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NERON.

Et que vous montrent-ils qui ne vous avertisse Qu'il fant qu'on me respecte et que l'on m'obéisse?

BRITANNICUS.

Ils ne nous ont pas vus l'un et l'autre élever,
Moi pour vous obéir, et vous pour me braver;
Et ne s'attendaient pas, lorsqu'ils nous virent naître,
Qu'un jour Domitius me dût parler en maître.

NERON.

Ainsi par le destin nos vœux sont traversés;
J'obéissais alors, et vous obéissez.

Si vous n'avez appris à vous laisser conduire,
Vous êtes jeune encore, et l'on peut vous instruire.

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Rome met-elle au nombre de vos droits Tout ce qu'ont de cruel l'injustice et la force, Les emprisonnements, le rapt, le divorce?

NERON.

Rome ne porte point ses regards curieux
Jusque dans les secrets que je cache à ses yeux.
Imitez son respect.

BRITANNICUS.

On sait ce qu'elle en pense.

NÉRON.

Elle se tait du moins: imitez son silence.

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NÉRON.

Heureux ou malheureux, il suffit qu'on me craigne.

BRITANNICUS.

Je connais mal Junie, ou de tels sentiments
Ne mériteront pas ses applaudissements.

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Du moins, si je ne sais le secret de lui plaire,
Je sais l'art de punir un rival téméraire.

BRITANNICUS.

Pour moi, quelque péril qui me puisse accabler,
Sa seule inimitié peut me faire trembler.

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Souhaitez-la; c'est tout ce que je puis vous dire.

BRITANNICUS.

Le bonheur de lui plaire est le seul où j'aspire.

NERON.

Elle vous l'a promis, vous lui plairez toujours.

BRITANNICUS.

Je ne sais pas du moins épier ses discours :
Je la laisse expliquer sur tout ce qui me touche;
Et ne me cache point pour lui fermer la bouche.

NERON.

Je vous entends. Hé bien, gardes!

JUNIE.

Que faites-vous?

C'est votre frère. Hélas! c'est un amant jaloux.
Seigneur, mille malheurs persécutent sa vie :
Ah! son bonheur peut-il exciter votre envie?
Souffrez que, de vos cœurs rapprochant les liens,
Je me cache à vos yeux, et me dérobe aux siens.
Ma fuite arrêtera vos discordes fatales;
Seigneur, j'irai remplir le nombre des vestales.
Ne lui disputez plus mes vœux infortunés;
Souffrez que les dieux seuls en soient importunés.

NÉRON.

L'entreprise, madame, est étrange et soudaine.
Dans son appartement, gardes, qu'on la remène.
Gardez Britannicus dans celui de sa sœur.

BRITANNICUS.

C'est ainsi que Néron sait disputer un cœur!

JUNIE.

Prince, sans l'irriter, cédons à cet orage.

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NÉRON, sans voir Burrhus.

Ainsi leurs feux sont redoublés:

Je reconnais la main qui les a rassemblės.
Agrippine ne s'est présentée à ma vue,

Ne s'est dans ses discours si longtemps étendue,
Que pour faire jouer ce ressort odieux.

Apercevant Burrhus.)

Qu'on sache si ma mère est encore en ces lieux. Burrhus, dans ce palais, je veux qu'on la retienne, Et qu'au lieu de sa garde on lui donne la mienne.

BURRHUS.

Quoi! seigneur, sans l'ouïr? Line mère!

NERON.

Arrêtez :

J'ignore quel projet, Burrhus, vous méditez;
Mais, depuis quelques jours, tout ce que je désire
Trouve en vous un censeur prêt à me contredire.
Répondez-m'en, vous dis-je: ou, sur votre refus,
D'autres me répondront et d'elle et de Burrhus.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

ACTE IV.

SCÈNE PREMIERE.

AGRIPPINE, BURRHUS.

BURRHUS.

Oui, madame, à loisir vous pourrez vous défendre:
César lui-même ici consent de vous entendre.
Si son ordre au palais vous a fait retenir,
C'est peut-être à dessein de vous entretenir.
Quoi qu'il en soit, si j'ose expliquer ma pensée,
Ne vous souvenez plus qu'il vous a offensée ;
Préparez-vous plutôt à lui tendre les bras:
Défendez-vous, madame, et ne l'accusez pas.
Vous voyez, c'est lui seul que la cour envisage.
Quoiqu'il soit votre fils, et même. votre ouvrage,
Il est votre empereur ! Vous êtes, comme nous
Sujette à ce pouvoir qu'il a reçu de vous.

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Selon qu'il vous menace, ou bien qu'il vous caresse La cour autour de vous ou s'écarte ou s'empresse. C'est son appui qu'on cherche en cherchant votre appui, Mais voici l'empereur.

AGRIPPINE.

Qu'on me laisse avec lui.

SCÈNE II.

NÉRON, AGRIPPINE.

AGRIPPINE, s'asseyant.

Approchez-vous, Néron, et prenez votre place.
On veut sur vos soupçons que je vous satisfasse.
J'ignore de quel crime on a pu me noircir:
De tous ceux que j'ai faits je vais vous éclaircir.
Vous régnez vous savez combien votre naissance
Entre l'empire et vous avait mis de distance.

Les droits de mes aïeux, que Rome a consacrés,
Etaient même sans moi d'inutiles degrés.
Quand de Britannicus la mère condamnée
Laissa de Claudius disputer l'hyménée,
Parmi tant de beautés qui briguèrent son choix,
Qui de ses affranchis mendièrent les voix,
Je souhaitai son lit, dans la seule pensée
De vous laisser au trône où je serais placée.
Je fléchis mon orgueil; j'allai prier Pallas.
Son maître, chaque jour, caressé dans mes bras,
Prit insensiblement dans les yeux de sa nièce
L'amour où je voulais amener sa tendresse.
Mais ce lien du sang qui nous joignait tous deux
Ecartait Claudius d'un lit incestueux.

Il n'osait épouser la fille de son frère.

Le sénat fut séduit : une loi moins sévère
Mit Claude dans mon lit, et Rome à mes genoux.
C'était beaucoup pour moi, ce n'était rien pour vous.
Je vous fis sur mes pas entrer dans sa famille;
Je vous nommai son gendre et vous donnai sa fille :
Silanus, qui l'aimait, s'en vit abandonné,

Et marqua de son sang ce jour infortuné.
Ce n'était rien encore. Eussiez-vous pu prétendre
Qu'un jour Claude à son fils dût préférer son gendre?
De ce même Pallas j'implorai le secours:
Claude vous adopta, vaincu par ses discours,
Vous appela Néron; et du pouvoir suprême
Voulut, avant le temps, vous faire part lui-même.
C'est alors que chacun, rappelant le passé,
Découvrit mon dessein déjà trop avancé:
Que de Britannicus la disgrace future
Des amis de son père excita le murmure.
Mes promesses aux uns éblouirent les yeux;
L'exil me delivra des plus seditieux;
Claude même, lassé de ma plainte éternelle,
Eloigna de son fils tous ceux de qui le zèle,
Engagé dès longtemps à suivre son destin,
Pouvait du trône encor lui rouvrir le chemin.
Je fis plus je choisis moi-même dans ma suite
Ceux à qui je voulais qu'on livrât sa conduite;

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