes flamandes s'effacera derrière de sombres et tristes sapinières; par degré disparaîtront ces champs si proprement tenus, qui n'ont cessé de sourire jusqu'ici à votre regard; les bouleaux aux branches grèles et rabcugries remplaceront le frêne, l'orme, le tremble et tous ces arbres d'un aspect si vivace, qui grandissent ailleurs; plus de colzas affaissés sur eux-mêmes par leur propre poids; plus de blés aux tiges élancées, de trèfles bien fournis, d'avoines ondoyantes, de lins soyeux; mais l'humble bruyère, l'ivraie, la sombre verdure de l'éryca sauvage, sur laquelle se détachent de temps en temps, au sommet d'un léger monticule, les grappes d'or de quelques touffes de genêts; puis des parties de terrain entièrement nues, carbonisées, noires, comme si la foudre en avait consumé la végétation; un sol à tourbes non exploité; des fondrières, des marais dont la surface est couverte d'une trompeuse couche de verdure. Vous marchez bientôt sans ne plus rencontrer aucune habitation, aucun être vivant. L'horizon est fermé par d'épaisses forêts de sapins. Chaque bouquet de bois, chaque taillis que vous rencontrez sur votre route, débouche sur une clairière à perte de vue, froide, silencieuse, où slagnent de grandes flaques d'eau, abondamment distillées par des accidents de terrain. Non pas que le sol soit ingrat et incapable de produire en cet endroit; les efforts couronnés de succès de quelques agronomes intelligents prouvent au contraire le parti que l'on pourrait tirer de ces landes. Mais le manque de bras et de ressources a longtemps été un obstacle à la mise en culture de cette partie de la Flandre. »

Quelques auteurs croient qu'à diverses époques la mer, par ses débordements fréquents, forma des espèces de

baies, et, inondant les basses terres, jeta parfois ses flots jusqu'à Bulscamp. Et, en effet, il y a tels endroits, comme à Aeltre, où l'on trouve des dépôts de coquilles, des couches de sable et de résidus, qu'on ne découvre guère qu'aux abords de la mer. Plus d'une fois on a vu dans ces mêmes endroits, à une profondeur moyenne de dix pieds, des troncs d'arbres en grande partie consumés, et presque toujours couchés dans la direction du sud au nord.

A l'époque où ces contrées furent civilisées par la prédication de l'Évangile, et jusqu'au septième siècle, Bulscamp n'était qu'un vaste désert. Nous lisons, dans la vie de saint Bavon (1), qui mourut à Gand en 653, que ce saint, aux approches de la mort, eut un grand désir de voir son intime ami Domlin, qui était prêtre ou curé de l'église de Thourout; or, ce digne et fidèle ami traversa aussitôt la grande solitude comme par miracle, et administra au mourant les derniers sacrements de l'Église.

La situation de cette vaste plaine qui, dans toute sa longueur, n'était coupée par aucun cours d'eau de quelque importance, a dû engager les premiers conquérants du pays à y construire des routes ou de grands chemins. Quelques restes d'une route en pierres, construite, diton, par les Romains, ont été découverts sur la ligne de Calais à Ardenbourg. On connaît encore le chemin d'Oudenbourg à Gand par Oostcamp et Aeltre. A Wynghene et à Ruysselede on le nomme: den Dixmudschen Boterweg; de Poucques à Bruges, le Chemin du seigneur de Poucques.

En outre, ces vastes plaines ont été, au moyen-âge, le

(1) Qui angelico ductus, reductusque ministerio per vastam solitudinem accersitus, adfuit etc. (BOLLAND., in vita S. Bavonis, 1 Oct.).

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