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la proposition avec quidnam peut, je crois, difficilement être une proposition exclamative.

Aucun des passages dont je viens de donner la liste n'est de nature à modifier les conclusions auxquelles j'étais arrivé précédemment. Quant à M. Kraz, la règle qu'il adopte est précisément celle que j'ai plusieurs fois citée dans mon article sous le nom de « règle de Schultz (voy. p. 113); je vois maintenant que j'aurais dù l'appeler « règle de Kraz », car c'est sans doute à M. Kraz que Schultz l'a empruntée. Je persiste, d'ailleurs, à trouver que cette règle s'accorde mal avec les faits:

1° La distinction que M. Kraz fait entre deux catégories d'interrogations oratoires me semble insuffisante; j'ai essayé de montrer qu'il y en a, logiquement, plus de deux. C'est fausser, à mon avis, le sens des passages cités que de prétendre ramener aux cas où une interrogation avec quis équivaut à une affirmation avec nullus les exemples suivants : César, de b. G., 5, 29, 7; T.-Live. 32, 33, 13; Tacite, Hist. 3, 13; Ann., 6, 2 (« quos omitti posse...? » et « quam deinde speciem fore.....? »); de même, c'est fausser le sens du passage de T.-Live, 38, 59, 6, que de dire que l'interrogation avec ubi équivaut à une affirmation avec nusquam: le sens de l'interrogation est ici tout à fait différent de celui qu'ont les interrogations avec ubi citées p. 124 (Tacite. Ann., 2, 2 et 3, 5). Pour le passage de Tacite, Ann., 13, 42, M. Kraz se rend très bien compte qu'il ne rentre ni dans l'une ni dans l'autre des deux catégories d'interrogations oratoires qu'il distingue, mais il se trompe, selon moi, lorsqu'il veut voir dans ce passage une interrogation véritable; il n'y a aucune incertitude dans la pensée de celui qui parle donc l'interrogation est purement oratoire.

2o On a pu voir plus haut (p. 127 et suiv.) que, dans les interrogations avec quid (« pourquoi ») ou cur qui impliquent un blame, on rencontre tantôt le subjonctif, tantôt l'infinitif; or, je le répète (cf. p. 128, note 4), d'après la règle de Kraz ou de Schultz, les interrogations de cette espèce devraient toujours être au subjonctif, car on pourrait toutes les remplacer, pour le sens, par une proposition au subjonctif (« quid enim pugnam ultra differri ? » = ne pugna ultra differretur, « cur enim illos... non venire? » — illi ad se venirent, etc.). Ici les distinctions que M. Kraz cherche à établir m'échappent tout à fait; car, s'il explique l'infinitif, là où il se rencontre, par cette considération que quid ou cur équivaut logiquement, selon lui, à nulla de causa, le même raisonnement serait applicable aussi aux passages où il y a le subjonctif, et dès lors ce serait l'infinitif qu'on devrait partout attendre en pareil cas. D'autre part, je ne comprends pas pourquoi, dans les deux

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passages de Tacite, Hist. 3, 70 et Ann. 1, 26, le subjonctif, qui serait conforme à sa règle, lui paraît irrégulier (le sens est: ne petisset, ne venisset, il n'aurait pas dù.....), et je ne saurais admettre que, dans ces deux passages, on ait affaire à une interrogation véritable. Je ne saisis pas non plus très bien ce que M. Kraz dit du sens ironique qu'il. veut attribuer à deux passages, T.-Live, 22, 50, 5, et Tacite, Ann., 13, 43. Enfin, il semble dire (p. 11) qu'une interrogation de la forme cur venisti?» pourrait devenir, dans le discours indirect, cur eum venisse?»; ceci me semble impossible à admettre. et je ne connais aucun exemple qui puisse autoriser cette assertion.

Ce que je reprocherais surtout à la dissertation de M. Kraz. dont je reconnais d'ailleurs tout le mérite, c'est qu'il a l'air de construire sa règle grammaticale à priori, d'après des considérations purement logiques, et que c'est seulement ensuite qu'il s'occupe de voir si les faits s'accordent avec sa théorie. Cette méthode est, ce me semble, tout l'opposé de celle qu'il faut suivre : il faut commencer par étudier les faits et, si faire se peut, les étudier sans aucun parti pris; les faits une fois réunis et classés, il est temps de songer à en tirer une règle ; et enfin, quand la règle est établie et démontrée, on peut se demander si cette règle s'explique logiquement, à condition qu'on n'oubliera pas que, dans toute langue, il y a des cas où l'usage offre des anomalies et ne se règle nullement sur la logique. Suivre l'ordre inverse, c'est risquer d'être entraîné, sans qu'on s'en rendre compte, à interpréter les faits d'une manière subtile ou forcée, quand ils vien

1. Il part de cet axiome» (p. 2) qu'une interrogation véritable ne peut pas être à l'infinitif dans le style indirect; mais, cet axiome, je ne l'admets nullement, voy. les passages cités p. 116 (j'avoue d'ailleurs que l'exemple de T.-Live, 2, 32, 6, pourrait aussi être considéré comme une interrogation oratoire, que je ferais alors rentrer dans ma catégorie n° 7; mais le sens que j'ai adopté me parait préférable).

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2. M. Kraz reproche à la règle de Madvig de n'avoir aucune raison d'être logique (p. 3). Il me semble, au contraire, que, si cette règle se vérifiait, elle s'expliquerait très bien par le besoin que la langue aurait pu éprouver de distinguer les trois personnes dans les interrogations du discours indirect. Quid fecit? serait devenu " quid eum fecisse? » et quid fecisti ?, au contraire, « quid fecisset?, tout simplement pour éviter que quid eum fecisse?» ou « quid fecisset put avoir un double sens. De même, quid feci? serait devenu« quid se fecisse?", et non « quid fecisset?", pour éviter la même possibilité d'équivoque (quid feci? et quid fecit? se distingueraient suffisamment l'un de l'autre, dans le style indirect, par le pronom sujet : " quid se fecisse? », « quid eum fecisse? »). Le malheur est que la règle de Madvig ne se vérifie que dans certains cas, que j'ai essayé de déterminer; dans d'autres cas, et suivant des raisons d'usage qui n'ont, je l'avoue, rien de logique, le subjonctif semble avoir empiété sur l'infinitif ou bien au contraire l'infinitif sur le subjonctif; mais il en résulte précisément des équivoques qui, avec la règle de Madvig, n'existeraient pas.

nent à l'encontre de la règle qu'on a imaginée; la dissertation de M. Kraz n'est peut-être pas exempte de ce défaut.

De même je trouve qu'il a eu tort de ne pas distinguer, dans chacune de ses listes d'exemples, les cas où l'interrogation directe serait à la 1 ou bien à la 2o ou bien à la 3e personne. Puisqu'il se proposait de réfuter la théorie de Madvig, qui est fondée sur cette distinction, la méthode scientifique eût exigé qu'il reprit la division de Madvig, pour montrer qu'elle ne correspondait à rien et que l'usage réel de la langue reposait sur tout autre chose. Il est vrai que M. Kraz semble admettre qu'au point de vue pratique sa règle, à lui, et celle de Madvig reviendraient à peu près au mème, en sorte que la première serait l'expression logique et la seconde l'expression purement mécanique d'une même série de faits: mais cette opinion ne me semble pas juste.

Je me bornerai maintenant à signaler rapidement d'autres points, moins importants, où je ne suis pas non plus de l'avis de M. Kraz: il cite comme propositions exclamatives des propositions où je vois des interrogations; il considère comme des interrogations indignées des propositions où je crois trouver l'expression d'un tout autre sentiment; dans le passage de César, de b. G.. 1, 43, 8, et dans le passage de T.-Live, 7, 20, 5, je crois, contrairement à ce qu'il pense, que « quis pati posset...?» et «eane meritos crederet quisquam..... ?» sont pour « quis pati possit...? eteane meritos credat quisquam....? » du style direct, et, au contraire, dans le passage de Tacite, Ann., 1, 17, je suis convaincu qu'au style direct il y aurait « cur.... obœditis? » Enfin M. Kraz méconnaît la règle posée par Madvig et rappelée plus haut, p. 115, c); aussi se donne-t-il beaucoup de peine pour expliquer le subjonctif dans divers passages qui ne devaient pas du tout être cités ici, et aussi défend-il à tort, T.-Live, 4, 58, 13, l'infinitif esse, qui est inadmissible. Pour ce qui est de l'objection tirée de passages tels que T.-Live, 27, 40, 2. je crois y avoir répondu par la distinction que j'ai essayé d'établir p. 115, note 3 3.

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A la suite de sa dissertation, M. Kraz traduit en latin quelques

1. C'est fausser le sens que de voir une exclamation dans des passages comme T.-Live, 8, 31, 5 et 8, 33, 22 (« quo id animo..... laturum? »).

2. T.-Live, 3, 20, 2; 4, 42, 5; 5, 36, 5; 7, 8, 2; 7, 15, 1; 10. 13, 10; Tacite, Ann., 15, 62. De même T.-Live, 8, 24, 12, n'était pas à citer comme exemple.

3. M. Kraz cite à ce propos, sans doute par inadvertance, T.-Live, 30, 21, 6, quantum terroris pavorisque esse meminisse »; cet exemple n'a rien à faire ici : au style direct, il y aurait, non pas : « quantum terroris.... fuerit meministis »". mais bien: « quantum terroris.... tum esse meministis!", cf. la note de Weissenborn.

pages de Niebuhr, où les règles de l'interrogation dans le discours indirect trouvent plusieurs fois leur application. Comme M. Kraz voit des interrogations véritables là où, d'après les définitions données p. 115-116 et 117, je ne peux voir que des interrogations purement oratoires, il en résulte qu'il emploie à plusieurs reprises le subjonctif d'une manière que je ne saurais trouver correcte1: p. 17 num quidquam esset absurdius?»; p. 18 fierine posset ut....?» et « fasne tum esset.... ?»; de même, dans des interro gations comme « Unde tamen tristes illi metus.... essent? Scilicet ex re et experimentis » (p. 18) et « Ad Alliam quis summæ rerum præfuisset? [Patricium scilicet præfuisse] » (ibid.), le subjonctif est moins correct que ne le serait l'infinitif, voy. p. 125-126 2.

J'ai indiqué les raisons pour lesquelles je ne suis pas de l'avis de M. Kraz. Toutefois, lorsque je considère que ce sont, à peu de chose près, les mêmes textes dont lui et moi nous nous sommes servis et qu'ayant chacun fait une étude consciencieuse de la question nous sommes arrivés à des conclusions si différentes, cela ne laisse pas de m'inspirer une certaine défiance de mon opinion personnelle. J'avoue aussi que mes conclusions n'ont pas, comme la règle de M. Kraz ou comme celle de Madvig, le mérite de la simplicité; mais il y a, dans toutes les langues, des chapitres de syntaxe où l'usage présente des indécisions et n'est pas aussi simple que les grammairiens pourraient le désirer. Je n'ai pu faire autrement d'ailleurs que de constater ce qui m'a paru ressortir de l'examen des faits; quel que soit en effet le jugement qu'on portera sur la solution que j'ai proposée, je puis assurer que je ne suis parti d'aucune idée préconçue et que, lorsque j'ai commencé à étudier la question, je ne m'attendais en aucune manière aux conclusions qui ont fini par s'imposer à moi.

O. RIEMANN.

Cicéron, de Finibus, 11, 24, 78: « Quid enim est amare... nisi velle bonis aliquem affici quam maximis etiamsi ad se nihil ex iis redeat? Et prodest, inquit, mihi eo esse animo. Immo videri fortasse. Esse enim, nisi eris, non potes. » — Eris est bon et prouvé tel par les mots de la proposition suivante «< qui autem esse poteris », où Cicéron démontre comme dans les phrases voisines, l'impossibilité de la condition supposée précédemment. Lire : Prodesse enim, nisi eris, non potest.

E. THOMAS.

1. Même si l'interrogation contenait une question véritable, je crois que, dans les passages qui vont être cités, l'infinitif vaudrait mieux que le subjonctif. 2. M. Kraz pense que " quem.... præfuisse?

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signifierait nécessairement : neminem..... præfuisse ; je crois qu'il se trompe, voy. notamment Tacite, Hist. 3, 13, et Justin, 28, 2, 8.

RÉCRÉATIONS D'UN VIEUX NORMALIEN

I. Cicéron, Pro Archia 1.

III, 6. (p. 30 Th.). « Erat temporibus illis jocundus Q. Metello «illi Numidico et ejus Pio filio, audiebatur a M. Æmilio, vivebat «< cum Q. Catulo et patre et filio, a L. Crasso colebatur, Lucullos « vero et Drusum et Octavios et Catonem et totam Hortensiorum « domum devinctam consuetudine cum teneret, afficiebatur summo honore, quod eum non solum colebant qui aliquid percipere atque audire studebant, verum etiam si qui simu<< labant. >>

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Au sujet des mots afficiebatur summo honore » É. Thomas dit en note: Entouré de la faveur de ces illustres familles, il recevait des autres toutes sortes de marques d'estime. A mon avis, il y avait plus de finesse dans la pensée de Cicéron. Il a dù dire, ce semble Entouré de la faveur des plus illustres familles (et des hommes les plus distingués par l'intelligence et l'instruction), rien pourtant n'était aussi honorable pour lui que l'empressement dont il était l'objet de la part de ceux mêmes qui affectaient l'amour des lettres plutôt qu'ils ne le ressentaient. » L'idée n'est pas seulement fine, elle est juste en aucun temps l'estime des gens de goût n'a paru aux poètes l'équivalent de la célébrité.

Mais pour exprimer cette idée il manque à côté de « honore▸ un démonstratif qui annonce « quod. » Il en est un qui a pu être facilement omis devant ce mot, c'est « hoc. » Nous écririons donc : afficiebatur summo (hoc) honore, quod... >

Ajoutons qu'entre colebatur et Lucullos vero un point et virgule vaudra mieux qu'une simple virgule.

Ib., ib., 14 (p. 41 Th.). Sed pleni omnes sunt libri, plena sapientium voces, plena exemplorum vetustas: quæ jacerent in « tenebris omnia, nisi litterarum lumen accederet..

Je trouve dans le dernier « Jahresbericht des Vereins de Berlin la mention et l'éloge d'une interprétation très ingénieuse de Paul Thomas, autre éditeur de ce même discours. Exemplo

1. A propos de l'excellente édition d'Émile Thomas, publiée récemment dans la Collection des éditions savantes (Paris, Hachette, 1883).

2. Cette interprétation n'est d'ailleurs pas particulière à Paul Thomas; on la trouve dans d'autres éditions antérieures. [Note de la réd.]

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