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théâtre de fréquentes rencontres d'armées ennemies, dont il est fait mention dans les histoires du pays. L'an 1128, le 21 juin, Guillaume de Normandie, prétendant à la succession de l'infortuné comte de Flandre, Charlesle-Bon, partit d'Oudenbourg au point du jour, et vint, avec une armée nombreuse, attaquer son compétiteur, le comte Thierry d'Alsace, qui s'était arrêté à Axpoele avec ses troupes. La journée fut fatale à ce dernier ; elle fut cruelle et meurtrière; car, aux derniers rayons du soleil, les collines étaient couvertes de milliers de cadavres, et c'est à cause de cette bataille sanglante, que la vallée, où elle se donna, se nomme encore Gullikeputten (1), (puits ou tombeaux de ceux de Juliers), situés aux limites de Ruysselede et de Wynghene (2).

Vingt jours après la sanglante journée d'Ax poele, les deux prétendants se rencontrèrent de nouveau au château de Gruuthuyse, à Oostcamp. Le comte Guillaume y fut encore vainqueur, mais étant allé immédiatement faire le siége d'Alost, il y fut tué le mois suivant, c'est-àdire le 27 juillet de cette même année (3).

L'an 1879, plus loin, vers l'est, sur le territoire d'Aeltre, les Gantois, avec leurs chaperons blancs, vinrent chasser, avec grande perte d'hommes et de matériaux, les Brugeois qui étaient occupés à creuser un canal de

(1) Gulick, Juliers. Thierry avait emmené beaucoup de soldats du pays de Juliers, qui furent enterrés à l'endroit dont il est ici question, et qui est indiqué sur la carte du Franc dans Sanderus. Sur la carte de Ferraris, on le nomme, par corruption, gulde putten (puits dorés).

(2) Quelques savants ont prétendu que cette bataille eut lieu aux environs d'Alost. Nous ne croyons pas qu'il soit possible d'appuyer cette assertion de preuves convaincantes.

(5) Annales de la société d'émulation; tome II, pages 264-280.

communication de leur ville avec la Lys jusqu'à Deynze. A une demi-lieue ouest d'Aeltre (1), presque sur la ligne de séparation des deux Flandres, on voit encore le bassin de ce canal, qui s'appelle het auwe Leike (l'ancienne Lys), et qui descend vers la Câle (de Caluwe), derrière le château de Poucques.

On peut remarquer, sur la carte des Flandres, que le plateau de Bulscamp, dans toute sa longueur, est flanqué de chaque côté de paroisses très-étendues, dont les églises sont très-éloignées les unes des autres; ceci ne doit pas nous étonner; car autrefois leurs limites étaient, pour ainsi dire, perdues dans les bruyères. Quelques petites paroisses toutefois sont enclavées dans la grande bruyère, mais elles ne sont pas citées dans l'itinéraire de l'évêque de Tournai, de 1242, parce que, probablement, elles n'existaient pas encore.

La population augmentant toujours, l'activité humaine fit subir aux landes si étendues de Bulscamp, à diverses époques, de grandes modifications, et notamment, dès le XII siècle, les limites en furent rétrécies considérablement.

Il arriva que des terres furent mises en culture qui, de mémoire d'homme, étaient demeurées en friche; ces terres, nommées novalia, en droit canon, étaient sujettes à la dîme aussi bien que les anciennes, terræ veteres; mais il était souvent impossible de dire sur quelle paroisse elles étaient situées, et par conséquent on ne pouvait dire au juste à qui ces dîmes étaient dues. Le dé

(1) En ce même endroit on trouve souvent des pièces de bois ou d'autres objets pétrifiés. La cause de ce phénomène s'explique par le séjour qu'y firent les pionniers brugeois.

BULLETIN T. II.

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faut de délimitation de ces territoires donna done licu à beaucoup de contestations; Walter de Marvis s'en préoccupa et voulut y mettre fin. Par une charte du 7 juillet 1240 (1), il établit d'abord que ces dîmes appartiennent, en vertu des principes généraux, à l'Ordinaire diocésain; mais, par reconnaissance envers son chapitre, à qui, dit-il, il doit son éducation et même son élévation à l'épiscopat, il cède la moitié de ces dîmes au chapitre, et il en réserve l'autre moitié à lui et à ses successeurs. Il déclare en outre que la portion congrue ou sustentation convenable des curés des églises paroissiales bâties ou à bâtir, sera fournie par moitié par l'évêque et par le chapitre. Ces dispositions si sages rencontrèrent des contradicteurs. Quelques mois plus tard, Jeanne de Constantinople fut forcée d'intervenir; elle nomma des arbitres chargés de décider, sans appel, qui étaient les décimateurs des novales situées dans les paroisses déjà limitées (2). Cette espèce de compromis entre les prétendants, força l'évêque à continuer l'œuvre de la délimitation.

L'époque où vécut Walter de Marvis, c'est-à-dire la première moitié du x1° siècle, est la plus importante de notre histoire, pour ce qui regarde les défrichements et les délimitations qui en furent la conséquence.

Nous ferons observer d'abord, qu'aux xire et XIII° siècles, l'agriculture prit son essor en Flandre, grâce aux abbayes qui s'y étaient élevées et qui s'adonnaient avec un zèle incroyable à la mise en culture des immenses

(1) COUSIN, Histoire de Tournai, t. IV, page 53, et Notice sur Walter de Marvis, par M. Descamps, vicaire-général de Tournai, page 157. 1852, Casterman.

(2) Notice sur Walter de Marvis, page 138.

bruyères et wastines qui leur furent concédées par la générosité de nos souverains, et par d'autres grands seigneurs, à leur exemple. - Philippe d'Alsace (1157-1191) y contribua particulièrement par l'institution des waleringues et le dessèchement des moëres. Mais, pour rentrer plus directement dans notre sujet, nous dirons que, par octroi de l'an 1216, la comtesse Jeanne de Constantinople autorisa les communes de Thourout, Git et Lichtervelde, à défricher les parties de Bulscamp, comprises dans leur territoire respectif (1).

Dans une savante Esquisse sur la mise en culture de la Flandre- Occidentale (2), un écrivain dont tant de curieuses dissertations enrichissent nos Annales, dit : « Je pourrais publier tout un volume de chartes de do» nations ou de ventes de Wastinæ vendues ou données » aux x et x siècles, dans les parties sud et est de Bruges.

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Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans des développements bien longs pour prouver que c'est pendant l'épiscopat de Waller, c'est-à-dire de 1219 à 1252, que les défrichements avaient atteint les proportions les plus fortes; il suffira, pour établir ce point, de faire l'énumération de toutes les paroisses dont le prélat a été forcé de fixer les limites. Ainsi, sans parler de toutes les paroisses, objet du présent article, il fixa, en 1243, les limites des paroisses suivantes, situées au nord de la Flandre vers Breskens St-Nicolas, Ozemonskerke, S'-Bavon, : Sto Marguerite, S-Éloi, S-Catherine d'Oostbourg, Rousse

(1) J.-J. Raepsaet, OEuvres complètes, tome IV, page 385. (2) Annales de la société d'émulation, tome III, pages 191. 1841.

laere ou Rolliers, Groude, Saeftinghe, Watervliet, Rodenbourg, Maldeghem (1).

A la même époque eut lieu, par ses soins, la délimitation de plusieurs communes situées au nord du pays de Waes, le Bulscampveld de la Flandre orientale; nous trouvons mentionnées les paroisses de Kieldrecht, Zwindrecht, Calloo, Vracene, Beveren, Moerbeke, Berlaerc, Waesmunster; et, plus à l'est, dans le pays des quatre métiers, Lembeke, Oost-Eecloo ou Eecloo-Ste-Croix, Bassevelde, etc. (2).

Il érigea en paroisse le hameau de Nazareth, qui ne possédait qu'une simple chapelle, et détacha de la commune de Somerghem, qui avait un territoire d'une étendue immense, deux paroisses nouvelles, savoir: Waerschoot et Oostwinkel (3). Ainsi se rétrécissaient, peu à peu, ces vastes plaines désertes, pour faire place à des champs que le travail avait rendu fertiles.

Depuis les démarcations faites par l'actif prélat, l'étendue de cette bruyère fut réduite encore davantage; à l'orient, elle ne s'étendit plus que jusqu'à Somerghem; du côté de l'ouest, elle confina à Zwevezeele, Lichtervelde et Thourout; au nord, elle toucha à Knesselaere et Oedelem, et, au sud, elle ne dépassa pas les limites de la paroisse de Lootenhulle.

Au siècle dernier, les communes de Beernem, Oedelen, Wynghene, Oolscamp et Ruddervoorde, comprenaient encore de grandes parties de ces landes. De même, une partie de Ruysselede et presque la moitié du grand territoire d'Aeltre, jusqu'aux limites de Knesselaere et

(1) Notice sur Walter de Marvis, page 47.

(2) Ibid., page 140.

(3) Ibid., page 48.

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